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Point de vue
Publié le
Mercredi 09 Octobre 2013
Interview de Jean Pisani-Ferry, Commissaire général à la stratégie et à la prospective, dans Acteurs Publics du mois d'octobre 2013
Jean Pisani-Ferry dans Acteurs Publics

Économiste influent, ancien directeur de l’institut Bruegel, Jean Pisani-Ferry est depuis avril 2013 à la tête du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, sous la tutelle de Matignon. Chargé notamment de réfléchir à ce que sera la France dans dix ans, il appelle à la cohérence des choix publics, notamment en matière d’innovation et d’immigration.

Quel est le rôle du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui a succédé au Centre d’analyse stratégique ? Nous avons quatre métiers. L’anticipation dans les domaines économiques, sociétaux ou techniques, comme en témoignent nos travaux sur Internet 2030, les compagnies aériennes dans vingt ans ou la France dans dix ans. Les débats, car nous sommes, par tradition, une maison d’ouverture et de lien avec les partenaires sociaux, la communauté des experts, le monde universitaire, la société civile. L’évaluation, qui est en train de se réaffirmer. Et enfin, bien sûr, le conseil au gouvernement.

Sur l’évaluation, avez-vous vocation à centraliser les évaluations des politiques publiques lancées dans le cadre la Modernisation de l’action publique ? Nous n’avons pas vocation à être le grand évaluateur ! Mais nous pouvons jouer un rôle d’interface entre la recherche, qui a beaucoup progressé en ces matières, et l’action publique. Pour l’heure, nous expérimentons. J’ai été, par exemple, chargé par le Premier ministre de présider le comité d’évaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Concernant la Modernisation de l’action publique (MAP), nous avons un rôle dans la sélection des politiques à évaluer et puis, en aval, sur la concertation dans le cadre du processus MAP dans son ensemble.

N’y a-t-il pas trop d’organismes publics de concertation et de réflexion en France ? Ne faudrait-il pas que votre commissariat général fusionne les 8 organismes avec lesquels il travaille en réseau ? C’est une vision caporaliste dans laquelle je ne me reconnais pas. Ces organismes sont divers, certains sont connus et réputés, comme le Conseil d’orientation des retraites. Je ne vois pas pourquoi on changerait ce qui marche.

Certains sont pourtant peu visibles… Certains sont encore très jeunes ! Ces organismes, qui mobilisent peu de moyens, sont thématiques et ont répondu à un besoin lors de leur création. Nous nous coordonnons pour travailler ensemble.

Sur des sujets comme l’innovation ou le modèle social, n’a-t-on pas davantage besoin de mesures urgentes que de réflexion à dix ou vingt ans ? Il ne faut pas opposer l’un et l’autre. Les questions auxquelles conduit l’exercice “Quelle France dans dix ans ?” sont par nécessité plus ambitieuses que celles auxquelles conduit la logique du court terme. Sur le modèle social français, faut-il faire de la prévention plutôt que de la remédiation ? En matière de compétitivité, faut-il miser sur le réveil de l’industrie traditionnelle ou sur l’ouverture internationale de nouveaux secteurs ? Que faut-il faire pour que notre croissance soit “environnementalement” et financièrement soutenable ? Voilà des questions importantes. À un horizon plus long, vous êtes obligés de vous les poser et on peut donc les aborder sereinement. La réponse qu’on leur apporte peut nourrir la décision à court terme.

L’exercice de prospective “Quelle France dans dix ans ?” a suscité quelques sarcasmes. Le regrettez-vous ? Il s’agissait de sarcasmes paresseux car les mêmes se plaignent souvent de l’absence de vision de l’État.

Mais n’y a-t-il pas un décalage par rapport à l’urgence à laquelle sont soumis les responsables politiques ? Nous devons réfléchir au long terme et aider à la prise de décision immédiate.

 

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