Back to
Actualités
Publié le
Mardi 05 Mai 2015
Ce nouveau rapport de France Stratégie propose plusieurs mesures fortes pour, notamment, responsabiliser les managers publics, systématiser l’évaluation indépendante des politiques publiques, promouvoir la co-construction du politique avec les citoyens et miser sur l’innovation des territoires et de la société civile pour réformer l’action publique.
Quelle action publique pour demain ?

Le 13 avril 2015, France Stratégie a remis à Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la Simplification, un rapport intitulé Quelle action publique pour demain ? Cinq objectifs, cinq leviers. Ce travail entendait prolonger la réflexion sur la réforme des institutions, initiée dans un précédent rapport, Quelle France dans dix ans ?, réalisé pour le président de la République en 2014.

La réflexion s’est notamment appuyée sur une série d’ateliers-débats thématiques, organisés à Paris, en région parisienne (Sénart) et en régions (Nantes, Grenoble) et qui visaient à recueillir la parole d’experts et d’acteurs de terrain : élus, associations, partenaires sociaux, monde économique, administrations centrales et déconcentrées, collectivités locales, universitaires et think tanks ont ainsi été invités à participer. Cette approche consultative avait également été menée pour rédiger le rapport Quelle France dans dix ans ?.

Les constats de départ se voulaient sans concession. En effet, si les Français attendent beaucoup de l’Etat et de l’action publique en général (protection sociale, sécurité, etc.), s’ils sont attachés aux valeurs de la République, ils déplorent de manière paradoxale l’excès de bureaucratie, l’illisibilité, les doublons et la complexité des administrations. Le consentement à l’impôt, alors même que la dépense publique est saturée, pose plus que jamais problème auprès des citoyens qui ont une impression de gaspillages et qui estiment que les décideurs sont très éloignés de leurs préoccupations. De plus, la société civile française, marchande et non marchande, est demandeuse d’autonomie. Il faut ajouter à cela une adaptation tardive de l’action publique aux évolutions économiques, sociales, culturelles et technologiques – par exemple, la concurrence du privé se fait sentir sur un nombre croissant de services.

D’une manière générale, que l’on parle des ménages, des associations ou encore des entreprises, les attentes des usagers des services publics ont évolué et sont complexes à prendre en compte : le souhait d’une offre plus individualisée et davantage adaptée aux situations de chacun est inséparable de l’exigence de ne pas rompre le principe d’égalité de traitement (notamment territoriale). Or l’Etat français dépense plus que ses voisins dans certains secteurs avec des résultats qui ne sont pas meilleurs, voire qui sont moins bons. En la matière, l’exemple de l’école est sans doute le plus connu. Inversement, les économies réalisées sur le budget de l’Etat ont trop souvent suivi une logique de rabot, au détriment d’une priorisation des actions et des politiques à mettre en œuvre ou à privilégier.

Tout cela participe d’une défiance dans les élites (politiques, administratives), qui est bien connue, dont on connaît les conséquences lors des élections, et qui affaiblit l’innovation économique, sociétale, la créativité, la prise de risque. Cette morosité est aussi celle des agents publics qui éprouvent une perte de sens de leur mission et qui subissent une paupérisation de plus en plus préoccupante.

Si rien n’est fait, les problèmes vont s’aggraver et se manifester, en particulier, par une compétition fiscale et un affaiblissement de l’innovation qui grèveront l’attractivité du territoire français ; par l’incapacité de l’Etat à attirer ou à retenir les meilleures compétences ; par l’antagonisme entre différents groupes sociaux (voire entre générations), qui peut se traduire dans plusieurs formes de révoltes sociales ; mais encore par l’illégitimité croissante de l’intervention publique, perçue comme coûteuse, illisible et inefficace.

Pour combattre ce statu quo, le rapport « Quelle action publique pour demain ? » définit cinq objectifs de réforme, qui sont les suivants : répondre à des besoins en constante évolution, expliciter les priorités et leur allouer les moyens nécessaires, appuyer la modernisation du pays, rendre des comptes, impliquer les agents publics.

Afin de les atteindre, cinq leviers d’action prioritaires ont été identifiés, qui se déclinent en un grand nombre de propositions dont les principales sont mentionnées ici :

Sélectionner et définir les missions :

  • systématiser l’évaluation, notamment ex ante (évaluation indépendante, livres blancs), et obligation pour toute mesure nouvelle d’une évaluation indépendante dans un délai maximal de cinq ans ;
  • conduire, au moins une fois par quinquennat, une revue des missions visant à identifier les besoins, à sélectionner les priorités et à améliorer le rapport coût/efficacité des politiques publiques ;
  • aller au bout de la logique de décentralisation, ce qui suppose en particulier d’achever la clarification des compétences entre Etat et collectivités et entre collectivités et de responsabiliser financièrement les collectivités.

Clarifier les rôles :

  • dépolitiser les nominations aux emplois supérieurs en généralisant les comités de sélection ;
  • faire du débat sur la loi de règlement un instrument de contrôle de l’action publique ;
  • mieux distinguer les responsabilités de conception et de gestion par une plus grande autonomie des administrations gestionnaires.

Mettre les gestionnaires en situation de responsabilité :

  • étendre aux directions gestionnaires d’administration centrale la pratique des contrats pluriannuels d’objectif et de gestion et mettre en cohérence programmation budgétaire et contractualisation ;
  • faciliter les mobilités dans les fonctions publiques, diversifier le recrutement de l’encadrement supérieur et limiter fortement la durée des disponibilités des hauts fonctionnaires dans le privé ;
  • s’assurer de l’exemplarité des responsables publics.

Diversifier l’offre de service public :

  • adapter l’offre à la variété des situations sociales et territoriales ;
  • formaliser les procédures de démocratie participative pour co-concevoir et co-produire certaines politiques publiques avec les citoyens ;
  • encourager et valoriser l’engagement et la créativité des agents publics afin qu’ils participent davantage aux évolutions organisationnelles et numériques de leurs services.                                                                                                      

Innover et investir pour transformer :

  • créer des réseaux d’innovation publique pour promouvoir l’émergence et la diffusion de l’innovation au sein de la sphère publique ;
  • faire évoluer la loi de 2004 pour faciliter l’expérimentation locale et créer un organisme d’appui aux expérimentations, sur le modèle des What works institutes britanniques ;
  • doter l’État d’un budget pour l’investissement dans la transformation de l’action publique.

Auteurs

Marie-Cécile Naves
Type d'image: 
Libre
Marie-Cécile
Naves
Anciens auteurs de France Stratégie
Dominique Bureau