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Publié le
Jeudi 15 Octobre 2015
Au cours des travaux menés sur le compte personnel d’activité, France Stratégie a sollicité ou reçu des contributions écrites d’experts d’horizons divers (partenaires sociaux, personnalités qualifiées, think tanks) visant à nourrir le débat.
Compte personnel d'activité

INTRODUCTION

1. La création d’un compte personnel d’activité (plus loin, CPA) est une des innovations les plus remarquées[1] de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen[2]. Plus exactement, c’est une telle création que la loi prévoit pour au plus tard le 1er janvier 2017 sans en donner pour l’heure les contours et le contenu précis et en appelant à la concertation et si possible à la négociation. On se trouve en face d’un dispositif qui est pour l’instant surtout de nature processuelle et dont du reste et fort significativement le libellé n’a été en rien modifié par les travaux parlementaires.

En effet, l’article Article 21 du projet de loi initial relatif au dialogue social et à l’emploi, présenté au nom de Monsieur Valls, Premier Ministre, par Monsieur Rebsamen, Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 22 avril 2015 (procédure accélérée), était ainsi rédigé :

Article 21

Afin que chaque personne dispose au 1er janvier 2017 d’un compte personnel d’activité qui rassemble, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, indépendamment de son statut, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel, une concertation est engagée avant le 1er décembre 2015 avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation sur la mise en œuvre du compte personnel d’activité.

Avant le 1er juillet 2016, le Gouvernement présente un rapport au Parlement sur les modalités possibles de cette mise en œuvre.

Au cours des travaux parlementaires, cette disposition fut effacée par le Sénat[3] puis réintroduite par l’Assemblée Nationale et en définitive votée dans le cadre de la loi du 17 août 2015. Elle y figure désormais à l’article 38 :

Article 38

Afin que chaque personne dispose au 1er janvier 2017 d’un compte personnel d’activité qui rassemble, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, indépendamment de son statut, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel, une concertation est engagée avant le 1er décembre 2015 avec les organisations professionnelles d’employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation sur la mise en œuvre du compte personnel d’activité.

Avant le 1er juillet 2016, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les modalités possibles de cette mise en œuvre.

Comme on peut le remarquer, le texte en définitive voté est tout à fait identique au texte initial dont il ne diffère que par la numérotation de l’article.

2. On remarque aussitôt l’importance du souci ou de l’objectif de sécurisation des parcours professionnels dans la mise en œuvre du compte personnel d’activité. Cet objectif ne constitue aucunement en lui-même la garantie d’un emploi pérenne, il prend plutôt acte de l’importance et de l’inéluctabilité des mobilités, subies ou choisies, dont il convient de réduire les dangers et les charges et d’augmenter les avantages, sur le terrain notamment de l’adaptation aux évolutions de l’emploi ou de l’accès à un nouvel emploi.

3. On remarque aussi que, pour l’heure, c’est un processus qui est mis en place.

Ce processus est lui-même assez complexe. Il se fixe une échéance de réalisation au 1er janvier 2017. D’ici là et pour l’immédiat, une concertation avec les partenaires sociaux doit être engagée d’ici le 1er décembre 2015 étant entendu que ceux-ci pourront, s’ils le souhaitent, engager une négociation sur la mise en œuvre de ce dispositif. Le Gouvernement, de son côté, présentera avant le 1er juillet 2016 un rapport sur les modalités de mise en oeuvre envisageables du dispositif. Enfin un projet de loi devrait être déposé au Parlement dans le courant de l’année 2016[4].

Autant dire que l’élaboration concrète du CPA et, avec elle, la détermination précise de ses objectifs restent à venir. Cette élaboration suppose que les éléments de construction du nouveau dispositif soient clairement cernés et qu’il en soit de même de son architecture. Autant d’exigences qui sont particulièrement impérieuses sur le terrain, qui nous intéressera surtout ici, de la protection sociale et de ce que l’on peut appeler les droits sociaux personnels.

[...]

 


[1] Ainsi le secrétaire général de la CFDT, Monsieur Laurent Berger, a-t-il qualifié le CPA de « formidable opportunité »tout en appelant le Gouvernement, il est vrai, à « ne pas confondre vitesse et précipitation » dans sa mise en place – Entretien à l’Opinion.fr du 17 septembre 2015, rapporté in Liaisons Sociales Quotidien du 21 septembre 2015, p. 4.

[2] La promulgation de la loi a été précédée d’une décision du Conseil constitutionnel du 13 août 2015 (n°2015-720 DC). A noter que la création du CPA est souvent présentée comme une des « mesures phares » de la loi.

[3] L’opposition parlementaire a reproché à ce dispositif d’introduire un élément de complexité supplémentaire dans la gestion des entreprises et de l’emploi et de n’avoir pas fait l’objet d’une concertation préalable suffisante avec les partenaires sociaux.

[4] Il semble que la cadence doive être tenue puisqu’un projet de loi commun à la réforme du droit du travail et au compte personnel d’activité devrait être présenté en Conseil des Ministres en fin d’année 2015 pour une adoption par le Parlement avant l’été 2016. C’est du moins ce que le Premier ministre a annoncé le 9 septembre 2015, lors de la remise du rapport Combrexelle. Quant au président de la République, il a indiqué lors de sa conférence de presse du 7 septembre 2015 que le compte personnel d’activité serait au cœur de la conférence sociale des 19 et 20 octobre 2015.


Jean-Pierre Laborde est professeur émérite de l’Université de Bordeaux, membre du Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale (Comptrasec, UMR CNRS-Université n° 5114) et président honoraire de l’Université Montesquieu-Bordeaux IV.

 

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