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Événements
Publié le
Jeudi 29 Mars 2018
Jeudi 05 Avril 2018
14h30 à 16h30
France Stratégie organise un séminaire de discussion du document de travail sur la « Discrimination selon l’âge et performance des entreprises » - Partie 1 - Revue de littérature et l’effet de l’âge sur les conditions d’emploi et de salaires à partir de l’enquête emploi.

Le travail réalisé s’inscrit dans une réflexion large initiée par le département Économie relative à la croissance et à la productivité en France. Il fait suite au rapport de France Stratégie sur le coût économique des discriminations publié le 20 septembre 2016[1]. Dans un contexte de vieillissement de la population et de ralentissement des gains de productivité, la question de l’emploi des « seniors »[2] en France apparaît relativement peu présente dans les débats récents de politique économique et abordée sous l’angle des politiques d’offre. Depuis 2000, en France le taux d’emploi des 55-64 ans a augmenté de 12 points pour atteindre 50 % environ contre 55 % dans l’Union européenne (UE) et 69 % en Allemagne La France affiche des taux d’emploi élevés parmi les « jeunes » seniors, supérieurs à la moyenne des pays de l’OCDE mais particulièrement faibles parmi les 60-64 ans. Si le taux de chômage des seniors est faible relativement, la fréquence du chômage de longue durée est élevée et concerne près des deux tiers des 55-64 ans au chômage. Les transitions chômage-emploi parmi les seniors sont par ailleurs particulièrement faibles. Selon l’Insee (2017)[3], en 2016, 12 % environ des 50-64 ans retrouvaient un emploi le trimestre suivant leur entrée au chômage contre 25 % parmi les 15-24 ans. Les écarts de situation d’emploi des seniors entre pays s’expliquent en grande partie par l’hétérogénéité des systèmes de retraite et des autres dispositifs favorisant à des degrés divers les sorties anticipées du marché du travail.

Les réformes structurelles du marché du travail aujourd’hui engagées en France cherchent notamment à réduire les coûts d’ajustement de l’emploi afin de fluidifier et améliorer l’appariement sur le marché du travail. Leur efficacité dépend grandement des comportements de demande de travail des entreprises et, en lien, de leurs représentations des seniors. Il est ainsi utile de mieux appréhender le rôle joué par la demande de travailleurs âgés dans la faiblesse de leur taux d’emploi, et notamment celui des discriminations envers les seniors sur le marché du travail.

Le motif discriminatoire de l’âge est inscrit dans le Code du travail depuis 2001 suite à la transposition de la directive européenne 2000/43/CE. Comme le souligne l’IGAS[4] dans son rapport de 2012 sur le retour à l’emploi des seniors, la « loi qui pose un principe d’interdiction de discriminations selon l’âge sous peine de sanctions pénales admet par ailleurs de multiples différences de traitement liées à l’âge (santé des salariés, exigences professionnelles, objectifs de politique de l’emploi, etc.) ». La jurisprudence est complexe et l’effectivité de la loi a priori faible du fait des difficultés à identifier et démontrer l’existence de pratiques discriminatoires au sein de l’entreprise. Dans le même temps, comme le souligne le CNIS (2017)[5], la démarche économétrique standard de mesure des discriminations sur le marché du travail consistant à mesurer les écarts inexpliqués (de taux d’emploi, de salaires, d’accès au CDI, etc.) ne s’applique pas à l’étude des discriminations envers les seniors. En effet, l’expérience est positivement corrélée à l’âge. L’une des explications possibles de l’existence de discriminations statistiques à la Arrow envers les seniors serait l’existence d’un écart positif entre le coût salarial et la productivité des seniors. Les travaux empiriques en France sont encore rares et peu conclusifs[6] et c’est principalement l’objet de ce travail que de contribuer à objectiver le débat.

La mesure de la productivité individuelle posant un certain nombre de problèmes conceptuels et requérant par ailleurs un certain nombre d’hypothèses[7], l’analyse proposée porte sur les salaires au cours du cycle de vie distinguée par sexe, niveau de qualification puis par statut dans l’emploi (salariés vs indépendants). Le lecteur pourra s’en trouver frustré, mais cela nous a paru comme une étape indispensable avant de progresser vers une étude de la discrimination statistique selon l’âge.

Au final, plusieurs questions sont posées : quels fondements et pratiques du droit anti- discrimination selon l’âge ? Que nous apprennent les travaux existants sur les discriminations selon l’âge ? Quel est le rendement de l’expérience selon les générations ? L’augmentation de l’emploi des seniors depuis vingt ans en France se fait-elle au détriment de leur salaire, toutes choses égales par ailleurs ?

Dans le premier chapitre, les fondements du droit anti-discriminations et la situation des seniors sur le marché du travail sont présentés. Dans le second est réalisée une revue théorique et empirique sur les discriminations selon l’âge. Le troisième chapitre rappelle les principaux résultats des études du lien entre salaire-âge et productivité. Enfin, le dernier chapitre présente nos résultats sur la relation âge-salaire au cours du cycle de vie. À partir des enquêtes emploi de l’Insee sur la période allant de 1990 à 2015 sont reconstruites des cohortes par la méthode des pseudo-panels, permettant d'établir des faits stylisés, de décomposer les effets sur les salaires de l’âge, de la période, et de la cohorte, d’identifier l’évolution dans le temps du coefficient de l’effet de l’âge sur les salaires,  d’évaluer l’effet de sélection dans l’emploi et ses effets sur les salaires et enfin de tester l’existence de contrats à paiements différés. La seconde partie de la mission (à venir), visant à étudier la performance des entreprises en fonction du profil des créateurs et notamment de leur âge, permettra d’analyser la relation âge-productivité en l’absence de contrainte du côté de la demande de travail du fait qu’on restreint l’étude aux indépendants.

Les auteurs des travaux

Léa FLAMAND, France Stratégie ; Christel GILLES, France Stratégie ; Alain TRANNOY, France Stratégie, EHESS, AMSE GREQAM

Les discutants

Malik KOUBI, sous-directeur, sous-direction Salaires, Travail et Relations Professionnelles à la DARES ; Sébastien ROUX, directeur du département des études économiques de l’INSEE

 


[1] www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/164000601/index.shtml.

[2] Il n’y a pas de définition statistique officielle et unique de « senior ». Dans les travaux de de l’Insee, l’OCDE et EUROSTAT sont considérées comme seniors les personnes âgées de plus de 40 ans à plus de 55 ans.

[3] Beck S. et al. (2017), « Quitter le chômage. Un retour à l’emploi plus difficile pour les seniors », Insee Première, n° 1661, juillet.

[5] CNIS (2017), « Les discriminations dans le domaine de l’emploi », Document de travail, août.

[6] Sur la France, voir notamment les travaux d’Aubert et Crépon (2003) et Crépon et al. (2003).

[7] Aubert P. (2010), L’emploi des salariés âgés : le rôle des salaires et de la productivité dans la demande de travail des entreprises (thèse de doctorat, Paris X-Nanterre).


Sur invitation uniquement

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Christel GILLES