Ce travail se focalise sur les fonctions les plus mobiles et donc les plus influencées par les coûts de production, l'environnement des affaires et les politiques publiques : les unités de production, les centres d'innovation et les sièges sociaux. Bien que les multinationales mettent la réduction des coûts de production au centre de leurs choix d'implantation, cette dimension coexiste avec d'autres considérations. En termes d'attractivité, l'analyse confirme par exemple que les sites de production sont plus sensibles aux coûts de main-d'œuvre que ne le sont les centres d'innovation et les sièges sociaux.
Deux autres facteurs ont une importance dans les décisions de localisation. D'une part, les entreprises ont tendance à co-localiser au sein d'un même territoire leurs unités de production et les centres d'innovation, en raison des synergies qui en résultent. Il apparaît ainsi qu'un pays comme la France ne puisse être durablement attractif pour les activités d'innovation des entreprises sans l'être aussi pour leurs usines. Néanmoins, l'étude révèle que le phénomène inverse n'est pas moins plausible : les centres d'innovation ont un pouvoir d'attraction relativement élevé sur les activités de production et inversement. Dans le cas de la France, l'existence d'un centre de production sur le territoire augmenterait la probabilité d'y installer un centre d'innovation d'environ 74 %. En retour, l'existence d'un centre d'innovation augmenterait la probabilité d'y installer un centre de production de l'ordre de 62 %.
Autre facteur déterminant dans les choix de localisation : l'environnement fiscal. Globalement, les incitations fiscales à la R & D influencent positivement la localisation des activités d'innovation, tandis que les sièges sociaux sont attirés par les régions à faible taux d'imposition des sociétés, alors que les taxes sur la production exercent un effet répulsif à la fois sur les activités de production et sur les sièges sociaux.
Si la France avait le même niveau d'impôt de production que ses partenaires, sa part dans le total des créations de sites de production par des multinationales non européennes en Europe augmenterait de 18 %. Si les taux d'impôt sur les sociétés étaient harmonisés en Europe, la part de la France dans l'accueil des sièges sociaux augmenterait de 70 % pour atteindre 13 % du total et si cela s'accompagnait d'une harmonisation des impôts de production, la hausse pour les sièges sociaux serait de plus de 130 % pour atteindre 17 % du total. Inversement, sa part dans les centres d'innovation implantés par des multinationales étrangères pourrait diminuer de 30 % si l'ensemble des pays européens adoptaient le même niveau d'aides fiscales à la R & D.
Ces résultats demandent naturellement à être confirmés et précisés par d'autres études, en particulier pour dépasser deux limites de l'analyse : d'une part, l'étude économétrique porte uniquement sur les investissements en Europe d'entreprises extra-européennes ; de l'autre, l'analyse prend en compte chaque décision de localisation de la même manière, quel que soit le montant de l'investissement, car ce dernier n'est renseigné que dans un nombre limité de cas.