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Publié le
Jeudi 21 Novembre 2013
C'est à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, le département le  plus jeune de France métropolitaine, que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a fait étape pour échanger avec les acteurs locaux sur l'avenir du modèle républicain dans le cadre du projet "Quelle France dans dix ans ?".  Là où la désertification médicale, le manque de moyens dans les établissements scolaires et le nombre élevé de chômeurs suivis par Pôle Emploi sont autant d'indicateurs de disparités. Un premier débat a porté sur le thème « Comment garantir un égal accès aux droits ? » ; le second s'est penché sur « La démocratie locale et la citoyenneté ».
Retour sur le débat régional à Bobigny

Quelques chiffres suffisent à illustrer les inégalités territoriales et sociales. Entre les parisiens qui habitent à côté de la station Luxembourg du RER B et les franciliens qui habitent autour de celle de La Courneuve-Aubervilliers, la différence d'espérance de vie est de... quatre ans. On compte plus de 200 médecins pour les premiers contre 52 pour les seconds. La tâche paraît immense pour combler le gouffre. Selon Xavier Vuillaume, médecin-directeur du centre de santé d’Aubervilliers, il faut se fixer des objectifs afin réduire les inégalités de santé et mettre la priorité sur les territoires qui en ont le plus besoin, à l’instar des Britanniques : « Ils ont, par exemple, installé des centres de tabacologie dans les endroits les plus défavorisés, avec de bons résultats dans l’arrêt du tabac chez les plus pauvres, qui sont moins réceptifs aux messages généraux de prévention. »

Mais la réduction des inégalités de santé passe d’abord par celle des disparités dans le parcours scolaire, l’accès à l’emploi, les salaires, etc. Quelques acteurs de terrain s'y emploient. C'est le cas au lycée Jacques Brel de La Courneuve, où l'on soutient les élèves pour leur donner l'ambition de faire des études qu'ils ne connaissent pas ou s'interdisent, comme intégrer une grande école. « Des ateliers sont animés avec des partenaires, Sciences-Po, l'Université Paris-Dauphine, etc. » précise Christine Thiebot, proviseure.

Alors que de grandes entreprises se sont installées à la Plaine Saint-Denis, des efforts immenses sont à faire pour les convaincre de ne pas avoir un « développement hors sol » et de trouver ici leur force de travail : « Les jeunes doivent avoir d'autres perspectives que de faire un stage à la supérette du coin. » défend Stéphane Troussel, président du Conseil général. Pourtant, la lutte contre les discriminations dont peuvent être victimes les jeunes diplômés, notamment de Seine-Saint-Denis, demande un travail de longue haleine avec les employeurs, selon Saïd Hammouche, fondateur du cabinet de recrutement Mozaïk RH : « Ils pensent minimiser les risques avec des processus d’embauche très standardisés, qui écartent les CV ne rentrant pas dans la norme. Notre action vise à les accompagner pour, en partant de leurs besoins, construire des solutions d’intérêt général. »

Le second débat consacré à la démocratie locale a posé quelques constats : des élites loin des préoccupations des quartiers, des politiques qui ne sont plus vues comme des instruments d’amélioration des conditions de vie. Faire participer davantage les habitants fait consensus. Mais comment ? Des élus ont pointé les limites des Conseils de quartier, où s’expriment avant tout « les élites locales » de terrain et non les classes les plus populaires, qui n’osent venir en réunion. Quelle représentativité des habitants auto-investis ?

Mohamed Mechmache, fondateur de l’association ACLEFEU, propose de leur substituer des « tables de quartier », avec des moyens financiers accordés aux participants pour élaborer des contre-projets : « Les conseils de quartiers ne sont que des chambres d’enregistrement ; il faut que les citoyens, qui ont une expertise d’usage, deviennent codécideurs et soient présents dans les comités de suivi des politiques de la ville. » Ceux-ci pourraient être tirés au sort. Et pour financer cette démocratie locale, pourquoi ne pas lui affecter 1% des subsides octroyés aux partis politiques et 10% de la réserve parlementaire ?

Les participants ont noté la nécessité de ne pas opposer élus et société civile, projets des institutions et expression des habitants. L’ambition est plutôt de trouver de nouveaux moyens de collaboration « entre les sachants et les non sachants ».  « Les politiques publiques s’enrichiront, même si les projets mettent plus de temps pour parvenir à leur terme. » estime Patrick Norynberg, directeur général adjoint chargé des questions de démocratie et de développement du territoire à Aulnay-sous-Bois.

Mais associer plus étroitement les habitants aux décisions locales ne suffira pas seul à faire remonter la participation électorale. Refonder la démocratie représentative –mode de scrutin, cumul des mandats, profil sociologique des élus- apparaît comme un autre enjeu de taille. Et si les citoyens n’ont pas accès à des services de santé, des transports de qualité, des commerces de proximité, leur défiance risque de perdurer…

 

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