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Événements
Publié le
Vendredi 02 Décembre 2016
Mardi 13 Décembre 2016
09h00 à 11h00
Dans un contexte de regain d’intérêt pour les villes comme objet d’étude des enjeux contemporains de nos sociétés et échelle privilégiée d’expérimentations, les Smart Cities ou villes intelligentes sont aujourd’hui au cœur du débat public, de recherches scientifiques, et des stratégies et activités de nombreuses entreprises.

Intervenants

Dominique BOULLIER, professeur de sociologie et directeur du Social Media Lab à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)

Mathieu FLONNEAU, maître de conférences en histoire contemporaine à Paris-I Panthéon-Sorbonne (SIRICE-CRHI, LabEX EHNE) et président de l'association P2M (Passé Présent Mobilités)

 

Contacts
Christine Raynard et Camille Boulenguer
smart.cities@strategie.gouv.fr

Compte rendu

Si les Smart Cities ont longtemps relevé de l’utopie urbaine, leur centralité croissante dans le débat public a justifié l’organisation d’un cycle de six ateliers-débats à France Stratégie. Ces ateliers réunissent des chercheurs, des experts internes et extérieurs, des entreprises, start-ups, administrations et think tanks. La session introductive du cycle d’ateliers consacré aux Smart Cities nous invite à nous interroger sur la définition et la nature de la ville intelligente afin d’en comprendre les dynamiques et les enjeux.

Dans un contexte de regain d’intérêt pour les villes comme objet d’étude des enjeux contemporains de nos sociétés et échelle privilégiée d’expérimentations, les Smart Cities ou villes intelligentes sont aujourd’hui au cœur du débat public, de recherches scientifiques, et des stratégies et activités de nombreuses entreprises.

Les trois dimensions communes aux Smart Cities

Au-delà de la simple association de l’urbanisme et du numérique, la réalité de la ville intelligente est plurielle : on préfère parler des Smart Cities plutôt que de la Smart City. Cette appellation a une définition différente selon les acteurs concernés, principalement élus, opérateurs, industriels ou citoyens.

Mais aucune définition acceptée de tous ne peut être retenue à ce jour. Cependant, les Smart Cities ont en commun de chercher à concilier les trois dimensions connues du développement durable : le développement économique, la réduction de l’empreinte environnementale et l’amélioration de la qualité de vie des citadins.

C’est cependant une dimension particulière des Smart Cities qui justifie leur forte présence dans l’actualité : la dimension technologique. En effet, les opportunités offertes par les nouvelles technologies, disponibles ou à venir, associées au numérique, rendent l’intelligence urbaine (pourtant pas nouvelle) manifeste pour tout. De plus, les villes se veulent des exemples de la transition écologique, ce qui rend prioritaire leur transformation. « Les villes ont des solutions concrètes pour sauver le climat », déclarait Anne Hidalgo en 2015 à l’occasion de la réunion de plus de 900 maires lors de la COP21 à Paris. Les technologies et le numérique font partie intégrante de ces solutions.

Les Smart Cities : une révolution à relativiser

Pour faire la lumière sur ces enjeux, le département « Développement durable et numérique » de France Stratégie, représenté par l’experte-référente Christine Raynard, assistée de Camille Boulenguer, a décidé d’inviter deux chercheurs en sciences humaines et sociales, l’un sociologue, Dominique Boullier, l’autre historien, Mathieu Flonneau.

Ce choix, à l’occasion du premier atelier, est intéressant à deux égards. En replaçant l’Homme au cœur de la réflexion, il rappelle la nature et les fonctions essentielles des Smart Cities et plus largement de la ville ; en analysant celles-ci d’un point de vue à la fois « synchronique », c’est-à-dire indépendamment de toute évolution dans le temps (Dominique Boullier) et « diachronique », dans une évolution temporelle (Mathieu Flonneau), il permet d’identifier les enjeux et dynamiques des Smart Cities, en les intégrant dans une perspective historique.

Ainsi, il faut faire la part des choses, entre continuités et révolutions urbaines, en particulier en termes d’usages, à la fois individuels et collectifs. Certes, les Smart Cities illustrent une révolution sémantique pour décrire les villes, mais elles recouvrent une réalité dont le caractère révolutionnaire doit être relativisé.

La cohabitation de différentes temporalités

Différents choix politiques et techniques s’offrent aux acteurs des villes. Ces alternatives sont associées à différentes temporalités au sein d’un même espace urbain. L’immédiateté du temps « numérique » s’approche du « temps réel ». À l’opposé, les « bâtisseurs » se projettent dans des temps longs, nécessaires aux projets urbains et à leurs appropriations sociales (n’oublions pas que les villes sont destinées à leurs habitants). À mi-chemin, on trouve le court- ou moyen-termisme du temps « politique », rythmé par les échéances électorales. Les villes sont le résultat de l’association de ces trois grandes temporalités.

Entre mobilité et sécurité

Mais les Smart Cities ne doivent pas seulement faire cohabiter des temps différents. L’usage des technologies et du numérique définit un double mouvement, contradictoire à certains égards : la demande croissante de mobilité et le besoin de sécurité. Ce besoin de sécurité soulève lui-même deux enjeux : les ségrégations dans l’espace et la protection de la vie privée.

Il faut faire la part entre l’effet de mode des Smart Cities et la réalité historique des villes, afin d’identifier le caractère révolutionnaire – ou non – de celles-ci. L’étude des « écosystèmes de mobilité » et de l’automobilisme, présentée par Mathieu Flonneau lors de l’atelier, permet de faire cette part des choses. En effet, la demande croissante de mobilité, particulièrement caractéristique de nos sociétés depuis la première révolution industrielle au XIXe siècle, s’est manifestée au XXe siècle par la centralité des automobiles tant dans les usages des citadins que dans la construction des villes. Pourtant, cette culture automobile dominante n’a pas exclu d’autres cultures : en 1926 apparaissent les premiers passages cloutés, destinés à la mobilité piétonne, en pleine ère du « tout automobile ». Ces écosystèmes ont nécessité une intelligence urbaine : on peut déjà parler de villes intelligentes.

On comprend finalement que l’histoire des villes n’est ni statique ni linéaire : l’espace urbain se renouvelle en permanence. Certaines évolutions sont plus révolutionnaires que d’autres, allant parfois jusqu’à interroger le contrat social, le fondement de nos sociétés et du vivre-ensemble.

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