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Publié le
Mercredi 27 Juin 2018
Cahors. France Stratégie est allée confronter son expertise « macro » à la réalité du terrain. Retour sur deux jours d’échange et de « fertilisation croisée » avec Jérôme Filippini, préfet du Lot.
Attractivité des territoires : «la force positive de l’initiative»

Les 19 et 20 juin 2018, une équipe de France Stratégie est allée à la rencontre des services de l’État, des élus locaux, des responsables associatifs et des entreprises du Lot, à Cahors. Attractivité, problématique de recrutement, cohésion territoriale… ces deux jours ont été l’occasion pour l’institution de mieux appréhender les réalités des territoires ruraux, « vues » du terrain. Retour sur l’événement avec Jérôme Filippini, préfet du Lot.

Lors de ces deux jours, vous avez à plusieurs reprises insisté sur l’importance d’adopter une vision « positive » du territoire. Pouvez-vous nous expliquer ce que ça signifie concrètement pour vous ?

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Jérome Filippini  – Le Lot a, comme tous les départements, des handicaps importants (son enclavement en termes de transport, sa géographie, sa démographie) et des atouts magnifiques (qui sont parfois le revers de la médaille).

Ici dans le Lot comme dans tous les terrains d’intervention publique, je suis convaincu que les représentations ont au moins autant d’importance que les facteurs réels : quelle vision les principaux acteurs construisent de leur territoire, quelle image ils projettent à l’extérieur, quelle fierté, quel désir veulent-ils incarner. Selon l’attitude des femmes et des hommes du territoire, les mêmes handicaps ne pèsent pas aussi lourd, et les mêmes atouts peuvent avoir une force démultipliée. Et de nombreuses études démontrent que les jeux coopératifs entre acteurs sont un levier essentiel d’efficacité de la transformation. C’est pourquoi je plaide, en toute occasion, pour une pensée positive à l’œuvre, sans naïveté, sans optimisme excessif, mais en assumant un profond volontarisme : si on ne croit pas à l’avenir de son territoire, on ne convaincra pas les autres d’y venir, de s’y installer, d’y créer de la valeur.

La meilleure preuve de l’efficacité de ce volontarisme positif est d’ailleurs donnée, dans le Lot, par le dynamisme de certains acteurs économiques : comment expliquer autrement la formidable réussite de Ratier Figeac depuis cent ans, et de Figeac Aéro, parti de rien il y a trente ans, et qui compte aujourd’hui 3 200 collaborateurs dans le monde, 2 000 en France et 1 200 à Figeac ? Les facteurs « objectifs » (enclavement routier, manque de tissu de formation, etc.) auraient dû conduire à l’époque, et à plusieurs reprises depuis, à ne pas s’installer ou se développer dans ce territoire. On pourrait dire la même chose du géant agroalimentaire Andros implanté dans le nord du Lot. La géographie et les facteurs objectifs de production comptent bien sûr. Mais ils ne font pas tout, et la force positive de l’initiative, de l’audace, de la coopération, est supérieure.

Vous avez également consacré du temps à échanger sur la problématique du recrutement en milieu rural et sur celle de l’innovation. Là encore quels ont été les apports mutuels ?

Jérôme Filippini
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JF – La venue de France Stratégie a été un merveilleux moment de « fertilisation croisée », comme on dit. Les équipes parisiennes d’experts et de sachants sont une mine de savoir, dont les travaux aident à penser l’action, à éclairer les choix, à anticiper les défis de demain, qui sont déjà à l’œuvre sans qu’on le sache lorsqu’on a le nez sur le guidon. La lecture des travaux de France Stratégie, et la présentation à Cahors de certains enseignements sur l’effet métropole, sur les compétences transversales, ou sur les ressorts du développement économique, ont été passionnantes pour nous.

Symétriquement, j’espère que l’équipe de France Stratégie a pu puiser lors de ces deux jours de nombreuses pistes inspirantes : sur l’énergie locale des acteurs, sur les logiques de clusters en milieu peu dense, sur l’importance des coopérations locales entre les entreprises, les élus, l’économie sociale et solidaire. Et je pense aussi que certaines intuitions de France Stratégie ont été confortées par les échanges sur place. C’est particulièrement évident sur le sujet des compétences transversales et transférables : une étude « macro » rencontre son application concrète à l’œuvre sur le terrain, et se voit valider par l’expérience.

Lors de son déplacement, Gilles de Margerie a rappelé la nécessité de confronter nos analyses à la réalité du terrain. De votre point de vue, quel intérêt y a-t-il, de manière générale, à faire se rencontrer expertise locale et « centrale » et plus spécifiquement pour un territoire à échanger avec France Stratégie ?

JF – C’est évidemment le nerf de la guerre, et la condition de nos deux efficacités respectives : sans la confrontation au terrain, la modélisation scientifique risque de tourner à vide, et de faire fausse route ; sans l’éclairage d’études qui mettent en perspective et renseignent sur ce que font les autres, les actions de terrain risquent de s’épuiser à rééditer les erreurs commises et corrigées sur d’autres terrains, et de faire elles aussi fausse route.

Je prendrai la métaphore du drone : France Stratégie est le drone de la transformation publique « augmentée ». S’il n’est pas là pour éclairer le chemin, l’action risque d’échouer ou de perdre en efficacité. Mais pour éclairer le chemin, il doit acquérir une quantité fantastique de données qui lui remontent du terrain. Souhaitons que ces deux belles journées de « France-Stratégie-sur-Lot » aident à modéliser et à développer ces « boucles vertueuses » entre la pensée et l’action, entre le local et le national.

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Propos recueillis par Céline Mareuge, journaliste web

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