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Publié le
Vendredi 18 Mars 2016
Des citoyens s’expriment sur le CPA. Les temps qui changent : Vers un droit réel à la sécurisation de son parcours professionnel
Débat CPA

-I- Comment s’adapter aux temps qui changent

La relation à la vie professionnelle a longtemps été vécue, en écho aux modes de vie personnels, comme un « mariage » avec une entreprise, s’inscrivant dans la pérennité.

Cette relation n’a pas beaucoup évolué et, si nous traitons peu ou prou nos ruptures personnelles, les tempêtes multiples provoquées par les montées successives du chômage depuis au moins 40 ans ne nous ont pas permis d’anticiper réellement ou de transformer nos ruptures professionnelles en moments de transition, en tout cas pas avec la même sérénité et la même inventivité.

C’est « comme si » nous avions intégré le fait que nous étions maîtres de notre vie personnelle, mais que la maitrise de notre vie professionnelle nous échappait.

La nostalgie de l’emploi à vie et du plein emploi nous a empêchés de trouver des solutions nouvelles : nous avons déployé peu d’énergie dans l’anticipation et le traitement des ruptures professionnelles et des moments de transition qui les accompagnent. Nous avons caché nos ruptures professionnelles et en avons fait porter le chapeau aux « autres » : les entreprises, Pôle emploi, le capitalisme, la mondialisation, la finance…ce qui est très certainement vrai, mais trop simpliste et peu opérant pour l’efficacité de la recherche de solutions personnelles.

Pour trouver des solutions concrètes à cette contradiction complexe, il y a au moins deux points d’accroche :

  • Admettre que la vie professionnelle est semée de ruptures (il y a très peu de chances pour que j’exerce le même métier, que je travaille dans la même entreprise toute ma vie)
  • Anticiper ces ruptures en intégrant le fait qu’elles vont engendrer des moments de transition constructive (je fais du moment de transition un moment de situation apprenante, j’assure ma propre métamorphose tout au long de ma vie professionnelle, j’ouvre le champ de mes possibles et j’appréhende le fait qu’il y a, dans ce processus de transition, des potentialités nouvelles dont je peux avoir la maîtrise et d’où sortira une part d’improbable).

Ces moments de transition répondent à des mécanismes de passage, de modification, d’adaptation, de transformation, de métamorphose qui sont des mécanismes génériques et communs à tous les mondes (personnels, biologiques, ethnologiques, anthropologiques, culturels…) et qui doivent donc être considérés et traités de la même manière.

Le nouveau droit à la sécurisation de son parcours professionnel pourrait consister à remettre la personne au centre de l’écosystème qu’elle constitue avec l’entreprise et le territoire, en accompagnant les trois composantes de cet écosystème dans leurs transformations partagées.

Remettre la personne au centre nécessite de sécuriser cette position pour la rendre efficace en installant un droit à l’aide dans ces moments de passage, droit avéré et opérationnel, pendant lequel chacun peut être accompagné. C’est ce qui mettra de la chair autour de l’orientation tout au long de la vie, de la sécurisation des parcours en créant des moments plus riches que d’autres, plus transformateurs que d’autres, accoucheurs d’une nouvelle partie de soi-même. C’est aussi ce qui constituera le pendant indispensable à la flexibilité exigée, corollaire aujourd’hui très peu travaillé ou mis en avant dans le cadre de la refonte du droit du travail.

Si la « loi El Khomri » est tant décriée aujourd’hui ce n’est peut-être pas tant (quoique…) parce qu’elle constitue un chiffon rouge dont on craint qu’il n’ait été tissé par le Medef et ne fasse que retrancher de la sécurité, que parce qu’elle n’a pas réellement construit son pendant, constitué par la construction d’une sécurisation nouvelle, ferme et affichée du parcours professionnel de chaque personne. On demande beaucoup de flexibilité (sans doute à juste titre) mais on ne propose pas, en face, de nouvelles sécurités pour équilibrer la balance.

Pourtant, on pourrait, grâce au Compte Personnel d’Activité, cultiver la capacité de chacun à se mettre en mouvement, à trouver ses chemins, à ouvrir son champ des possibles dans un environnement que le CPA pourrait aider à apprivoiser, facilitant ainsi les passages, les transformations, la construction de ponts, de passerelles permettant de trouver des chemins, de les inventer, les baliser, les sécuriser, d’urbaniser les relations pour qu’elles deviennent créatrices de richesse.

« Les crises ne créent pas seulement de l’incertitude. Elles donnent aussi des chances, des occasions, des risques : ceux-ci constituent des stimulations de l’intelligence et de l’imagination qui font naitre des solutions ».

C’est en cela qu’il faudrait montrer la transition sous un autre angle, changer les codes autour des difficultés professionnelles, mettre en accord l’accélération du temps, l’injonction de mobilité, de fluidité, de flexibilité… avec le propre tempérament de chacun et de chaque organisation.

Il faut pour cela faire se rencontrer deux temporalités : celle de l’homme et celle des exigences économiques. Il faut reconstruire un sens à la vie professionnelle. 

Le désir de bouger, de changer n’est pas inné. Bouger tranquillement, ça s’apprivoise parce que c’est pendant ce temps d’empathie avec soi même que l’on comprend pourquoi il faut bouger, que l’on se transforme et que l’on y prend finalement du plaisir.

Il faudrait pouvoir intervenir, de façon originale, à tous les moments de la vie professionnelle d’une personne, anticiper et soutenir les évolutions collectives des flux de compétences comme les ruptures individuelles pour rendre les transitions plus faciles, en les accompagnant.

Mais comment crée-t-on son propre chemin, qui que l’on soit, quels que soient son statut et sa qualification ? Il faut pouvoir agir sur trois champs :

  • Agir pour la sécurisation des parcours professionnels auprès de toute personne en situation ou en anticipation de transition, quel que soit son statut, demandeur d’emploi, salarié ou autre
  • Agir pour la vitalité économique des territoires auprès de tous les acteurs institutionnels : les DIRECCTE, les Conseils régionaux, les Conseils généraux, Pôle emploi, les OPCA, les branches professionnelles et les agences de développement notamment. Il s’agit là de redonner du pouvoir à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences des territoires
  • Agir pour la mobilité des compétences dans les entreprises (grands groupes, PME-PMI), en faisant aussi se mettre en mouvement dans ce sens les branches professionnelles, les groupements d’employeurs, les OPCA. La Loi sur la Sécurisation de l’Emploi a donné de nouveaux outils pour réussir.

Le propos qui suit est centré sur la sécurisation du parcours de la personne par cet outil extraordinaire, innovant, utopique…que pourrait constituer le Compte Personnel d’Activité

 

-II- Aujourd’hui, tout semble exister et, pourtant, cela n’est pas suffisant

Il y a de nombreux acteurs de la « gestion de parcours professionnel » : les entreprises, les personnes elles-mêmes, les conseillers d’orientation (en milieu scolaire ou en université), Pôle emploi et tous ses co-traitants et sous-traitants, les Fongecif et Opacif, les CIBC, les cabinets conseil et les cabinets de reclassement, les organismes de formation…

Il y a de nombreux outils à disposition pour accompagner la gestion de ces parcours personnels : l’entretien d’évaluation, le conseil en évolution professionnelle, le compte personnel de formation, le bilan de compétences (à condition qu’il ne soit pas cannibalisé par le CEP…la formation, le compte personnel d’activité en gestation

Et, pourtant, ça n’est pas suffisant

  • Parce que les entreprises peuvent n’être intéressées que par leurs besoins propres
  • Parce que, en dehors des entreprises, les structures délégataires de ces missions sont plus ou moins compétentes, éparpillées dans leur mode de fonctionnement, sans lien entre elles
  • Parce qu’elles interviennent plutôt à chaud (moment d’échec, de crise, de rupture) et rarement (jamais) dans les moments calmes ou positifs
  • Parce que tout cela ne fait pas système pour la personne et qu’il n’y a construction d’aucun fil rouge dont le « tisseur » serait l’acteur le plus intéressé : la personne elle-même
  • Enfin, parce que les intentions louables et intelligentes courent le risque de se limiter à des plateformes virtuelles qui, bien qu’indispensables, ne sont absolument pas suffisantes : l’une des clés de la réussite réside dans l’accompagnement et c’est la partie la plus souvent oubliée

III- Esquisse de proposition : comment rendre le compte personnel d’activité concret et efficace en insistant sur la clé de sa réussite, l’accompagnement

Il s’agit d’avoir, pour chaque personne, une vision en temps réel de tous ses droits sociaux regroupés à un même endroit, de bénéficier d’une information sur l’utilisation de ces droits, de faire ses choix professionnels en connaissance de cause, d’être accompagné dans ses choix, pour ainsi mieux sécuriser sa vie professionnelle : chaque personne pourrait ainsi être informée, aidée, soutenue, accompagnée dans son parcours professionnel pour lui garantir la meilleure aide au choix, à chaque instant de sa vie et dans la plus grande sérénité possible ainsi qu’une meilleure qualité de vie au travail.

Il faut ainsi travailler sur trois axes à importance égale et de manière systémique :

  • La construction d’un coffre-fort de droits
  • L’information sur son utilisation et tous les acteurs de cette utilisation
  • L’accompagnement pour rendre ces outils efficaces

Il ne faut oublier aucun de ces trois axes, le risque aujourd’hui étant de se focaliser essentiellement aujourd’hui sur le premier et de supposer, à tort, que la mise à disposition de l’outil et de l’information sera suffisante.

La proposition consiste à mettre en place un système prenant en compte les trois axes et utilisant tous les moyens à disposition en les maillant les uns avec les autres. Ce système devrait se mettre en œuvre sous la houlette d’un opérateur unique pour une même personne. On pourrait, pour cela, s’adresser, en plus du service public et de ses co-traitants, à d’autres opérateurs (faire entrer par exemple sur ce marché un nouvel opérateur, acteur informateur et accompagnateur du compte personnel d’activité, le mouvement mutualiste, parce qu’il se réclame d’un militantisme solidaire et social).

Concrètement, les incontournables :

  • Mettre à disposition : une information, une boite à outil multimodale, un réseau, un accompagnement en groupe, un accompagnement individuel, un référent
  • Utiliser plusieurs modalités : Internet, téléphone, réseau type réseau social, groupe , face à face
  • Proposer une boite à outils à plusieurs niveaux

Niveau 1 : un espace internet d’information par thèmes, un carnet d’adresse et de références pour chacun des thèmes, des tests, un espace de travail personnalisé, des questions réponses, un chat, un réseau d’échange

Niveau 2 : une plateforme téléphonique, un conseil par téléphone, une participation à des évènements

Niveau 3 : un conseil par entretien physique, un accompagnement dans la durée

Les clés de réussite

Un business model « rentable » parce que financé avec les outils existants dont certains pourraient être mutualisés différemment : CPF, CPE, allocations de chômage, participation personnelle… , une plateforme téléphonique généraliste, un réseau de conseillers compétents et dont la qualité est contrôlée, un réseau de partenaires fiables.

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