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Point de vue
Publié le
Mardi 01 Avril 2014
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication et les conditions de travail des agents publics : un lien complexe à ne pas sous-estimer. Par Salima Benhamou, chargée de mission au département Travail et emploi du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
Les conditions de travail des agents publics et TIC

Les administrations publiques connaissent depuis le début des années 2000 une forte diffusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), que ce soit dans la fonction publique d’Etat, dans les collectivités territoriales ou encore la fonction hospitalière. Le secteur public a par ailleurs depuis largement rattrapé son retard sur le secteur privé en matière d’équipements informatiques. Quand on s’interroge sur l’impact des TIC (ou du numérique plus globalement) au sein des administrations, c’est souvent sous l’angle économique à travers la recherche d’une meilleure efficacité des administrations pour mieux répondre aux attentes des usagers mais aussi pour concilier modernisation publique et économies budgétaires. Mais un autre angle, moins mis en lumière notamment dans le débat public, concerne  le lien entre les TIC et les conditions de travail des agents « utilisateurs de Tics » de l’administration. Tout semblerait, une fois le « bon » dispositif ou la bonne pratique « TIC » mis en place, l’agent public, s’adapterait quasi-mécaniquement. Or quand on s’interroge sur le lien entre TIC et conditions de travail, les mécanismes sont beaucoup plus complexes que cela. D’une part, parce que les TIC sont de nature très diverses que leurs effets sur les conditions de travail des agents peuvent être très différents. D’autre part, parce que les TIC influencent les processus et les pratiques organisationnelles dans les administrations, ils peuvent influencer positivement ou négativement les conditions de travail selon les modalités de leurs mises en place dans les organisations publiques mais aussi selon les missions exercées par les agents, qu’ils soient en contact direct ou indirect avec les usagers.

Des avantages liés au TIC mais aussi des risques sur les conditions de travail des agents…

Quels sont les enseignements des travaux d’expertise sur le sujet ? Les conséquences sur les conditions de travail sont positives dans l’ensemble (facilitation des tâches, voire leur enrichissement, meilleure communication entre les services, gain de temps, plus d’autonomie,  conciliation vie privée-vie professionnelles améliorer etc.). Toutefois, les TIC sont également porteurs de risques qu’il convient de ne pas sous-estimer : stress lié à la surinformation, dépersonnalisation des relations directes avec le public, modification de l’identité professionnelle des agents, voire même de leur conception quant à leur rôle. Autant d’effets qui peuvent conduire à une baisse de la motivation au travail, ce qui in fine, pourrait aboutir à affaiblir ou annuler les effets positifs des TIC sur l’amélioration des services publics à destination des usagers. Écarter ces risques pourrait se faire en renforçant l’accompagnement des agents aux changements technologiques et organisationnels. Les expériences vécues au sein des collectivités territoriales où un soin important a été accordée à la formation et à l’accompagnement des agents lors de la mise en place de plan TIC mais aussi à la concertation préalable des agents, ont montré une meilleure acceptation des modifications organisationnelles et des conditions d’exercice des missions de services publics.

Accompagnement, participation et formation des agents sont indispensables pour la réussite des projets de modernisation des services publics.

Plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre pour assurer un accompagnement efficace des agents à la suite de l’introduction des nouvelles technologies de communication et d’information notamment via la formation. Les expériences positives constatées dans les collectivités territoriales et les services déconcentrés pourraient être mises au service de la fonction publique d’État, par des échanges d’expériences dans le domaine du numérique selon une logique “Bottom-up” (du bas vers le haut et non pas, comme traditionnellement, du haut vers le bas), valorisant ainsi l’expérience de terrain. Une condition forte du succès de l’intégration des TIC et de leur appropriation réussie dans l’organisation est directement liée à l’engagement de l’ensemble des agents. Il faut donc veiller à l’association régulière des agents concernés et de l’ensemble des acteurs des projets.  C’est dans cette démarche plus globale de modernisation qu’il convient d’intégrer l’ensemble des projets TIC, au regard des effets majeurs et structurants qu’ils génèrent sur le travail des services de la fonction publique. La question des risques psycho-sociaux, surtout pour les cadres, qui subissent la plus forte surcharge en TIC, est à prendre considération dans cette démarche plus globale. Il s’agit également de renforcer la connaissance sur les TIC et leurs impacts sur l’organisation et les conditions de travail des agents publics et de manière générale sur la gestion des ressources humaines en lien avec l’évolution des missions et des métiers à l’ère du numérique.

C’est d’ailleurs, l’une des missions d’expertise que se fixera le futur laboratoire pour l’innovation et la prospective de ressources humaines (LIRH) : fruit d’un partenariat entre le CGSP, la DGAFP, le CFMD et l’IGPDE.  

Auteurs

Salima Benhamou
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Benhamou
Travail, emploi, compétences