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Publié le
Mardi 22 Mai 2018
Mardi 22 Mai 2018
09h30 à 12h30
Depuis quelques années, l’essor du numérique révolutionne la façon de penser la ville, et plus largement les territoires. La smart city et les territoires intelligents portent la promesse d’un urbanisme plus économique, plus durable et plus sûr. Les outils qu’offre le numérique, notamment dans le domaine des transports ou de l’e-administration, permettent aussi de faciliter la vie quotidienne des usagers.

Sous le haut patronage de Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État au Numérique

Pour les collectivités locales, développer un projet de smart territoire, de smart city ou de smart quartier permet de renforcer l’implication des citoyens mais engage de nouvelles responsabilités (sur la gestion des données notamment) et nécessite de nouvelles compétences.

Compte rendu

Et si la ville intelligente était d’abord un projet politique. Une question de création de valeur collective objectivable, une histoire de citoyens, d’usagers et d’écosystème de territoires … avant d’être un projet numérique.

Le podcast du débat

Projet utile ou « gadget pour élus geek » ? L’heure de l’examen a sonné pour la smart city à la française. Car si le concept est en vogue, sa déclinaison opérationnelle en est encore au stade de l’expérimentation sur des petits projets : « le stade de développement idéal », selon Bérengère Mesqui, directrice du département Développement durable et numérique à France Stratégie, « pour se poser les bonnes questions avant d’envisager une extension à grande échelle ». De là, ce colloque organisé avec la Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (FIRIP) qui a réuni près de 150 personnes autour d’une double « bonne » question : comment évaluer l’utilité d’un projet smart et, le cas échéant, comment le mettre en œuvre, sachant qu’il ne suffit pas de connecter un territoire pour le rendre intelligent.

Être ou ne pas être… smart

Gestion optimisée de l’énergie, de l’eau et des déchets, mobilité durable, services numériques et démocratie participative, la ville intelligente porte en elle la promesse d’un urbanisme plus durable, plus économique et plus sûr, grâce au numérique. Mais à quel coût et pour quel bénéfice collectif ? La question n’a rien d’abstrait. Bien au contraire. Si les concrétisations de projets smart sont aujourd’hui limitées à un petit nombre de territoires, c’est bien parce que leur utilité ne relève pas de l’évidence, constate Julie de Brux, fondatrice du cabinet Citizing, coauteur de « Smart city : gadget ou création de valeur collective ? ». Dans un contexte de contrainte budgétaire forte qui oblige à prioriser les dépenses, le décideur public a besoin d’un outil d’aide à la décision: il misera en priorité sur un projet smart si la valeur collective générée par le projet dépasse son coût pour la collectivité. Un calcul qui suppose de tout quantifier : les coûts et les bénéfices financiers mais aussi les impacts sociaux et environnementaux du projet, quitte à traduire des valeurs subjectives comme le temps ou le carbone (la pollution) en unité monétaire. Un casse-tête apparent qui relève en réalité d’une démarche codifiée : l’évaluation socioéconomique. Méthode éprouvée dans le champ des investissements publics lourds comme le transport, elle est en revanche inédite dans son application aux villes intelligentes. « C’est la première fois que des projets smart city réussissent à démontrer quantitativement qu’ils créent de la valeur collective… en matière d’inclusion, d’accessibilité, de santé publique et d’atténuation du changement climatique », souligne Julie de Brux. L’experte en veut pour preuve les cinq études de cas réalisées en association avec le cabinet OpenCitiz Consulting. Exemple à Strasbourg avec la mise en place d’un observatoire du stationnement. Un chiffre en préambule : selon le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu), 10 % des véhicules en circulation dans les villes françaises cherchent simplement à se garer ! On conçoit donc bien qu’une politique de stationnement guidée par une meilleure connaissance des usages est susceptible de réduire d’autant les émissions de CO2. Reste à le vérifier. C’est ce qu’ont fait les équipes de Citizing. Réduction du temps pour trouver une place de stationnement, diminution des émissions de CO2, du bruit, des accidents… en tout « la valeur collective créée par euro public investi dans le cas de Strasbourg est proche de 1,3. En comparaison, elle dépasse rarement 1 pour les projets d’infrastructures routières nouvelles en France », précise Julie de Brux.

Mais attention l’évaluation ne valide pas toujours les projets ! Loin de là. En témoigne le dispositif de Visio-guichets mis en place dans le département des Hautes Alpes. Prévu pour rapprocher les usagers de leurs services publics et éviter des déplacements, son bilan socioéconomique s’avère mitigé du fait d’un faible nombre d’utilisateurs. Les citoyens, visiblement, préfèrent le contact en direct. Une erreur d’appréciation que Luc Belot impute à une forme d’injonction au numérique qui ferait fi de la réalité des usages. Pour cet ancien député du Maine-et-Loire, auteur du rapport au Premier ministre « De la smart city au territoire d’intelligence(s) », la smart city ne saurait être l’horizon unique de l’intelligence collective. Le numérique n’est pas un projet, c’est un outil… qui connaît parfois des ratés. Ceux qui rêvaient d’une revitalisation de la démocratie via les civic-tech déchantent, constate par exemple l’ancien élu local : « Un questionnaire en vis-à-vis aux arrêts de bus donne des résultats bien plus probants en termes de participation citoyenne qu’une consultation en ligne… ce sont les personnes qui seraient de toute façon venues aux réunions publiques qui se connectent ». Scénario identique avec l’e-administration. Pensée comme un vecteur de simplification, la dématérialisation des services publics se heurte dans les faits à la fracture numérique : 12 % des Français n’ont jamais utilisé Internet et une personne sur quatre parmi les publics précaires rencontre des difficultés pour accomplir des démarches administratives courantes en ligne selon une étude du Défenseur des droits. Un territoire qui ne se convertit pas à la smart city n’est pas « un stupid village », conclut Luc Belot, mais une collectivité qui part du principe que « c’est la réalité humaine qui doit guider la réflexion numérique » et non l’inverse.

Connecter intelligence et numérique

Est-ce à dire qu’il faut abandonner l’idée du smart comme voie de progrès ? Non. Plutôt l’adapter. « Aujourd’hui nos territoires sont largement informatiques et fonctionnent en silos … ce que le numérique peut leur apporter c’est la transversalité », affirme Luc Belot. Avec à la clé une vraie réforme du modèle de délégation de services publics. « Les décideurs doivent sortir de la logique de la maîtrise d’ouvrage, passer d’une logique d’offre à l’usager (de parkings, de crèches, de piscines) à une logique de demande du citoyen », qu’il s’agisse d’un besoin exprimé ou observé. Et le défi est de mettre le numérique au service de ce changement de gouvernance.

Même son de cloche du côté du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). « Il faut faire du numérique un projet politique, pas technique », affirme Hugo Bevort, directeur des stratégies territoriales au CGET. Il s’agit de réaffirmer l’intérêt général là où « les missions de service public ne sont pas remplies par les standards de fait des opérateurs privés ». Exit, donc, les solutions intégrées et la smart city clés en main. C’est aux territoires de définir les besoins auxquels le numérique peut répondre utilement. Hugo Bevort en est convaincu : le maître-mot c’est l’adaptation des solutions numériques aux spécificités des territoires. Une nécessité qui s’impose avec encore plus de force aux petites villes et aux territoires péri-urbains et ruraux, qui n’ont souvent pas d’autre alternative que de se fédérer pour mettre en œuvre des projets smart, de « dépasser les frontières administratives » pour mutualiser les moyens, voire, pour les territoires ruraux, de greffer leurs projets à ceux des métropoles les plus dynamiques. En la matière, l’État a un « rôle d’ensemblier à jouer », avertit Hugo Bevort. Le lancement du Carrefour des innovations sociales en est une illustration. Lancé dans sa version bêta, le moteur de recherche qui a l’ambition de « recenser toutes les innovations sociales à l’échelle locale » renvoie déjà vers 4 858 projets via 15 sites partenaires dont l’Association des maires ruraux de France, la CG Scop, le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire ou encore Villes internet.

L’État a aussi à investir dans l’infrastructure numérique des territoires où les opérateurs privés n’iront pas, car « les réseaux ne tiennent pas leur promesse d’abolir la distance ; depuis trente ans s’opère une mécanique paradoxale : plus il y a de réseaux, plus il y a de polarisation », déplore Hugo Bévort. Autre type d’intervention de la puissance publique nécessaire, pointé par Bérengère Mesqui : la protection des données et la cybersécurité. Il s’agit en l’espèce de « ne pas laisser les clés de la ville à un opérateur privé, typiquement un GAFAM [acronyme des géants du web : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft] », prévient Bérengère Mesqui, « les collectivités locales doivent avoir le contrôle des données, ce qui suppose une montée en compétences tant sur les enjeux de traitement des données que sur ceux des cyber-risques ». L’occasion pour Myriam Quéméner, avocat général auprès de la Cour d’appel de Paris et spécialiste des questions de cybersécurité, de rappeler que les premières des mesures techniques que les entités publiques doivent prendre relèvent de « l’hygiène informatique » : l’équivalent dans le monde numérique des règles élémentaires de sécurité sanitaire, notamment promues par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Retours d’expériences

Pragmatisme. C’est le mot qui revient le plus souvent dans la bouche des intervenants de la table ronde consacrée à la mise en œuvre des projets smart sur tous les territoires. Un pragmatisme élevé au premier rang des « clés du succès » listées dans le guide « Construire son smart territoire » que Julien Delmouly, délégué général adjoint de la FIRIP, est venu présenter aux élus, directeurs généraux des services et acteurs de terrain désireux de « lancer opérationnellement une démarche smart ».

Être pragmatique « c’est envisager la problématique par rapport à l’ambition du territoire », fixer un cap et des étapes concrètes, et surtout « la partager avec l’écosystème [des territoires] », insiste Lionel Anselmo, président de la commission smart city de la FIRIP. Ce serait un non-sens pour des collectivités de petite taille de fonctionner en vase clos, chacun « réinventant la roue à chaque fois » ! Une manière « d’agir local, penser global ». La Communauté de communes Pays Haut Val d’Alzette est en l’espèce « un territoire test », selon les mots de son directeur général des services, Julien Vian. Son projet de plateforme smart city, actuellement au stade de la consultation, se place à l’échelle de la communauté de communes, vise l’interopérabilité – « une question de bon sens » – et le développement d’une gouvernance publique avec l’open data. Objectif : disposer « d’une plateforme neutre avec la maîtrise des données ». Même retour d’expérience du côté de Dijon. Une année de réflexion, deux ans de consultation et 105 millions d’euros d’investissement ont permis de créer avec succès une structure unique en France, explique Xavier Matharan, associé fondateur de Parme Avocats : un poste de pilotage centralisé de l’ensemble des équipements urbains connectés (lampadaires, feux de signalisation, vidéo-protection, etc.) que Xavier Matharan qualifie de « service public de la donnée ». Être pragmatique, c’est aussi, de l’avis de tous les intervenants témoignant de leur expérience, refuser la solution toute faite au profit de la réflexion d’abord, de la co-construction ensuite avec les citoyens, les usagers et les acteurs de terrain, à commencer par les agents publics.

Il est temps, semble-t-il, de repenser l’intelligence collective des territoires avec « une approche en sobriété numérique », pour reprendre les termes de Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie. De penser usages, intérêt général et projet politique… avant de penser projet numérique.

Céline Mareuge, journaliste web


Intervenants :

  • Lionel Anselmo, président de la commission smart city de la FIRIP
  • Xavier Matharan, associé et fondateur, Parme Avocats
  • Stéphane Lelux, président et fondateur, Tactis
  • Sophie Houzet, directrice générale du SICTIAM
  • Julien Vian, directeur général des services de la Communauté de communes Pays Haut Val d’Alzette

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