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Communiqués de presse
Publié le
Lundi 18 Juillet 2022
Selon l’Insee, la France métropolitaine comptait environ 9,2 millions de personnes en situation de pauvreté monétaire en 2019. D’après l’estimation avancée de l’Insee, le taux de pauvreté serait stable en 2020, mais la pauvreté se serait intensifiée. Près de deux millions de personnes seraient en situation de grande pauvreté en France. Le troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présidé par Louis Schweitzer et hébergé à France Stratégie, fait le point sur le déploiement et les effets des 35 mesures de la Stratégie nationale 2018-2022 et ouvre des perspectives pour une stratégie 2023-2027.
Rapport Pauvreté 2022 - Image principale

 

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Un avancement inégal selon les mesures

La mise en oeuvre est terminée pour quatre mesures (prime d’activité revalorisée, mise en oeuvre et renouvellement de la complémentaire santé solidaire pour les allocataires du RSA et déploiement des 400 points conseil budget). Cinq ont atteint au moins en partie leurs objectifs de déploiement. L’état d’avancement des autres mesures est très inégal.
Dans certains cas, les ambitions ont été revues à la hausse (extension de la Garantie jeunes à 100 000 jeunes supplémentaires en 2021), dans d’autres cas, les objectifs ont été revus à la baisse (formation des professionnels de la petite enfance et des travailleurs sociaux). Deux mesures ont été abandonnées.

Une mise en oeuvre dans les territoires, un pilotage national à renforcer

L’organisation prévue pour piloter la Stratégie a bien été mise en place, malgré certains retards. Les moyens financiers annoncés pour la contractualisation ont été confirmés, rendant ainsi crédible l’engagement de l’État notamment vis-à-vis des collectivités. Toutefois, le soutien politique de la Stratégie reste insuffisant pour donner à la Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP), qui en a la charge, les moyens d’une coordination interministérielle et d’un pilotage propre à garantir un niveau de mise en oeuvre à la hauteur des ambitions initiales. Le déficit d’outils de suivi obère en outre la capacité à piloter et à évaluer la Stratégie.

Des premiers résultats mais un recul encore insuffisant pour l’évaluation

S’il est encore trop tôt pour connaître l’ensemble des effets des mesures de la Stratégie, on dispose de premiers éléments d’évaluation sur quelques mesures.

La mesure la plus notable est sans conteste la revalorisation de la prime d’activité, qui a eu pour effet, en 2019, une baisse de la pauvreté de l’ordre de 0,6 à 0,7 point.

La CSS, mesure la plus importante du volet santé de la Stratégie, a bien été mise en oeuvre mais les données aujourd’hui disponibles ne permettent pas de mesurer ses effets.

Les mesures destinées à accompagner les jeunes « invisibles » semblent avoir permis de les orienter vers l’emploi et la formation. Le nombre de bénéficiaires de minima sociaux en
parcours d’accompagnement a également augmenté (par le biais notamment de la garantie d’activité) tout en étant encore faible par rapport au nombre total de bénéficiaires de ces minimas. Certaines expérimentations visant à améliorer l’accès aux droits (datamining, entretiens giratoires, etc.) apparaissent prometteuses.

Les mesures principales pour la non-reproduction de la pauvreté n’ont pas pour le moment permis d’améliorer significativement la quantité ni la qualité des modes d’accueils. Les crèches ne se sont pas développées dans les quartiers les plus défavorisés.

A ce stade, on constate qu’il n’y a pas d’amélioration des indicateurs d’inégalités en matière de petite enfance et de réussite éducative. Les indicateurs relatifs au marché du travail ont, eux, connu une amélioration notable sur la période de déploiement de la Stratégie, en particulier pour les jeunes. On ne peut cependant pas l’associer aux seules mesures de la Stratégie. Enfin, on manque de données permettant de connaître l’évolution des indicateurs globaux pour le logement, la santé et les droits sociaux depuis le lancement de la Stratégie.

Les recommandations pour la Stratégie 2023-2027

Le comité, avec le concours du 5e Collège du CNLE et du panel citoyen, formule 24 recommandations à destination du Gouvernement autour de quatre axes dans la perspective de la suite de la Stratégie pour la période 2023-2027.

Le comité souhaite voir conservée l’approche de la stratégie au-delà de son échéance fin 2022 : une approche multidimensionnelle, coordonnée et préventive. La disparition de la grande pauvreté doit être intégrée aux objectifs visés.

Droits sociaux, lutte contre le non-recours, logement, jeunes, publics fragiles… le comité recommande de renforcer les domaines prioritaires de la lutte contre la pauvreté. Il préconise également des actions ciblées dans les Outre-mer, où se trouvent les départements français les plus pauvres et où réside un quart des personnes en situation de grande pauvreté.

Le déploiement local adapté aux territoires et mis en place dans une logique partenariale avec les départements doit se poursuivre, en donnant plus de place aux mesures adaptées aux besoins locaux. Les conditions d’une participation effective des personnes concernées doivent être garanties.

Enfin, le comité souligne les limites rencontrées dans sa mission d’évaluation (manque de données, d’indicateurs, etc.) et insiste sur l’importance de développer et de mettre en place les outils pour suivre et évaluer les effets de la stratégie 2023-2027 en amont de sa mise en oeuvre. Il préconise que des moyens suffisants soient dégagés pour développer les évaluations scientifiques des politiques de lutte contre la pauvreté, afin d’en connaître les effets et les coûts et ainsi d’être en mesure de faire des choix de politiques publiques éclairés.