Soixante ans après le traité de Rome, l’Europe est confrontée dans l’ensemble des États membres à la montée de la défiance envers les institutions communautaires. Cela se traduit partout par une poussée des partis eurosceptiques. Restaurer la confiance en l’Europe suppose au minimum la mise en place de politiques publiques plus concrètes, afin que les citoyens européens perçoivent mieux ce que l’Europe leur apporte dans leur vie de tous les jours.
Dans le même temps, notre monde est soumis à une vive concurrence internationale et à la transformation numérique. Les individus doivent être toujours mieux formés pour favoriser l’innovation et augmenter la compétitivité. Pourtant, 20 % de la population active en Europe a un faible niveau de compétences dans le domaine de l’écrit et des chiffres ; 25 % n’a pas les compétences nécessaires pour un usage effectif des outils numériques courants.
Il est donc indispensable d’accroître les investissements de long terme dans le capital humain, notamment dans l’éducation et la formation.
Des formations pour tous mais ciblées et optimisées
France Stratégie propose de rapprocher l’Union européenne de ses citoyens tout en augmentant le niveau global d’éducation : il s’agit d’accorder des prêts individuels à quiconque désire se former pour améliorer ses perspectives de carrière professionnelle.
Concrètement, ces formations cibleraient les métiers en tension et les compétences spécifiques recherchées par les entreprises. Une liste régulièrement réévaluée serait produite pays par pays afin de répondre aux besoins nationaux et locaux. Les formations devraient également cibler les compétences de base et inclure la maîtrise des codes sociaux et des relations interpersonnelles. Un examen défini et mené au niveau européen viendrait enfin sanctionner les compétences acquises.
Toute personne serait éligible à ce prêt formation mais quatre publics sont plus particulièrement ciblés : les chômeurs et les jeunes sans diplôme ; les étudiants qui souhaitent prolonger leurs études ; les personnes désirant changer de carrière ; enfin les réfugiés qui ont besoin d’acquérir des compétences nouvelles pour s’insérer sur le marché du travail du pays d’accueil.
Peu de dépenses budgétaires supplémentaires
Le Fonds Spinelli engagerait les individus sur le plan financier, mais sans les exposer au surendettement. Les formations seraient en effet financées par des prêts individuels dont le remboursement serait conditionné à l’accès à un emploi correctement rémunéré – au-dessus du salaire minimum à plein temps. Une personne sans capital financier ou social pourrait donc se former et changer ainsi de trajectoire de vie. Les organismes de formation, sélectionnés via un appel à projet européen, seraient payés seulement dans le cas où les bénéficiaires réussiraient leur examen final. Les personnes motivées et à même d’obtenir leur diplôme seraient ainsi privilégiées par ce système de double incitation, du côté des bénéficiaires et des organismes de formation.
Le Fonds Spinelli pourrait fonctionner comme le Fonds européen d’investissement : il emprunterait sur les marchés financiers en émettant des obligations. Les défauts de remboursement (personnes n’ayant pas décroché d’emploi après leur formation, ou un emploi insuffisamment rémunéré) seraient couverts par des fonds propres, rechargeable, dont une partie pourrait provenir de l’actuel Fonds social européen.
Un mécanisme qui favorise la convergence des économies
Le Fonds Spinelli s’apparente à une capacité budgétaire commune, favorisant la convergence des économies de l’Union européenne. Il pourrait également constituer un outil de stabilisation conjoncturelle au sein de la zone euro : en cas de ralentissement économique dans un pays de la zone euro, les États membres d’un commun accord pourraient décider d’accroître les financements du fonds à destination des résidents du pays touché, afin d’y augmenter l’offre de formation. Non seulement des fonds supplémentaires seraient ainsi injectés dans l’économie, mais l’amélioration du capital humain viendrait faciliter la reprise et renforcer le potentiel de croissance du pays à moyen et long terme. De plus, ce renforcement du dispositif n’impliquerait pas nécessairement de transferts de fonds entre les pays de la zone euro, si le pays aidé apportait sa garantie aux prêts supplémentaires accordés à ses résidents.
Dans une période de récession similaire à celle de 2008-2009, le Fonds Spinelli pourrait financer 750 000 formations simultanément dans un pays comme la France. Cela se traduirait par une impulsion budgétaire de près d’un demi-point de PIB, sans peser sur le budget de l’État, tout en contribuant significativement à la stabilisation du pays. Le Fonds Spinelli permettrait ainsi de réduire le taux de chômage d’environ 3 points au plus fort de son action et d’accroître le PIB de 0,8 % en cumulé sur trois ans. Au total, dans un pays comme la France, 1,6 million de personnes pourraient en bénéficier sur une période de deux ans et demi.