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FTHD | Qui paie quoi ? Les investissements publics et privés, le régime d’aides d’État en Europe

Le Plan France Très Haut Débit a été lancé en 2013. En 2019, la Commission européenne et le gouvernement français ont chargé France Stratégie de l'évaluation de cette politique visant à couvrir l'ensemble du territoire avec le très haut débit d'ici 2022 grâce à des subventions.

Publié le : 05/10/2020

Mis à jour le : 24/01/2025

Cette dernière session du séminaire porte plus spécifiquement sur les sources de financement des déploiements du THD en Europe et l’articulation entre financements publics et privés. Pour Patrice Duran modérateur de cette dernière séquence, le rôle de la puissance publique est essentiel à double titre. Il s’agit en effet de faciliter le financement de ces infrastructures mais également d’accompagner l’arrivée de la fibre dans les territoires afin d’assurer le développement de nouveaux usages et de garantir un accès à tous les usagers. En France, l’organisation administrative est caractérisée par un partage de compétences entre l’Etat et les collectivités locales. En matière de déploiement du très haut débit, cela se traduit donc par une gouvernance et un financement partagés. Au-delà de cette configuration spécifique, l’objet de cette dernière séquence du séminaire vise donc à éclairer comment les aides d’Etat sont mobilisées dans les différentes contextes de gouvernance nationale.

La réglementation européenne en matière d’aides d’Etat vise à garantir le respect des règles de concurrence lorsque des fonds publics sont mobilisés pour pallier le constat de défaillances du marché dans le développement d’une activité donnée. Il s’agit de veiller à ce, dans ce cas, qu’aucun acteur ne soit favorisé ou lésé. Le panorama au niveau européen présenté par Marc Bourreau met en évidence une accélération des notifications d’aides d’Etat depuis les années 2000. Entre 2003 et 2018, chaque année, ce sont près de 7 milliards d’euros de fonds publics (pour 25 Md€ investissements privés), qui sont ainsi investis dans le déploiement du haut débit. Néanmoins, bien que la connectivité soit affichée comme une priorité de la commission, les dépenses en faveur du déploiement des réseaux ne représentent finalement que 5% du budget total européen. A cet égard, le recours aux aides d’Etat est très inégal entre les Etats membres. La France et l’Italie sont par exemple les deux états-membres ayant le plus recours au financement public par habitant pour le déploiement des réseaux. En règle générale, les principales raisons invoquées pour l’obtention des régimes d’aides d’Etat sont d’une part la nécessité d’étendre la couverture (le traitement des zones blanches constitue 86% des notifications observées) et d’autre part le souci d’accélérer les déploiements (y compris hors zones blanches). La forme des aides est variée : bonification d’intérêts, prêts garantis, subventions. Dans un autre registre, on constate que peu de projets bénéficiant d’un régime d’aide prévoient une clause de retour à meilleure fortune. Enfin et sous réserve d’approfondissement des recherches sur des données moins agrégées, on observe qu’en matière de déploiement du très haut débit, le recours aux aides d’Etat est plus précoce qu’il ne l’avait été pour le haut débit.

En adoptant le point de vue d’un financeur public (la BEI), Harald Gruber constate que les défaillances de marché sont difficiles à évaluer, en particulier pour les réseaux de télécommunication. En effet dans ce domaine, les évolutions technologiques sont très rapides et doivent en outre être évaluées selon la capacité du marché à réaliser les objectifs dans les délais impartis. Ainsi, les objectifs de couverture de la Gigabit society (1Gbt/s pour l’ensemble des citoyens européens), nécessitent par exemple un financement global estimé à 400Md€.  Dans la mesure où cet objectif doit être atteint d’ici 2025, on sait donc que le marché ne pourra financer que le tiers de ce montant. Les 250M€ restant devront donc être financés par des fonds publics dans le cadre de la réglementation des aides d’Etat. Or les règles actuelles d’attribution des aides d’Etat sont plus adaptées au déploiement des technologies jusqu’à 30 Mbit/s qu’aux objectifs fixés par la Gigabit Society. Les règles vont donc devoir évoluer rapidement car les besoins d’investissements publics en matière d’infrastructure numérique sont très importants : la résilience de notre modèle économique de développement dépend de la robustesse des infrastructures que nous allons déployer et de notre capacité à les financer.

En Italie, des aides d’Etat ont été allouées pour le développement de la fibre dans des zones blanches. Près de 9,6 millions de prises (dans 7700 communes) bénéficieront de ces aides, sur un total de 19 millions de prises. En Italie, coexistent un réseau d’initiative privé financé à 100% par le marché et un réseau d’initiative publique financé que partiellement par des financements publics. Pour Francesco Nono, si les zones blanches seront couvertes en priorité par l’initiative publique, les déploiements sur les zones grises sont très problématiques car en l’état actuel des règles d’attribution des aides d’Etat, les possibilités de financement public sont très restreintes alors même que l’intervention privée est insuffisante voire inexistante. Une autre difficulté s’ajoute dans le cas de l’Italie. Le montant des aides publiques attribuées dépend des déclarations d’intention des investisseurs privés. Or il s’avère que celles-ci ne sont pas toujours honorées et il y a donc un fort risque d’incomplétude des réseaux (actuellement seulement 20% du territoire est couvert par du FttH).

Dans le cas de la France, Marie Lamoureux, rappelle que le gouvernement a réaffirmé l’ambition du 100% fibre d’ici 2025 sur l’ensemble du territoire  Le déploiement dans les zones denses (6,4 millions de ménages) est assuré par des investissements privés, dans les zones moins denses (13,7 millions de ménages), un texte législatif encadre des possibilités de mutualisation et ces zones ont ainsi fait l’objet d’intentions d’investissement de deux  opérateurs, dont l’opérateur historique. Enfin, dans les zones d’intervention publique (16 ,8 millions de ménages), les collectivités contractent directement avec des opérateurs privés pour des contrats d’une durée pouvant aller de 15 à 35 ans. Cet investissement public permettra d’atteindre les objectifs de couverture mais a également contribué à faire émerger de nouveaux acteurs, notamment sur les marchés de gros. Il est intéressant de noter que ces projets se sont accompagnés d’une intensification de la concurrence, mais aussi d’une augmentation de la part des investisseurs privés dans ces projets et en conséquence d’une diminution de la part des investissements publics à la prise (de 800 à 400 € par prise). L’ensemble du dispositif fait désormais de la France le bon élève en Europe tant en terme de nombre de prises FttH déployées qu’en termes de niveau d’adoption de la fibre (8 millions d’abonnés).

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