Back to
Point de vue
Publié le
Mercredi 03 Septembre 2014
Mario Draghi a raison de défendre une relance budgétaire européenne. Mais l'Allemagne suivra-t-elle? Par Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective
Jean Pisani-Ferry

Les banquiers centraux s'enorgueillissent parfois d'être ennuyeux. Pas Mario Draghi. Il y a deux ans, en juillet 2012, le président de la Banque centrale européenne avait créé la surprise en annonçant sa volonté de faire « tout le nécessaire » pour sauver l'euro. Les effets de cette annonce furent spectaculaires. Et voici qu'au mois d'août, Draghi a profité du rassemblement annuel des plus grands banquiers centraux à Jackson Hole, dans le Wyoming, pour lancer un nouveau pavé dans la mare.

Le risque de faire trop peu
Cette fois-ci plus analytique, le récent discours de Draghi s'est révélé tout aussi audacieux. Le président de la BCE a choisi son camp dans le débat sur les politiques les plus appropriées de réponse à la stagnation que connaît aujourd'hui la zone euro. Il a souligné qu'en parallèle de réformes structurelles, il était nécessaire d'appuyer la demande globale, et ajouté qu'en la matière, le risque de faire trop peu était clairement inférieur au risque de trop en faire.
Draghi a confirmé que la BCE était prête à apporter sa contribution à la demande globale, et a évoqué les achats d'actifs, ou assouplissement quantitatif, comme des outils nécessaires dans un contexte où anticipations d'inflation sont désormais à un niveau inférieur à l'objectif officiel des 2%.

Surprise: Draghi défend la relance budgétaire
A la surprise générale, le président de la BCE a ajouté qu'il y avait place pour une orientation budgétaire plus expansionniste dans de la zone euro dans son ensemble. Pour la première fois, il a souligné que par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni, et au Japon, la zone euro avait souffert du manque de disponibilité et d'efficacité de la politique budgétaire. Des lacunes que Draghi a attribué non pas à la préexistence d'importantes dettes publiques, mais au fait que la BCE n'avait pas été en mesure de procurer aux autorités budgétaires un filet de sécurité en matière de financement et de les préserver ainsi des risques de perte de confiance sur les marchés. Il a enfin appelé à une discussion sur l'orientation budgétaire globale de la zone euro entre les États membres participant à la monnaie unique.

Trois tabous brisés
Ce faisant, Draghi a brisé pas moins de trois tabous. Il a tout d'abord fondé son raisonnement sur la notion hétérodoxe d'une combinaison de politiques associant mesures monétaires et mesures budgétaires. Deuxièmement, il a explicitement fait référence à une orientation budgétaire d'ensemble, alors que l'Europe avait toujours exclusivement abordé la situation budgétaire pays par pays. Troisièmement, son affirmation selon laquelle l'impossibilité pour la BCE d'agir en tant que prêteur en dernier ressort pour les Etats a un coût élevé - parce qu'elle rend ces derniers vulnérables, et restreint leur espace budgétaire - contredit le principe selon lequel la banque centrale ne doit pas aider les emprunteurs souverains.

[...] Lire la suite sur LaTribune.fr

Auteurs

Jean Pisani-Ferry
Jean
Pisani-Ferry
Anciens auteurs de France Stratégie

Sur le même sujet

Tous nos travaux sur  :