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Publié le
Vendredi 09 Décembre 2016
Une action publique informée par la connaissance et des politiques basées sur la « preuve » : une utopie ? Pas si sûr… les What Works Centres britanniques pourraient bien nous montrer la voie.
Politiques publiques : ce qui marche « vraiment »

L’évaluation d’impact est encore trop rare en France. Pire, lorsqu’elle existe, ses enseignements influent peu sur les décisions publiques. Que ce soit par manque d’outils pratiques et/ou par défaut d’acculturation, on évalue peu ou mal les effets produits par une intervention ou un dispositif public sur les personnes cibles. Bilan : des dispositifs qui mériteraient d’être généralisés après expérimentation ne le sont pas et inversement, certaines « fausses bonnes idées » perdurent ! Comment renverser la tendance et parvenir à ce que l’action publique soit systématiquement « informée par la preuve » ? C’est pour répondre à cette question que l’Ansa – l’Agence nouvelle pour les solidarités actives – conduit actuellement une étude en partenariat avec France Stratégie et cinq autres organismes : le CGET, la CNSA, la CNAF, Santé Publique France et le SGMAP. Originalité du projet : il s’appuie sur le retour d’expérience des What Works Centres britanniques, un dispositif dont la France pourrait peut-être s’inspirer…

Les What Works, comment ça marche ?

Les What Works Centres britanniques sont nés d’un constat simple : les résultats des évaluations n’influent pas (assez) sur les politiques publiques. Il manque un chaînon pour que ces résultats soient traduits sur un plan opérationnel, c’est-à-dire un acteur qui non seulement produise de l’évaluation mais aussi et surtout la diffuse et en assure l’utilisation effective (on parle d’« essaimage »).

Inspirés d’un pionnier en matière de politique basée sur la preuve : le National Institute for Health and Clinical Excellence fondé en 1999, les What Works Centres sont ainsi créés à partir de 2011 sous le gouvernement de David Cameron. Ils couvrent aujourd’hui neuf domaines dont l’éducation des enfants défavorisés, le développement économique local, la prévention de la criminalité, l’amélioration de la qualité de vie des personnes vieillissantes ou encore la promotion du bien-être. Un programme ambitieux !

Concrètement, comment fonctionnent les centres ? Leur première tâche est de collecter, d’analyser et de synthétiser les preuves existantes dans leur domaine, suivant l’approche dite d’« analyse systématique des données ». Si les preuves font défaut, certains centres disposent d’un budget dédié pour produire de l’expérimentation et de l’évaluation. Depuis 2011, lEducation Endowment Foundation (Centre pour l’éducation) a en l’espèce financé cent vingt-sept évaluations d’impact de projets innovants. Deuxième tâche : la diffusion des preuves et la promotion de leur utilisation, via notamment la production de guides contenant une synthèse de la preuve, des conseils pratiques pour les professionnels et les décideurs et des indicateurs d’efficience avec un ranking des politiques. Plus inédit : les centres s’engagent par ailleurs à accompagner les acteurs dans la mise en pratique de leurs conseils en organisant par exemple des sessions de formation ou de sensibilisation.

Un dispositif transposable à la France ?

Et en France, où en est-on en matière d’expérimentation sociale ? Le défi est immense si l’on en croit les récents travaux de l’ANSA  et de France Stratégie. Malgré une récente période d’essor marquée par des expériences exemplaires – revenu de solidarité active (RSA), Fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) – l’évaluation d’impact reste très sous-utilisée en France bien qu’elle ait fait la preuve de sa pertinence ! Autrement dit, on ne dispose toujours pas  d’une méthode permettant de concentrer les investissements sur les projets dont les effets ont été démontrés. Alors que les acteurs de terrain innovent et que l’État investit des centaines de millions d’euros chaque année pour répondre aux problématiques sociales, ces mêmes problématiques persistent, voire s’intensifient. Car, pointe l’Ansa, si des expérimentations sont bien menées et des évaluations réalisées, les décideurs et les acteurs publics ne semblent pas s’en emparer. « Défaut de capitalisation » ou « problème d’essaimage », pour le dire simplement : l’information ne passe pas (de l’évaluateur au décideur), ou plutôt ne se traduit pas en action.

D’où l’idée d’aller voir du côté de « l’hyper-empirisme britannique » en réalisant, d’une part, une analyse documentaire du fonctionnement des What Works Centres avec pour objectif d’évaluer s’ils remplissent effectivement leur promesse et, d’autre part, une revue des pratiques existantes en France en matière de synthèse, de diffusion et d’utilisation de la preuve, qui devra permettre in fine d’envisager à quelles conditions les What Works Centres seraient un dispositif transposable à la France.

Dans un contexte de contrainte budgétaire forte et de problématiques sociales en constante évolution, voilà donc une étude qui pourrait dessiner les contours d’un modèle d’action publique efficace fondée sur la preuve. Conclusions attendues début 2017.

Céline Mareuge

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