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Publié le
Jeudi 31 Octobre 2013
La réflexion organisée par le Commissariat à la stratégie et à la prospective sur « La France dans dix ans » a avancé avec la tenue d’un troisième débat national autour du thème : « Quelle soutenabilité pour notre modèle de croissance ? ». Les économistes, les élus, les partenaires sociaux et les associations ont mis sur la table des points de vue tranchés,  illustrant la difficulté de concilier développement durable et réduction des déficits publics.
Débat national : Quelle soutenabilité pour notre modèle de croissance ?

Les participants n’ont pas tardé à entrer dans le vif du sujet, avec une discussion sur l’idée même de « croissance soutenable ».  Le développement durable, permettant de répondre aux besoins actuels des populations sans compromettre les moyens d’existence des générations futures, ne doit pas être confondu avec la croissance. « Ce serait mettre de côté la justice sociale, qui ne se ramène pas à une question de performance économique. »

Imaginer un modèle de croissance, qui traite à la fois la dimension environnementale et les problèmes de la dette publique, suscite quelques interrogations. « Cela peut donner le sentiment que la transition écologique n’avancera que quand les finances publiques auront été assainies. » La tentation existe aussi d’arbitrer entre ces contraintes, de chercher une « croissance intermédiaire », au risque d’obtenir des résultats décevants sur les deux fronts. Selon certains, il ne faudrait pas reléguer au second plan le troisième pilier, la « soutenabilité sociale », pour intégrer les questions d’emploi, d’accès à l’éducation et la formation, de mobilité professionnelle et géographique, de salaires.

De nombreux intervenants ont rappelé l’urgence de la transition écologique. « Pour que le climat demeure stable, il faudrait ramener la production de CO2 à 3 tonnes par habitant, alors qu’elle se monte à 13 tonnes en moyenne aujourd’hui dans les pays européens. » Les ressources naturelles, qui sont à la base des conditions de vie sur terre et des activités économiques, sont menacées. Les risques technologiques mais aussi sanitaires doivent être mieux pris en compte. « 1/5ème des Français souffrent d’affections de longue durée, ce n’est pas très soutenable. »

La réduction de la dette publique devient un enjeu. La transmettre aux prochaines générations reviendrait  à leur léguer une instabilité non seulement économique mais aussi politique, en cas de défaut de paiement. La France, qui « a perdu le contrôle de ses finances publiques au début des années 90 », bénéficie certes d’une démographie favorable pour reprendre la main. Mais à long terme, les dépenses liées au vieillissement de la population et à la prise en charge de la dépendance posent une importante difficulté.

Mais notre comptabilité nationale est-elle adaptée ? D’aucuns plaident pour un « cadre comptable renouvelé », qui mesure toutes les formes de capital afin d’avoir une vision de la richesse sociale totale. Aujourd’hui, la santé se résume à un coût, réclamant de la croissance pour être financée. Pourquoi ne pas la considérer comme un bien que l’on achète, et donc un vecteur de croissance ?

Comme le résume un intervenant, « nous ne vivons pas une crise mais une métamorphose qui génère une souffrance forte pour la population ». Alors que les résultats bénéfiques d’une politique de développement durable ne seront visibles que dans plusieurs décennies, l’opinion publique ressent que les efforts et les coûts sont pour maintenant.

Alors comment mettre la France sur une trajectoire soutenable d’ici dix ans ? La plupart des participants s’accordent sur la nécessité d’envoyer des signaux-prix efficaces,  sur la tonne de CO2 ou les produits mis sur le marché afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau global par exemple. Même si le rapport coûts/bénéfices n’est pas aisé à monétiser, il apparaît indispensable pour « hiérarchiser les priorités et guider les choix ». Chiffrer le coût de la fracture sociale ou de l’inaction publique, et ses conséquences en matière de précarité énergétique ou d’immigration climatique, permettrait de mieux mettre en regard les investissements nécessaires.

La transition énergétique et écologique ne pèsera pas tant sur les finances publiques ; il s’agit davantage de réorienter l’investissement privé. A l’Etat régulateur d’organiser un cadre propice au développement durable. La difficulté à mettre en place des écotaxes impose de trouver une nouvelle approche, en redéployant par exemple les aides accordées aux entreprises polluantes ou en leur donnant une autre finalité. « Il faut rétablir le consentement à l’impôt par une réforme fiscale, intégrant la dimension environnementale. »

La taxation ne peut toutefois être la seule voie. Elaborer une « croissance verte » passe par l’incitation à innover, notamment dans la qualité des produits et leur longévité, et à s’inscrire dans « l’économie circulaire », économe en ressources et recyclant les déchets. Et par la construction de transitions professionnelles pour les salariés des filières industrielles traditionnelles.

S’il importe que les acteurs économiques et sociaux s’approprient la nouvelle donne, il faut également recréer les conditions de l’adhésion des citoyens. « Ils demandent de l’accompagnement. » La cohérence de l’action publique, entre grandes orientations et projets sur le terrain, sera primordiale. De même que son articulation avec les politiques de l’Union européenne.

 

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