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Retour sur le débat régional à Bobigny : Quelle France dans 10 ans ?

C'est à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, le département le plus jeune de France métropolitaine, que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a fait étape pour échanger avec les acteurs locaux sur l'avenir du modèle républicain dans le cadre du projet "Quelle France dans dix ans ?". Là où la désertification médicale, le manque de moyens dans les établissements scolaires et le nombre élevé de chômeurs suivis par Pôle Emploi sont autant d'indicateurs de disparités. Un premier débat a porté sur le thème « Comment garantir un égal accès aux droits ? » ; le second s'est penché sur « La démocratie locale et la citoyenneté ».

Publié le : 13/12/2013

Mis à jour le : 23/12/2024

Débat régional #FR10A - Quel modèle républicain dans 10 ans ? Bobigny

C'est en Seine-Saint-Denis que le commissariat général à la stratégie et à la prospective a décidé d'organiser le débat sur le modèle républicain. Insécurité, chômage, échec scolaire : ce département est souvent décrit dans les médias comme difficile. Les associations et des politiques ont voulu témoigner que, malgré les difficultés, il existe aussi des solutions pour la France dans dix ans. Premier principe : garantir l'égalité des territoires en matière d'accès aux services. Les réformes institutionnelles ne sont pas suffisantes ; il faut du concret pour les habitants. Si, au bout de la rénovation d'un quartier, ils n'ont toujours pas accès aux services publics, à un médecin ou à un commerce de proximité pour la vie quotidienne, toutes les instances de démocratie participative mises en place n'auront pas modifié leur vie quotidienne.

Dans le cadre de la démocratie participative, les conseils de quartier ont peut-être atteint leurs limites. Il faut aller plus loin pour que les citoyens soient vraiment décisionnaires. Une proposition serait de sortir des conseils de quartier pour créer des tables de quartier. Ces tables permettraient à des collectifs d'habitants et d'associations de discuter collectivement des projets en amont, afin qu'ils remontent au conseil municipal, plutôt que l'inverse. Pour financer cette réforme, il n'y aurait pas besoin d'emprunter : 1 % des financements des partis politiques et 10 % des enveloppes parlementaires pourraient être redistribués pour permettre aux habitants de s'organiser et d'agir.

Dans un département où plus de 13 % de la population est au chômage contre 9 % en Île-de-France, l'État a le devoir de lutter contre les inégalités à l'embauche. Certaines associations agissent pour combattre la discrimination directe, qui consiste à refuser d'ouvrir des candidatures à certains profils, et la discrimination indirecte, en dotant les candidats de codes et d'outils leur permettant de convaincre les recruteurs sur leurs compétences.

Autre domaine : la santé. Comment lutter contre les inégalités dans ce secteur ? Nos voisins britanniques ont mis en place des zones de santé prioritaires où ils ont développé une offre de santé publique, notamment avec des centres de prévention pour des problématiques comme le tabagisme. Ces centres sont particulièrement développés dans les zones les plus défavorisées. Concrètement, cette politique a permis de réduire l'écart entre les populations les plus pauvres et les plus riches en matière de santé.

Réduire les inégalités, c'est garantir le principe d'égalité, une des pierres angulaires de tout modèle républicain. La France dans dix ans, c'est-à-dire la France de demain, se doit de protéger et de renforcer ce principe.

Quelques chiffres suffisent à illustrer les inégalités territoriales et sociales. Entre les parisiens qui habitent à côté de la station Luxembourg du RER B et les franciliens qui habitent autour de celle de La Courneuve-Aubervilliers, la différence d'espérance de vie est de... quatre ans. On compte plus de 200 médecins pour les premiers contre 52 pour les seconds. La tâche paraît immense pour combler le gouffre. Selon Xavier Vuillaume, médecin-directeur du centre de santé d’Aubervilliers, il faut se fixer des objectifs afin réduire les inégalités de santé et mettre la priorité sur les territoires qui en ont le plus besoin, à l’instar des Britanniques : « Ils ont, par exemple, installé des centres de tabacologie dans les endroits les plus défavorisés, avec de bons résultats dans l’arrêt du tabac chez les plus pauvres, qui sont moins réceptifs aux messages généraux de prévention. »

Mais la réduction des inégalités de santé passe d’abord par celle des disparités dans le parcours scolaire, l’accès à l’emploi, les salaires, etc. Quelques acteurs de terrain s'y emploient. C'est le cas au lycée Jacques Brel de La Courneuve, où l'on soutient les élèves pour leur donner l'ambition de faire des études qu'ils ne connaissent pas ou s'interdisent, comme intégrer une grande école. « Des ateliers sont animés avec des partenaires, Sciences-Po, l'Université Paris-Dauphine, etc. » précise Christine Thiebot, proviseure.

Alors que de grandes entreprises se sont installées à la Plaine Saint-Denis, des efforts immenses sont à faire pour les convaincre de ne pas avoir un « développement hors sol » et de trouver ici leur force de travail : « Les jeunes doivent avoir d'autres perspectives que de faire un stage à la supérette du coin. » défend Stéphane Troussel, président du Conseil général. Pourtant, la lutte contre les discriminations dont peuvent être victimes les jeunes diplômés, notamment de Seine-Saint-Denis, demande un travail de longue haleine avec les employeurs, selon Saïd Hammouche, fondateur du cabinet de recrutement Mozaïk RH : « Ils pensent minimiser les risques avec des processus d’embauche très standardisés, qui écartent les CV ne rentrant pas dans la norme. Notre action vise à les accompagner pour, en partant de leurs besoins, construire des solutions d’intérêt général. »

Le second débat consacré à la démocratie locale a posé quelques constats : des élites loin des préoccupations des quartiers, des politiques qui ne sont plus vues comme des instruments d’amélioration des conditions de vie. Faire participer davantage les habitants fait consensus. Mais comment ? Des élus ont pointé les limites des Conseils de quartier, où s’expriment avant tout « les élites locales » de terrain et non les classes les plus populaires, qui n’osent venir en réunion. Quelle représentativité des habitants auto-investis ?

Mohamed Mechmache, fondateur de l’association ACLEFEU, propose de leur substituer des « tables de quartier », avec des moyens financiers accordés aux participants pour élaborer des contre-projets : « Les conseils de quartiers ne sont que des chambres d’enregistrement ; il faut que les citoyens, qui ont une expertise d’usage, deviennent codécideurs et soient présents dans les comités de suivi des politiques de la ville. » Ceux-ci pourraient être tirés au sort. Et pour financer cette démocratie locale, pourquoi ne pas lui affecter 1% des subsides octroyés aux partis politiques et 10% de la réserve parlementaire ?

Les participants ont noté la nécessité de ne pas opposer élus et société civile, projets des institutions et expression des habitants. L’ambition est plutôt de trouver de nouveaux moyens de collaboration « entre les sachants et les non sachants ».  « Les politiques publiques s’enrichiront, même si les projets mettent plus de temps pour parvenir à leur terme. » estime Patrick Norynberg, directeur général adjoint chargé des questions de démocratie et de développement du territoire à Aulnay-sous-Bois.

Mais associer plus étroitement les habitants aux décisions locales ne suffira pas seul à faire remonter la participation électorale. Refonder la démocratie représentative –mode de scrutin, cumul des mandats, profil sociologique des élus- apparaît comme un autre enjeu de taille. Et si les citoyens n’ont pas accès à des services de santé, des transports de qualité, des commerces de proximité, leur défiance risque de perdurer…

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