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Publié le
Lundi 18 Novembre 2013
Les débats nationaux organisés par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective pour dessiner « La France dans dix ans » se sont conclus avec une dernière séance consacrée au modèle social. Les universitaires, les élus, les représentants d’association et les partenaires sociaux présents ont pointé les risques pesant sur son avenir, qui fragilisent la cohésion sociale. Le financement est compliqué par l’émergence de nouveaux besoins. Les Français doivent redéfinir collectivement ce qu’est pour eux la solidarité.
Quel modèle social ?

La « crise de l’État providence » ne fait pas de doute et les participants ont égrené les multiples problèmes qui minent aujourd’hui le modèle social français : défaut d’efficacité, difficultés de financement qui mettent en péril son avenir, objectifs mal définis.

Sa complexité, avec une profusion de régimes et de règles, le rend illisible aux yeux de bien des citoyens. Cette absence de clarté peut alimenter une impression « de cotiser beaucoup et de recevoir peu », ainsi qu’un sentiment de défiance des citoyens les uns envers les autres; il participe sans doute à un certain déclin de la solidarité des Français et à un manque de confiance vis-à-vis des institutions sociales.

Toutefois des participants tempèrent cette vision pessimiste, relevant des « trésors de solidarité » dans le mouvement associatif ou au sein du cercle des proches. Ils soulignent que des réformes ont été engagées qui vont dans le sens d’une meilleure efficacité du système: lois sur les retraites, stratégie nationale de santé, plan lutte contre la pauvreté, etc.

La légitimité du modèle social français repose sur l’accès à des droits sociaux notamment grâce au travail. Les Français y demeurent attachés, ainsi qu’à un haut niveau de protection sociale. Toutefois, les difficultés soulevées par un montant élevé de dépenses sociales n’ont pas manqué d’être mises en avant. « Cela pèse sur la création d’emplois qui s’effondre en France et la compétitivité des entreprises ». Le système, jugé trop peu « pro emploi » est fragilisé par le « chômage de masse structurel » que nous connaissons depuis 30 ans. En même temps, certains intervenants ont invoqué qu’une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital donnerait des ressources supplémentaires à l'État.

Alors que les dépenses sociales en France sont les plus élevées d’Europe, les bénéfices ne semblent plus à la hauteur des sommes en jeu. La proportion importante des jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification, les difficultés d'insertion sur le marché du travail, les faibles compétences des adultes en écriture et calcul (selon des comparaisons internationales) le montrent.

Pour quelques-uns, le modèle social joue toujours un rôle dans la réduction des inégalités, même si une part de la société française en souffre davantage, « les jeunes, les familles monoparentales, les femmes âgées seules ». L'accès de plus en plus difficile aux services publics, notamment de santé, dans les zones rurales « mais aussi dans certains quartiers défavorisés », tend à renforcer ces inégalités. De même, la décentralisation des politiques sociales peut accentuer les disparités entre les territoires : le montant de l'allocation adulte handicapé varie ainsi sensiblement d'un département à l'autre. Certains regrettent que le système « surprotège quelques catégories de population ». D'autres soulignent que, par crainte d'être « enfermés dans un statut figé » ou d’être stigmatisés, les bénéficiaires de prestations sociales n'en font pas toujours la demande.

« La pauvreté va devenir un problème crucial. » Alors que des risques sociaux nouveaux émergent – la dépendance des personnes âgées, l'éclatement des familles, la solitude – et que les « mutations du monde du travail rebattent les cartes de la protection sociale », il n'est pas aisé de trouver un consensus sur la façon de redonner un second souffle au modèle social français. Faut-il que son financement reste centré sur les travailleurs ? Ou faut-il mettre en œuvre une politique sociale plus universelle ?

Plusieurs pistes sont évoquées. La prévention, particulièrement dans le domaine de la santé ou de l’éducation, serait un atout dans la réduction des inégalités, à condition qu’elle bénéficie à tous les individus. « La réussite de l'investissement social repose sur l'universalité ; c'est faire une politique pour tous et pas seulement des crèches pour les classes moyennes. » Pour d'autres, l'évolution du modèle social est intimement liée à celle de l'économie française, laquelle elle doit produire des emplois de meilleure qualité. Les entreprises devraient aussi changer et tourner le dos à un fonctionnement très hiérarchique qui entretient un sentiment d'inégalité et ne favorise pas la coopération et le dialogue social.

D'aucuns prônent la « limitation de la gratuité » et insistent sur la notion de contreparties. Certains ne se disent pas contre une forme de responsabilisation des citoyens, afin qu'ils ne soient pas des « consommateurs du système », mais à condition que celle-ci ne stigmatise pas les individus et qu'elle aille de pair avec la solidarité. C'est justement sur le niveau de cette solidarité que les Français doivent se mettre d'accord. « Que les dépenses sociales soient importantes n'est pas un problème en soi si les arbitrages résultent d'un choix démocratique. »

Les participants soulignent d’ailleurs l’importance de bien définir en amont les objectifs assignés au modèle, avant de décider quelles politiques mettre en œuvre pour les atteindre.

Enfin, la piste de la création d’une « allocation inconditionnelle » versée à tous les citoyens est discutée ; elle permettrait un va-et-vient plus fluide entre les différents temps de la vie (emploi, formation, etc.) et, financée par une taxe élargie, réduirait le coût du travail.

 

 

 

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