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Interventions média
Publié le
Vendredi 20 Mars 2015
De nombreux pays élaborent des outils visant à en finir avec l'hégémonie du PIB sur la mesure du développement économique. On voit ainsi les parlements légiférer sur la publication de rapports annuels destinés à évaluer la qualité de la croissance, tandis que les gouvernements eux-mêmes échafaudent des tableaux de bord de divers types.
Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie

L'idée de mieux mesurer le bien-être n'est pas neuve. Les pères fondateurs des comptes nationaux reconnaissent eux-mêmes les lacunes du PIB : il ne prend pas en compte le travail domestique ou bénévole (il est bien connu qu'une femme qui épouse son homme de ménage réduit le PIB), il tient certaines nuisances (les embouteillages) pour positives et il ne chiffre pas l'épuisement des ressources naturelles (un pays producteur de pétrole accroît son PIB en accélérant l'exploitation de ses réserves). En outre, le PIB est mesuré en termes bruts, ce qui peut rendre son évolution trompeuse : un pays peut enregistrer un taux de croissance positif mais s'appauvrir faute d'avoir engagé les investissements nécessaires au renouvellement du capital national. Mais malgré ces limites et les contestations dont il était l'objet, il restait sans rival.

Les choses sont en train de changer

C'est d'abord l'effet de la prégnance de la question environnementale. Il est absurde de penser que nous pourrions nous acheminer vers un désastre climatique sans être capables d'en déceler le risque dans nos indicateurs économiques. Le même raisonnement s'applique à la soutenabilité financière. Dans les années 2000, l'Espagne a financé sa croissance par la dette, jusqu'à l'effondrement. Mais tant que la bulle gonflait, le gouvernement pouvait se glorifier de la baisse du chômage et de l'enrichissement généralisé. De la même manière, l'inégalité des revenus devrait nous inquiéter : à quoi bon la croissance, si la moitié de la population n'en tire pas profit, comme ce fut le cas aux États-Unis dans les années 2000 ?

Cependant, une chose est de diagnostiquer les écueils potentiels, encore faut-il fournir les informations nécessaires à l'action. Quand le Parlement, les médias et le public sont tous focalisés sur un indicateur, les décideurs ont tendance à lui accorder plus d'importance qu'il n'en mérite. Il peut en être autrement lorsqu'une publication officielle confère de la visibilité à d'autres indicateurs. Ce qui est mesuré et rendu public - ou non - compte énormément.

L'Allemagne en est un bon exemple. Consciente du déclin de sa population, elle a fait de la réduction de la dette publique son premier objectif. La Constitution a même été modifiée pour imposer au gouvernement un "frein à la dette" encore plus contraignant que les règles de l'Union européenne. Mais les législateurs allemands ont oublié d'inclure l'actif du bilan de la sphère publique dans leur tableau de bord. Avec pour résultat une importante réduction du ratio de dette, mais un grave retard dans l'investissement public ou le renouvellement des infrastructures, pourtant tout aussi essentiels pour les générations futures.

Que faire ?

Une solution apparemment naturelle serait de modifier le calcul du PIB, afin de mieux refléter l'évolution de l'économie. En fait, c'est déjà le cas. Aux États-Unis et en Europe, la comptabilité nationale a récemment modifié la manière de comptabiliser la recherche-développement : les montants associés ne sont plus considérés comme des dépenses courantes mais comme des investissements. Cela reflète la nature changeante de nos économies, où le béton compte moins que les biens immatériels.

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