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Publié le
Lundi 06 Janvier 2014
Quelle France dans 10 ans ?  Contribution de Xavier Timbeau (OFCE) : "Quelle soutenabilité pour notre modèle de vie ?".
Xavier Timbeau

Peut-on croitre indéfiniment, s’endetter sans limite ? Comment une planète aux ressources finies peut-elle supporter une croissance sans fin ? N’y-t-il que les économistes qui peuvent arriver à imaginer une telle chose ? La question posée est, en fait, celle de la compatibilité de notre mode de vie avec les générations présentes et futures. Le droit au développement, énoncé dans la convention de Rio à partir du rapport Brundtland peut se lire comme la liberté kantienne : le développement que nous pouvons avoir doit être celui qui est compatible avec son exercice universel. Etre soutenable c’est donc prendre en compte les conséquences de notre mode de vie, ici maintenant, mais aussi là-bas et demain. C’est aujourd’hui penser notre développement comme permettant à 10 milliards d’habitants (demain) de vivre sur une planète finie pour un temps infini, de la même façon que nous souhaitons pour nous. Cela implique également concevoir la soutenabilité comme l’exercice d’un droit ou d’une liberté qui ne doit pas se bstituer à d’autres droits ou libertés. Le développement soutenable ne peut faire l’économie de l’égalité selon le genre ou l’origine ou encore des fondements des inégalités de revenus.

Soutenable n’est donc pas qu’une histoire de dette publique, de croissance ou d’infrastructure. Ce n’est pas réductible à l’application d’un taux d’intérêt dans des analyses coût bénéfice ou au calcul de la valeur d’un stock de capital étendu à la Nature ou aux ressources naturelles. Ce n’est pas une attitude qui figerait l’existant, dans un esprit conservateur (stewardship), parce que notre mode de vie n’est pas aujourd’hui soutenable et que les changements technologiques permanents rendent l’immobilisme illusoire. Ce n’est pas non plus le regard d’un pays sur lui-même, qui oublierait la globalité du monde. Etre soutenable, c’est un pari constamment renouvelé, dont Hans Jonas nous rappelle la difficulté à l’informer, sur notre capacité à permettre aujourd’hui à chaque habitant de la planète d’avoir les mêmes droits au développement et de transmettre aux générations suivantes la capacité d’en faire de même. Cela peut paraître abstrait mais il s’agit là d’une dimension inévitable de la condition de l’homme moderne.

Un exemple peut illustrer ce que soutenable signifie : pour maintenir le climat stable avec une augmentation de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle, d’après le GIEC (2007), il nous faut tendre vers des émissions globales de 10 à 20 Giga tonnes d’équivalent CO2 (GteCO2) de gaz à effet de serre anthropiques. D’ici à ce moment, nous ne pouvons émettre pas plus d’environ 2 000 GteCO2. Reconnaissons aux futurs 10 milliards d’habitants de la planète les mêmes droits face à cette contrainte et il faut imaginer un monde dans 50 ans dans lequel chaque habitant n’a droit à qu’à 1 ou 2 teCO2 alors que nos émissions actuelles sont de plus de 12 teCO2. La transition est majeure et ne se fera pas sans que nous donnions a cette contrainte une manifestation concrète que ce soit par des normes ou des quotas, et surtout par un prix social du carbone (par des taxes ou des marchés de droit). Elle suppose de construire une société nouvelle, contrainte d’un côté (moins d’émissions), parfaitement libre de l’autre (des moyens en particulier), et  pleinement consciente des risques et des conséquences qu’elle implique dans l’affirmation de son mode de vie.

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