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Publié le
Vendredi 02 Juin 2017
Michel Yahiel, Commissaire général de France Stratégie, répond au Comite21 sur les objectifs de développement durable "croissance et industrie durable"
développement durable

Vous avez pris récemment vos fonctions de Commissaire général de France Stratégie : quels sont les enjeux de la France dans la prochaine décennie et quelle place entendez-vous faire au développement durable en général et aux ODD en particulier ?

 

Michel Yahiel (c) France Stratégie
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France stratégie vient d'achever un exercice de réflexions sur les enjeux pour la France de la prochaine décennie. Celle-ci sera marquée par une série de trois transitions, environnementale, numérique et mutations du travail, qui joueront un rôle majeur dans notre quotidien, dans notre relation à l'environnement et dans les relations sociales. Nous sommes également confrontés à de fortes incertitudes sur la croissance économique à moyen terme ainsi que sur le devenir de la zone euro. Dans ce contexte, au-delà de leur complexité qui rend leur appropriation difficile, les Objectifs de développement durable constituent un langage mondial qui s'adresse à tous les citoyens et à tous les pays dans leur quête d'un développement durable. Leur adoption en septembre 2015 par l'ONU a permis, en donnant les mêmes objectifs pour tous les Pays, de dépasser la frontière nord sud, ce que fera également l'Accord de Paris trois mois plus tard. En parlant ce langage, les entreprises sont certaines de se faire entendre quel que soit le pays dans lequel elles se rendent. Mais, au-delà de ce langage mondial, les ODD offrent également une grille de lecture de nos politiques nationales en présentant de manière claire les enjeux essentiels à l'horizon 2030. Si pour un certain nombre d'ODD, la France est bien avancée, d'autres constituent de véritables défis, comme l'ODD 12 relative à la consommation durable. L'adoption des ODD marque également, et c'est une avancée majeure, la reconnaissance du rôle, majeur et indispensable, de la société civile dans la gouvernance du développement durable, ce que reprendra également quelques mois plus tard l'Accord de Paris. Nous devons donc sous le pilotage du Commissariat général au développement durable, probablement ministère par ministère, décliner en France ces ODD.

L'ODD 8 promeut une croissance économique soutenue, partagée et durable : selon vous, la qualité de la croissance peut-elle constituer une réponse aux conséquences négatives de la globalisation économique ?

L'une de nos interrogations principales pour la période qui vient porte sur la croissance. Si dans notre réflexion sur la prochaine décennie, nous envisageons une croissance mondiale voisine de 3,5 % par an, comparable à celle des dix dernières années, nous nous devons de souligner les incertitudes qui pèsent sur les gains de productivité qui restent faibles ainsi que sur l'excès d'épargne mondial, synonyme de risque pour l'équilibre macroéconomique mondial et l'emploi. L'un des messages essentiels provenant de la publication des ODD porte sur la qualité de cette croissance et sur la répartition de ses fruits : l'ODD 11 demande en effet que les revenus des 40 % les plus pauvres de la population augmentent plus rapidement que le revenu moyen national. Nous avons souligné les nombreuses lignes de failles, territoriales, sociales et parfois générationnelles, qui traversent désormais la société française et auxquelles nous devons porter remède si nous voulons retrouver une société plus unie. Au-delà des inégalités de revenus, nous soulignons en priorité les inégalités de patrimoine qui se creusent entre générations jeunes et moins jeunes, ce qui nous conduit à nous interroger sur la remise en question de la fiscalité des successions. Retrouver la qualité de la croissance, mesurée à travers les ODD ou à travers les dix indicateurs publiés par le Conseil économique, social et environnemental et France stratégie en juin 2015, me semble donc indispensable.

La modernisation de l'infrastructure et l'adaptation de l'industrie de chaque pays sont les conditions édictées par l'ODD 9 pour favoriser le développement économique et le bien-être : quelle est la situation de la France à cet égard et quelles pistes d'amélioration l'organe de prospective que vous animez peut-il proposer ?

Dans ce monde incertain, la France doit investir pour dessiner son avenir que ce soit dans la transition écologique, la révolution numérique, l'innovation, ou le capital humain... Le problème de la France aujourd'hui n'est cependant pas d'investir plus, mais d'investir mieux en réorientant les dépenses publiques, en améliorant la qualité de la dépense et en mettant en place des garanties publiques de financement pour permettre la réalisation de projets privés risqués. L'Union européenne devrait par contre investir plus : c'est la justification principale du plan Juncker. Nous préconisons à cette fin un renforcement de l'évaluation aussi bien des politiques publiques que de l'investissement public. Enfin, nous rejoignons totalement l'ODDD 9 sur l'idée de favoriser l'innovation et l'accès au numérique : mais, là encore, l'évaluation doit être le maître mot. France stratégie devrait d'ailleurs publier dans les prochaines semaines des guides de l'évaluation socioéconomique des investissements publics (en partenariat avec la Direction générale Trésor) et du déploiement du très haut débit.

Interview publiée dans la newsletter du Comité 21

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Michel
Yahiel
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