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Actualités
Publié le
Mercredi 14 Octobre 2015
Au cours des travaux menés sur le compte personnel d’activité, France Stratégie a sollicité ou reçu des contributions écrites d’experts d’horizons divers (partenaires sociaux, personnalités qualifiées, think tanks) visant à nourrir le débat.
Remise du rapport CPA

La mise en place depuis le 1er janvier,  du compte personnel de formation et l'annonce faite par le président de la République de la future mise en place du compte personne d'activité peut être l'occasion d'aller dans le sens de la Priorité Jeunesse annoncée par le gouvernement.

Un risque de remise en cause du système de solidarité inter-générationnelle

Différents rapports publiés depuis quelques années dont le dernier avis du CESE «  Sécuriser les parcours d'insertion des jeunes »  (mars 2015) font l'hypothèse d'un possible remise en cause de notre pacte de solidarité inter-générationnelle dont on fêtera les 70 ans en octobre prochain par la jeune génération dans les prochaines années. Cécile Van de Velde, sociologue, parle d'une bombe à retardement.

On assiste en effet à une forme de résignation de notre société qui a largement accepté que les jeunes soient les variables du marché du travail ( âge moyen du 1er CDI est à 29 ans, il y a 20 ans il était à 22 ans) et qu'ils soient obligés de passer par un enchaînement de stage, de périodes d'interim, de CDD voire de prendre le statut d'auto-entrepreneur avant d'atteindre le CDI, signe de sécurisation.

Cette montée de la précarisation s'accompagne en parallèle d'une méconnaissance totale du système de protection sociale ( pas de transmission dans la famille et pas de luttes sociales récentes, pas d'éducation ou d'information sur ce sujet, complexité et mille-feuille de dispositifs  d'aides qui fait qu'il est difficile de s'y repérer) et d'une montée importante de l'abstention ( 75 % des jeunes de 18 à 35 ans se sont abstenus aux trois dernières élections). On peut donc se demander s'ils ne préféreront pas choisir une fois qu'ils seront dans l'emploi de remettre en cause un système de répartition et de mutualisation des risques, fondé sur la solidarité inter-générationelle.

Le plan Priorité Jeunesse du gouvernement a permis d'apporter un certain nombre de réponses d'urgence mais il est nécessaire d'aller plus loin pour permettre une prise de conscience collective de la situation de la jeunesse aujourd'hui en France et sécuriser le parcours d'insertion des jeunes via la protection.

Un système d'aides aux jeunes hybride entre aides directes et familialisation

Le système d'aide à l'acquisition progressive de l'autonomie est basé en France est hybride mélangeant aides via la solidarité familiale et des aides directes. Ces dernières sont constituées notamment des aides au logement (APL) seul droit véritablement ouvert aux jeunes à partir de 18 ans. D'autres aides existent mais ce sont davantage des dispositifs ciblés en fonction de l'âge, du lieu de résidence ou d'un statut comme les bourses de l'enseignement supérieur que de véritables droits. En effet, les jeunes sont considérés avant tout comme ayants droits de leurs parents, jusqu''à 25 ans parfois 28 ans selon certains régimes spéciaux en matière de santé, 21 ans avec le versement des allocations familiales et 25 ans avec le quotient familial. C'est donc à la famille d'assurer majoritairement la prise en charge de l'autonomie de ses enfants mais celles-ci, comme l'ont montré de nombreux rapports, a de plus en plus de mal à jouer ce rôle au regard des sollicitations qui viennent des ainés ( prise en charge de la dépendance) et par la recomposition du modèle familial.

Le compte personnel d'activité peut permettre la mutation de notre système de protection sociale vers une meilleure protection des 16-29 ans

En janvier dernier était mis en place le compte personnel de formation et quelques semaines après le Président de la République appelait à la mise en place d'un compte personnel d'activité qui devrait entrer en vigueur en janvier 2017 et permettre aux salariés de garder leurs droits même s'ils changent d'emploi ou de région.

Ouvert dès 16 ans, le compte personnel de formation pourra à l'avenir comptabiliser les droits liés à la formation continue mais aussi à la formation initiale.
Une première étape a été franchie avec la loi pour la refondation de l’école du 8 juillet 2013, transposée dans l’article L. 122-2 du code de l’éducation, qui créé un droit de créance ciblé vers les jeunes de 16 à 24 ans sortant de formation initiale sans qualification : « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante qu’il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. Cette durée complémentaire de formation qualifiante peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut  scolaire ». Le ministère de l'Education nationale a mis en ligne, il y a deux mois, le site http://reviensteformer.gouv.fr/ qui connaît d'importants succès.

Le CESE recommande de garantir à chaque jeune  dès 16 ans ( pour les décrocheurs) ou dès l'obtention du baccalauréat l’accès à une formation tout au long de la vie par la mise en place d’un droit à la qualification et à la formation intégrant le versement d’une dotation formation qui constitue la contrepartie de l’engagement que prend chaque jeune dans le cadre d’un accompagnement contractualisé. Plusieurs travaux ont déjà été réalisés sur ce sujet : rapport de la Commission Charvet (2000), rapport sur l’autonomie des jeunes (2002), Livre Vert de la jeunesse ( 2007) Terra Nova (2010).

Ce nouveau droit garantirait une plus grande continuité dans la couverture sociale et permettrait de sécuriser les parcours de formation et d’insertion des jeunes et d’éviter les ruptures (fin des études, fin de contrat précaire et de l’allocation chômage…)

Ce droit serait utilisable dans le cadre de la formation initiale ou pourrait être mobilisé ultérieurement (augmenté des droits supplémentaires constitués au travers de l’exercice d’une activité professionnelle) pour suivre une formation, reprendre des études, ou acquérir des compétences par d’autres voies.

Le premier objectif visé est de réduire les inégalités entre les jeunes en ouvrant plus largement à chaque jeune, le choix d’un parcours de formation. Beaucoup trop de jeunes renoncent à s’engager dans certaines filières pour des raisons financières.

Le deuxième objectif est de rendre effectif ce que l’on appelle la seconde chance. Les jeunes qui quittent précocement le système scolaire sauront que tout n’est pas joué et qu’ils pourront par la suite mobiliser un droit pour reprendre une formation.

Le troisième objectif est de faciliter des parcours de qualification alternant formation, activités, emploi en sécurisant ces parcours. Il permettrait aussi d'inclure l'année de césure annoncée, il y a deux mois par le gouvernement, qui permet à un jeune d'arrêter ses études pour s'engager dans un service civique ou dans l'emploi.

Au plan collectif, l’ambition est bien de franchir une nouvelle étape dans le relèvement du niveau de qualification des nouvelles générations, notre écart en la matière avec les pays nordiques et d'autres pays européens est encore considérable. Il ne faut pas oublier que l’objectif immédiat de la formation est de conduire à une qualification et à l’acquisition de compétences indispensables à une insertion professionnelle réussie.

Un compte formation doté d'un capital formation        

 Le compte formation intégrerait un capital formation qui pourrait être doté en fonction de la situation du jeune et de ses conditions matérielles d'une dotation. Cette dotation serait financée par la fusion des aides existantes : bourses, aides aux logements, différents dispositifs de formation existant dans les régions notamment par le biais de l'apprentissage, … et par la simplification du mille feuille de dispositifs qui permettrait de faire des économies de gestion. L'ensemble de ces outils est estimé à environ 8 milliards d'euros.

En intégrant la formation initiale dans le compte formation cela permettrait de pallier l’un des principaux défauts du système français de formation continue : si les formations courtes d’adaptation au poste de travail sont aujourd’hui très répandues (40% des salariés suivent au moins une formation au cours d’une année), les formations longues et notamment les formations initiales différées, qui sont les seules à permettre une réelle promotion sociale et une augmentation du niveau de qualification de la population, sont bien plus rares (40 000 entrées annuelles en CIF, qui est le dispositif finançant les formations longues des salariés)

Ainsi les personnes qui auront choisi aucune formation ou une formation courte au début de leur carrière pourront utiliser ce capital tout au long de la vie.

Enfin, par la mise en place d'un tel dispositif, on permet de faire adhérer dès la sortie du système scolaire les jeunes qui entrent dans un parcours d'acquisition d'autonomie au système de solidarité intergénérationnelle car ils en bénéficieront tous directement.

Quelques éléments de chiffrages ( à actualiser) :

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dulin.png, par mmadeira

 

Auteurs

Antoine Dulin, membre du CESE
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