Un système alimentaire français spécifique, avec des défis à relever
Malgré une forme de mondialisation de l'alimentation, la France préserve son régime alimentaire propre avec sa grande diversité, liée aux spécificités régionales et culturelles, et un modèle de « repas à la française » qui perdure. En termes de santé publique, la France est relativement moins confrontée au surpoids et à l'obésité que la plupart de ses voisins européens (avec en 2019 45% de personnes en surcharge pondérale au lieu de 51% en moyenne dans l'UE 27, au sein de laquelle la France présente le second taux le plus faible). Mais elle n'échappe pas aux grandes tendances mondiales, avec une alimentation de plus en plus grasse, sucrée et salée, et une part croissante des aliments transformés. À ces tendances se conjugue une consommation d'alcool encore trop élevée. Le système alimentaire français doit donc encore relever de grands défis en matière de santé publique, en lien avec la qualité nutritionnelle mais aussi l'alcool.
Les modes de production agricole font encore beaucoup appel aux intrants chimiques (engrais et pesticides), ce qui impacte tout à la fois la santé et l'environnement. On constate également une hausse de la précarité alimentaire, avec un doublement du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire entre 2009 et 2018, suivi d'une hausse d'environ 10% entre 2019 et 2020. Les contraintes budgétaires expliquent les consommations différenciées entre les ménages en fonction de leur niveau de vie.
Bien que notre industrie agroalimentaire reste importante, notre autonomie alimentaire se dégrade, avec certaines filières déficitaires, comme les fruits et légumes. Hors excédents liés aux vins et céréales, la France connaît désormais un déficit de sa balance commerciale et importe environ 20 % de son alimentation. En amont, le vieillissement de la population agricole, le manque d'attractivité et la faiblesse des revenus des métiers de l'agriculture fragilisent le secteur.
La croissance démographique et l'augmentation de la consommation de viande conduisent le système alimentaire mondial à une impasse, en particulier du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique. Une alimentation avec moins de viande et de produits laitiers sera nécessaire pour atteindre les objectifs globaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La France n'échappera pas à cette nécessaire transition alimentaire.
Les politiques nationales de nutrition et d'alimentation n'apportent que des réponses partielles à ces grands défis
Les principaux instruments permettant d'accompagner les consommateurs vers une alimentation plus saine et plus durable pour tous sont déjà bien identifiés : l'éducation à l'alimentation tout au long de la vie au plus près du terrain, assortie d'outils de partage et d'évaluation des pratiques ; des dispositifs d'information nutritionnelle et environnementale comme le Nutriscore ou l'affichage environnemental ; l'encadrement de la publicité ; des actions auprès de l'industrie pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments ; les dispositifs d'aide alimentaire ; la fiscalité comportementale. Ces instruments sont déjà partiellement mobilisés par les programmes nationaux de l'alimentation (PNA) et nutrition-santé (PNNS), clés de voûte des politiques de l'alimentation dont les synergies sont à renforcer. Parallèlement, il est possible de faire évoluer la production agricole nationale pour contribuer à l'alimentation saine et durable des Français, d'accélérer l'évolution de la politique agricole commune pour qu'elle devienne plus favorable à l'environnement et à l'emploi, de renforcer les mesures de soutien à la transition agroécologique, ainsi que les initiatives des projets alimentaires territoriaux. Il faut continuer à rechercher une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs.
Comment accélérer la transition vers un système alimentaire plus durable ?
Dans ce rapport, France Stratégie propose un large spectre de recommandations :
- Proposer un meilleur accompagnement du consommateur est nécessaire. Cela passe d'abord par l'éducation à l'alimentation, tout au long de la vie. Au-delà du choix des aliments, les consommateurs doivent être sensibilisés aux modes de consommation, forts contributeurs aux inégalités de santé, ainsi qu'à l'activité physique, dans le cadre d'une approche unifiée de la nutrition ;
- Améliorer l'information nutritionnelle et environnementale auprès du consommateur, notamment via l'étiquetage. Le consommateur est confronté aux moyens publicitaires et aux stratégies marketing des producteurs et marchands de produits de faible qualité nutritionnelle. La publicité doit ainsi être mieux encadrée ;
- Utiliser les leviers de la taxation comportementale ; il faut ainsi notamment évaluer la faisabilité et l'intérêt de la proposition discutée au Parlement européen de moduler la TVA sur les aliments en fonction des bénéfices nutritionnels et de leur empreinte carbone ;
- Améliorer l'accès à une alimentation de qualité qui, souvent, diffère suivant les territoires et les publics ;
- Renforcer les moyens alloués à l'aide alimentaire et sa qualité ;
- Soutenir les actions locales en renforçant les partages d'expériences entre collectivités locales.
Les objectifs de santé et de lutte contre le réchauffement climatique doivent structurer dans la durée les politiques concernant l'alimentation, l'agriculture et l'industrie agroalimentaire
Les actions concourant à la politique de l'alimentation sous l'angle de la nutrition doivent mieux tenir compte des acquis de l'expérience acquise en France et à l'étranger, et être conçues de manière à être évaluables, pour pouvoir en détecter les limites et y remédier.
Comme l'a prévu le législateur dans la loi dite « climat et résilience », les différents plans structurant la politique de l'alimentation doivent être coordonnés dans une stratégie de transition alimentaire de long-terme, prenant en compte les éléments de prospective en matière agricole, économique, environnementale, sanitaire, sociale et sociétale et proposant un cap clair de transition de notre système alimentaire vers la durabilité.
La convergence des objectifs de santé (prévention de l'obésité et des autres maladies liées au régime alimentaire) et de transition écologique (réduction des émissions de gaz à effet de serre, et des intrants chimiques) contribuera à la transformation du modèle de production agricole et agro-alimentaire.