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Publié le
Mardi 05 Avril 2016
Comprendre les besoins et attentes à l’égard du Compte personnel d’activité - Note de synthèse
Débat CPA

Contexte, enjeux et méthodologie

Face au double constat d’une situation économique et sociale difficile et d’un marché du travail de moins en moins figé, l’Assemblée Nationale a voté le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi qui prévoit, entre autres, la création du Compte Personnel d’Activité (CPA).

France Stratégie a souhaité disposer d’éléments d’opinion permettant de mieux comprendre les besoins, les attentes et les inquiétudes de certaines populations spécifiques quant au CPA.

Quatre cibles ont été prises en compte dans cette enquête qualitative :

  • Les jeunes décrocheurs, sortis du système scolaire sans diplôme. Cette cible a été interrogée lors d’une triade à Paris, puis en entretiens individuels en région parisienne.
  • Les travailleurs polyactifs, salariés ou indépendants, qui cumulent les statuts : une cible également interrogée en région parisienne, lors d’un focus groupe.
  • Les travailleurs indépendants, non-salariés, interrogés à Dijon, lors d’un focus groupe.
  • Les personnes en situation de rupture ou de reconversion professionnelle, approchées par entretiens individuels, en région parisienne et à Dijon.

1. Jeunes décrocheurs, travailleurs polyactifs, travailleurs en rupture, en reconversion et indépendants : un sentiment  largement répandu d’être « hors système » et un rapport distancié à la protection sociale.

Quels que soient les parcours des cibles interrogées, toutes témoignent du sentiment d’avoir une trajectoire, volontairement ou non d’ailleurs, atypique, « hors système » et cela conditionne leur rapport au système social.

Ainsi, pour tous nos interviewés, protection sociale et droits sociaux apparaissent comme des termes flous et des sujets plutôt mis à distance hors période de « rupture ».

La protection sociale française est d’ailleurs tout autant perçue comme une chance par rapport aux autres pays que comme un système inégal en soi : selon eux, elle privilégie « les autres », incite peu à la responsabilisation et au travail et reste trop complexe et cloisonnée, surtout pour des personnes – comme nos interviewés – non accompagnées par une structure (école ou entreprise).

Ainsi, tous éprouvent un profond sentiment d’isolement dans la recherche d’informations et dans leurs choix d’orientation.

2. Dans ce contexte, un CPA porteur de bonnes idées mais dont l’ambition et la faisabilité interrogent voire inquiètent.

Globalement, le CPA est compris comme une mesure qui atteste d’un diagnostic nouveau porté par les pouvoirs publics sur la société et d’une projection bienvenue dans l’avenir à partir des évolutions clés du monde du travail.

A cet égard, l’amélioration de la lisibilité des droits sociaux se profile comme l’apport prioritaire attaché au CPA : une meilleure information pour tous, permettant de se sentir moins seul et de réduire les inégalités entre ceux qui « savent chercher » et les autres.

Ainsi, le CPA est perçu comme le signe d’une simplification (attendue depuis longtemps) mais sa faisabilité interroge, voire inquiète, tant l’idée d’un décloisonnement des différents services sociaux semble utopique. Dans le même temps, l’idée d’une plateforme regroupant les informations des individus, sans décloisonner les pratiques des services existants, laisse sceptique et fait craindre une « usine à gaz illisible ».

Au-delà de ces questions, émerge une difficulté à identifier les apports concrets du CPA en dehors de la simplification d’information : quels seront, concrètement, les bénéfices pour moi demain ?

Par ailleurs, les cibles étudiées souhaitent être éclairées ou rassurées sur plusieurs points :

  • La « sécurisation des parcours et transitions » est entendue, notamment par les travailleurs polyactifs, mais demande à être explicitée : quelles sécurités peuvent être concrètement mises en place ? 
  • Le gain d’autonomie et de liberté séduit … mais il est source de stress individuel, avec la peur de ne pas savoir choisir : un besoin de réassurance et d’accompagnement se dessine.
  • Au-delà de l’inquiétude que le gain d’autonomie peut représenter pour soi, il pose des questions plus larges qui convoquent les valeurs de chacun : signe-t-il la fin des mécanismes collectifs de la protection sociale ?
  • Enfin, émerge également une inquiétude sur la place des entreprises dans le dispositif : en bénéficieront-elles aussi ?

3. Un spectre du CPA qu’on espère le plus large possible, mais dont l’objectif doit être éclairé : pourquoi ? Et pour qui ?

Quel que soit le profil d’interviewés apparait une vraie difficulté à choisir quels droits intégrer ou non au CPA. Interrogés sur les trois scénarios envisagés à ce stade pour le CPA, les participants se tournent donc logiquement vers le plus complet d’entre eux (scénario 3).

S’il apparaît davantage répondre à un besoin pratique, ce scénario pose cependant la question de l’objectif précis et de la cible du CPA –  on sort de la cible des « travailleurs », pour s’adresser à tous les Français – ainsi que de sa faisabilité. Les indépendants privilégient, eux, le scénario 1 qui leur semble plus réaliste et davantage tourné vers la valorisation du travail via la formation. Le scénario 2 apparait, quant à lui, comme difficile à comprendre et le principe d’acquisition de droits personnels dans le cadre d’activités socialement utiles divise fortement.

Quel que soit le scénario choisi et pour toutes les cibles, le CPA pêche par manque de référence aux « devoirs » des citoyens et au contrôle des abus : le CPA ne doit ni rimer avec « assistanat » ni générer de nouveaux abus. Enfin se dessine une nécessité impérieuse aux yeux de tous : ne pas s’éparpiller en informations pour garder du sens, de la lisibilité et surtout de la simplicité.

4. Les perceptions détaillées des dimensions phares du projet

  • L’accompagnement personnalisé est l’un des points les mieux mémorisés du CPA, mais aussi l’un de ceux sur lesquels s’exprime le plus de scepticisme : tous nos interviewés s’interrogent sur sa faisabilité.
  • Le système de points demeure, pour l’heure, obscur : il pose de nombreuses questions concrètes sur la gestion des points et revêt une symbolique qui dérange.
  • Le support Internet apparait comme légitime mais susceptible de créer de l’inégalité voire de raviver les clivages culturels entre ceux qui maîtrisent le numérique et les autres. Quel que soit le rapport de chacun au support numérique, la nécessité d’un accompagnement humain est clairement affirmée.

5. Conclusions

Une mesure, dans son principe, porteuse de nombreux bénéfices : la souplesse, l’optimisation dans l’information, le gain d’autonomie, la dimension universelle, la possibilité qu’elle offre de saisir des opportunités nouvelles.

Mais une mesure dont l’appropriation semble, à date, difficile.  La complexité des systèmes sociaux aujourd’hui entache largement sa faisabilité et des craintes plus idéologiques s’expriment quant à l’éventuelle atteinte aux valeurs de travail et d’effort que le CPA porterait. Les indépendants, en particulier, peinent à identifier les apports pour eux.

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