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Point de vue
Publié le
Jeudi 06 Août 2015
Certes, pour l'euro, la réunification allemande a davantage été une malédiction qu'une chance. Mais bien malin qui pourrait dire comment l'Europe aurait évolué sans la monnaie unique. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, la question qui importe vraiment est de savoir si la monnaie européenne fait encore sens pour l'avenir.
Réparer l'euro ?

PARIS - En mettant sur la table, début juillet, l'option d'une sortie de la Grèce de la zone euro, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, voulait sans doute signifier que les règles strictes qui régissent l'union monétaire doivent s'appliquer à tous ses membres. Mais son initiative a déclenché un débat bien plus large sur les principes qui sous-tendent l'euro, sur sa gouvernance et sur sa raison d'être.

Deux semaines plus tôt, les dirigeants des pays de la zone euro n'avaient guère porté attention au rapport sur l'avenir de l'euro préparé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et ses pairs des autres institutions européennes. Mais la controverse sur l'avenir de la Grèce a convaincu beaucoup d'entre eux de la nécessité de réexaminer le fonctionnement de la zone euro. Dans le même temps, les citoyens des pays membres se demandent de plus en plus pourquoi ils partagent la même monnaie, si cela se justifie, et si leurs gouvernements vont pouvoir s'accorder sur l'avenir de leur monnaie commune.

Hostilité aux changes flottants et refus de la domination allemande

Les mythes fondateurs importent, pour les monnaies comme pour les pays. On considère généralement que l'euro a été le prix payé par l'Allemagne en échange du consentement de Paris à sa réunification. En réalité, la réunification n'a fait qu'accélérer la mise en œuvre d'un projet conçu dans les années 1980 pour résoudre un dilemme lancinant : d'un côté, les pays européens étaient hostiles aux taux de change flottants qu'ils tenaient pour incompatibles avec un marché unique ; d'un autre, les plus grands d'entre eux, France en tête, n'imaginaient pas de se soumettre durablement à un régime monétaire dominé par la Bundesbank. Une monnaie européenne reposant sur les principes allemands est alors apparue comme la meilleure solution.

Pour l'euro, la réunification allemande a, en fait, été une malédiction davantage qu'une chance. Quand les taux de change ont été gelés en 1999, le deutschemark était surévalué alors que l'économie allemande était en difficulté, et le franc sous-évalué alors que l'économie française était florissante. Au cours de la décennie qui a suivi, un déséquilibre s'est instauré peu à peu entre une Allemagne en redressement et des pays où la faiblesse des taux d'intérêt nourrissait un boom du crédit. Et quand la crise financière mondiale a éclaté en 2008, les ingrédients d'une catastrophe ont été réunis.

Pas de référentiel pour évaluer l'impact de l'euro

Il est impossible de dire comment l'Europe aurait évolué sans l'euro. Le système de taux de change fixe aurait-il perduré ou se serait-il écroulé ? Le deutschemark se serait-il apprécié ? Les États auraient-ils réintroduit des barrières douanières, mettant ainsi fin au marché unique ? Y aurait-il eu une bulle de l'immobilier en Espagne ? Les réformes économiques auraient-elles été accélérées ou ralenties ? Établir un référentiel qui permette d'évaluer l'impact de l'euro est une mission impossible. Cela ne doit cependant pas servir de prétexte à l'autosatisfaction. Le bilan de la zone euro depuis 15 ans est décevant, et son système de politique économique y est pour quelque chose.

La question qui importe vraiment est de savoir si la monnaie européenne fait encore sens pour l'avenir. On l'évite souvent en arguant de ce que le coût d'une sortie de l'euro serait trop élevé pour être envisagé (et pourrait être encore plus élevé si la zone euro se défaisait dans une crise qui exacerbe les acrimonies entre pays-membres). Il est exact, par ailleurs, qu'un éclatement de l'euro libérerait les forces noires du nationalisme et du protectionnisme. Mais ainsi que l'a souligné récemment Kevin O'Rourke de l'université d'Oxford, ce n'est pas un argument suffisant. Logiquement, il équivaut à plaider qu'un couple ne devrait pas se séparer parce que le divorce est trop cher.

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Auteurs

Jean Pisani-Ferry
Jean
Pisani-Ferry
Anciens auteurs de France Stratégie

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