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Note d'analyse
Publié le
Lundi 19 Août 2013
Préparée en juillet-août 2013 par un groupe d’experts du CGSP, cette note a été conçue pour servir d’introduction au séminaire gouvernemental du 19 août 2013.
Quelle France dans 10 ans ?

Elle propose des éléments de constat et des pistes de réflexion sur les perspectives à horizon de dix ans et esquisse une approche pour l’élaboration d’une stratégie à moyen terme, mais ne prétend ni faire un inventaire des questions, ni fixer les termes d’une réponse. Son objectif principal est d’ouvrir une discussion.

En 1985, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, lance l’objectif d’amener avant l’an 2000 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. La proportion de bacheliers stagne alors depuis plusieurs années en dessous de 30 %. Dix ans plus tard, en 1995, elle dépasse 60 % (Graphique 1). Il y a, bien sûr, matière à critiquer les effets collatéraux d’une mutation aussi rapide. Mais le pays, qui compte 500 000 étudiants de plus, a commencé de combler son retard éducatif. L’accès aux études supérieures ne sera plus l’apanage d’une minorité. L’objectif était clair et mobilisateur ; l’action a porté ses fruits.

Graphique 1 : Proportion de bacheliers par génération, 1980-2011

 

 

Proportion de bacheliers par génération, 1980-2011

 

Notre histoire récente offre d’autres exemples de même type : plan d’équipement télécoms et programme d’indépendance énergétique dans les années 1970 ; mise en place de la monnaie européenne dans les années 1990 ; processus de Bologne sur l’harmonisation des systèmes universitaires européens ou plan cancer dans les années 2000. À chaque fois un objectif lointain a été fixé, qui paraissait souvent irréaliste lorsqu’il a été formulé. Il a orienté l’action publique, guidé les anticipations et catalysé les énergies. Quoi qu’on pense de ces entreprises, aussi critique qu’on puisse être à l’égard des effets indésirables de telle ou telle d’entre elles, force est de reconnaître leur ambition et l’ampleur des changements qu’elles ont entraînés.

Autour de nous plusieurs pays avancés ont, en une décennie, réalisé des transformations de grande ampleur. L’Allemagne de Gerhard Schröder vient immédiatement à l’esprit : en mars 2003, au moment où le chancelier présente son programme de réformes, le pays fait figure d’homme malade de l’Europe. Dix ans après les inégalités de revenu se sont accrues, mais le chômage est à son plus bas et la prospérité économique du pays est insolente. On peut citer aussi la Suède, où la crise financière du début des années 1990 a été l’occasion d’un réexamen qui a préservé les fondements du modèle social tout en redéfinissant ses modalités d’application. Sa réussite est particulièrement frappante en comparaison de l’évolution du Japon, qui a lui aussi subi une crise financière violente au début des années 1990, mais n’a pas su prendre ses difficultés à bras-le-corps (voir Annexe). On peut enfin mentionner, dans le domaine international, les Objectifs de développement du millénaire. Dans un contexte économique, il est vrai, favorable, ces objectifs ont permis de concentrer les efforts et nombre d’entre eux sont en passe d’être atteints dès avant l’échéance de 2015.

Tous ces exemples montrent qu’à condition de viser loin et de se fixer des objectifs clairs, l’action publique n’a pas perdu sa capacité transformatrice. Dix ans, c’est le bon horizon pour des décisions structurantes qui :

  • éclairent l’avenir ;
  • donnent continuité à l’action publique par-delà les alternances politiques ;
  • permettent de sortir de la logique paramétrique – combien en plus, combien en moins – pour mettre l’accent sur des changements qualitatifs ;
  • conduisent à raisonner sur les stocks – de compétences, d’équipements, de logements, de dette – qui déterminent le bien-être d’une nation, et plus seulement sur les flux ;
  • amènent les institutions à se réformer pour servir les objectifs qui leur ont été assignés.

Cinq ans, c’est l’horizon du politique mais dix ans, c’est celui de la société. La perspective décennale est à la fois assez rapprochée pour mobiliser les énergies d’une collectivité autour de l’avenir qu’elle veut se construire, et assez éloignée pour que les investissements institutionnels ou matériels destinés à y conduire portent leurs fruits. Pour les mêmes raisons, elle est propice à la délibération et à la concertation.

Notre société, cependant, a depuis plusieurs années une vision brouillée de son avenir. C’est un handicap, car l’absence d’une perspective commune dans laquelle nos concitoyens se reconnaissent et puissent se projeter affaiblit le collectif et favorise les comportements de chacun-pour-soi. C’est aussi une source d’interrogations pour nos partenaires et les observateurs internationaux qui ne comprennent plus bien à quoi notre pays aspire et ne discernent plus quels moyens il se donne pour atteindre ses objectifs.

Réfléchir à ce que nous voulons être dans dix ans, en débattre, fixer sur cette base des orientations, et engager les actions correspondantes peut aider à remobiliser un pays aujourd’hui désorienté. La France de 2013 n’est plus celle des années 1970 ou même des années 1990. Les urgences et les priorités ne sont plus les mêmes. L’État n’est plus en situation de décider pour la société dans son ensemble. Mais répondre aux questions qui se posent à nous demande toujours continuité et cohérence. La valeur de la méthode demeure.

Dans cette perspective, la présente note est organisée en trois parties. La première fournit un cadrage prospectif sommaire sur le monde, l’Europe et la France à horizon de dix ans. La deuxième met l’accent sur trois choix collectifs d’importance pour la société française. La troisième offre des éléments de méthode et des points de repère pour l’élaboration d’une stratégie à dix ans.

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