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Actualités
Publié le
Mercredi 14 Octobre 2015
Au cours des travaux menés sur le compte personnel d’activité, France Stratégie a sollicité ou reçu des contributions écrites d’experts d’horizons divers (partenaires sociaux, personnalités qualifiées, think tanks) visant à nourrir le débat.
Compte personnel d'activité

Pour un droit à la carrière attaché à la personne

« Le développement des mobilités professionnelles représente l’une des mutations profondes que connait le marché du travail depuis trente ans. Ces évolutions ont conduit à des réflexions sur les moyens d’assurer aux individus la sécurisation de leurs transitions entre deux emplois, notamment à travers la continuité de leurs droits sociaux (compte personnel de formation, compte pénibilité, droits rechargeables à l’assurance-chômage, parmi d’autres). Il s’agit non seulement d’éviter les ruptures de droits et de protection, mais aussi de sécuriser les actifs et de leur permettre d’être davantage acteurs de leurs parcours professionnels ». La lettre de mission adressée à France Stratégie par le Premier Ministre invite donc à imaginer un Compte personnel d’activité (CPA) comme outil de sécurisation des parcours professionnels. S’il convient de définir cette notion qui se voit attribuer des significations diverses selon les acteurs qui la mobilisent, notons d’emblée que le point nodal qui doit mobiliser le débat porte sur la nature de l’attachement des droits à la personne que la sécurisation des parcours opère. Nous montrerons que l’attribution de droits à la personne du salarié s’incarne mal dans l’idée de sécurisation des parcours, qui affirme le marché du travail (partie 1), alors qu’elle trouve un modèle alternatif dans l’expérience de la Sécurité sociale, qui affirme le droit au salaire (partie 2). C’est sur la base de cette expérience réussie d’attribution de droits à la personne que nous esquisserons un droit à la carrière (partie 3).

1. La sécurisation des parcours professionnels par le CPA : des droits salariaux au service du marché du travail plus que des travailleurs

La sécurisation des parcours professionnels est – peut-on dire – la modalité française de mise en oeuvre de la flexicurité promue depuis une quinzaine d’années par la Commission européenne dont la puissance normative a été décisive en la matière. L’argumentaire est assez simple : nous sommes dans des économies mondialisées, ouvertes, dans lesquelles entreprises et travailleurs doivent s’adapter rapidement, et les conditions d’encadrement du marché du travail inadaptées à ce contexte produiraient des freins à la création d’emplois et de la segmentation entre insiders et outsiders. Dans ce contexte mouvant, « les individus ont de plus en plus besoin d'une sécurité dans l'emploi et non d'une sécurité de l'emploi, car ils sont de moins en moins nombreux à avoir le même emploi à vie » (Commission européenne, 2007). C’est la potentialité d’avoir un emploi qu’il faut protéger plutôt que l’emploi lui-même pour permettre à la fois l’adaptation nécessaire des emplois et des compétences et éviter le phénomène d’outsiders qui paieraient le prix de la sécurité des insiders. La flexicurité consiste donc à rendre possible la suppression des rigidités sur le marché du travail et dans l’organisation du travail en assurant une sécurité aux travailleurs en cas de perte d’emploi et en mettant en place une politique d’activation des personnes éloignées de l’emploi (chômeurs, bénéficiaires d’aides sociales, etc.), de formation tout au long de la vie ainsi qu’une protection sociale incitant à la (re-)prise d’emploi et à la mobilité. La flexibilité est l’objectif et la sécurité n’est qu’un moyen, il n’y a pas équivalence des termes. C’est dans ce contexte idéologique et normatif européen que les Etats membres vont produire des politiques différentes.

En France, le modèle de « flexicurité » s’est traduit dans les termes de la sécurisation des parcours professionnels avec comme spécificité la construction du volet « sécurité » par l’attachement de droits à la personne et non au poste de travail, pour que chacun puisse plus librement changer d’emploi, se reconvertir, ou progresser dans sa carrière quelles que soient les mobilités subies et choisies au cours de la carrière.
La logique de sécurisation des parcours d’actifs « mobiles » est par exemple au coeur de l’ANI de sécurisation de l’emploi de janvier 2013 (et de la loi qui le transpose), qui s’est ensuite déclinée dans différents ANI plus spécifiques relatifs à la formation professionnelle ou à l’indemnisation du chômage. L’idée est que chacun dispose comme droit personnel d’un capital qu’il porte avec lui et qui est l’occasion de reconstituer en permanence son employabilité et de permettre les transitions.

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Auteurs

Aurélien CASTA, Maël DIF-PRADALIER, Bernard FRIOT, Jean-Pascal HIGELE et Claire VIVES
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