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Publié le
Samedi 30 Novembre 2013
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a achevé son tour des régions pour le projet « Quelle France dans dix ans ? » en s’arrêtant à Lille. Le Nord Pas-de-Calais, qui a souffert de la désindustrialisation mais contribue à hauteur de 9 % aux exportations françaises, se veut à la pointe de la « troisième révolution industrielle », qui ouvre l’ère d’une économie sans carbone (ou presque). À Euratechnologies, une friche convertie en quartier numérique, les participants ont dessiné les perspectives d’un modèle de développement plus durable.
Jean Pisani-Ferry et Daniel Percheron

« Nous connaissons bien ici les limites du modèle de croissance hérité des Trente Glorieuses. » témoigne Myriam Cau, vice-présidente du Conseil régional en charge du développement durable, de la démarche participative et de l’évaluation. Les données sont éloquentes : le poids du Nord Pas-de-Calais dans l’industrie française a été divisé par deux ; le taux de chômage, de 14 %, est plus important que la moyenne nationale ; le nombre d’habitants progresse plus lentement que dans le reste de la France, même si « la région reste un foyer de jeunesse » précise Arnaud Degorre, directeur-adjoint de l’Insee Nord Pas-de-Calais.

Ce qui était encore dans les années 70 le premier pôle industriel de province a laissé des séquelles : mauvaise empreinte écologique, forêts pratiquement inexistantes mais aussi un niveau de santé et de formation assez faible : « Par contre, nous avons des atouts : la diversité de la population et une richesse urbaine et rurale, indique Myriam Cau. La résilience du territoire, c’est-à-dire la capacité de mobiliser nos ressources pour opérer des rebonds, requiert autant d’innovation sociale que technologique. »

Les intervenants ont insisté sur plusieurs points pour prendre le virage du développement durable. La mise en place d’indicateurs alternatifs à la croissance du PIB paraît incontournable : indice de développement humain, indice de santé sociale des régions, baromètre des inégalités, mesure de l’empreinte écologique, etc. « Les biens communs ne s’opposent pas aux bien privés, explique Jean Gadrey, économiste à l’université de Lille 1. Prendre en compte la santé publique ou la qualité de l’air enrichit la valeur économique. C’est bon pour l’emploi et la compétitivité. » Les biens sociaux et environnementaux ne doivent plus être la variable d’ajustement de la croissance, comme auparavant, lorsqu’on trouvait normal qu’un mineur meure à 50 ans, mais être au cœur de la valeur ajoutée.

Retour sur le débat régional à Lille – Quelle France dans 10 ans ?

Cela passe par des projets concrets. La « transformation écologique et sociale de la région », programme expérimental, a été engagée en 2010. Elle se poursuit avec un plan pour mettre en route « la troisième révolution industrielle », élaboré avec l’économiste américain devenu homme d’affaires, Jeremy Rifkin. À l’horizon 2050, le Nord-Pas de Calais devra avoir réduit de 60 % sa consommation d’énergie et divisé par quatre ses émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, plusieurs actions seront conduites, comme la rénovation de logements répondant à l’enjeu d’efficacité écologique ou « la réhabilitation de friches industrielles en bâtiments intelligents à énergie positive », précise Claude Lenglet, directeur du projet. 

La région réclame un droit à l’expérimentation autonome : « Si nous produisons de l’électricité verte de façon décentralisée, il ne faudrait pas être obligé de la vendre à EDF, souligne Jean-François Caron, président de la commission transformation écologique et sociale au Conseil régional. Ma crainte est de voir la troisième révolution industrielle captée par les grands groupes. Or elle doit être pilotée par les territoires qui peuvent seuls garantir une prise en compte sociétale. »

Cette mutation a également besoin d’une vision de l’État affirmée, selon les intervenants. « Les politiques publiques nationales ou européennes peuvent constituer un frein ou un accélérateur, estime Jean Gadrey. La réhabilitation thermique de l’habitat n’est pas seulement une affaire de financement mais nécessite des mesures réglementaires, fiscales, bancaires. »

La question de l’emploi reste centrale. Euratechnologies, ancienne usine textile reconvertie en pôle technologique, regroupe 133 entreprises, start-up, organismes de recherche, investisseurs et partenaires qui font travailler 2 000 personnes. Ce lieu high-tech, à quelques stations de métro du centre-ville, joue aussi la carte sociale, avec la création d’une Académie de l’excellence numérique : « Elle a pour objectif de former des jeunes éloignés de l’emploi à des technologies simples avec un financement modeste, relate Raouti Chehih, directeur général. Cela marche puisque nous en avons formé 90 en trois ans. » Un assez bon exemple de résilience…  

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