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Publié le
Jeudi 28 Novembre 2013
Pour son exercice de réflexion « Quelle France dans dix ans ? », le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a fait escale sur le plateau de Saclay, au Sud de Paris. Le projet « Paris-Saclay » devrait concentrer dans ce lieu d’ici 2018 de grands centres de recherche, des universités et des écoles, des entreprises et des start-up, des pôles de compétitivités majeurs. Au cœur de cet espace industriel et technologique d’envergure européenne, le débat sur le modèle productif a posé quelques bases pour l’avenir, notamment sur le thème de l’innovation.
Retour sur le débat régional à Saclay

D’ici dix ans, la France devra s’être positionnée pour répondre à un quadruple défi : la rareté des ressources, la concurrence des pays émergents, la vélocité de l’évolution des technologies et le développement du numérique qui modifie profondément la diffusion des connaissances. Les entreprises possèdent une carte dans leur manche : l’innovation. Celle-ci nécessite des rapports plus imbriqués entre le monde académique, les industriels et les PME. « La rapidité du transfert des découvertes fondamentales vers l’univers socio-économique devient primordial, relève Pierre Gohar, directeur de la valorisation au sein de la Fondation de coopération scientifique Paris-Saclay. Les tous premiers résultats d’une recherche doivent être mieux orientés sur les besoins, ce qui implique que les industriels puissent réagir très en amont. »

Cet impératif de mettre au plus vite sur le marché des produits ou services nouveaux change le mode d’organisation de l’innovation : « Désormais, il est plus important de bouger que de posséder, souligne Jean-Luc Beylat, président du pôle de compétitivité System@tic. L’innovation ouverte, c’est-à-dire mettre plus de cerveaux ensemble, est la bonne réponse. D’autant plus que la R&D se fait maintenant à l’interface de plusieurs métiers. »

Même si les entreprises sont concurrentes, les voilà contraintes de partager des démarches scientifiques et des objectifs communs dans un esprit de « co-compétition ». « Créer des partenariats dans des filières – le photovoltaïque, l’hydrogène, etc. – suppose de rassembler des acteurs différents, groupes, PME, laboratoires, indique Régis Réau, directeur de la recherche d’Air Liquide. Dans ces filières, les grandes entreprises me semblent avoir un rôle de leader à jouer pour inscrire la recherche dans le temps et permettre aux PME intégrées au projet de franchir des caps. » Ce travail collaboratif, qui sort des relations habituelles donneur d’ordre/sous-traitant, est encore loin d’être acquis.

Dans ce contexte, les territoires peuvent-ils être des accélérateurs de croissance ? Les participants au débat s’en disent convaincus. « La confiance et le partage des connaissances non génériques ne sont possibles que dans la proximité d’une communauté humaine. » estime Pierre Veltz, PDG de l’établissement Paris-Saclay. « L’innovation ouverte, par son besoin d’équipements mis en commun, s’inscrit dans un territoire qui doit être ni trop grand, ni trop petit, poursuit Jean-Philippe Hanff, délégué général au développement économique du Grand Lyon. Elle réclame un pilotage par les pouvoirs publics locaux.»

La bonne taille paraît être la métropole. Les agglomérations qui concentrent l’économie avancée et la main-d’œuvre qualifiée n’ont pas vraiment souffert de la crise actuelle. Mais au-delà de cette frontière, il y a une autre France qui a le sentiment d’être perdante : « Les Trente Glorieuses avaient permis un recyclage du capital humain de l’agriculture vers l’industrie, à sociologie et géographie constantes. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. » reconnaît Pierre Veltz.

Une autre question se pose aux territoires et aux grands pôles de compétitivité. Faut-il se spécialiser dans un domaine particulier ?  La France a tout intérêt à mettre en avant ses points d’excellence, comme les mathématiques et la physique, afin qu’ils soient visibles au niveau mondial. À l’échelon local, les problématiques diffèrent : « On se spécialise sur des thématiques trop larges –la santé, l’éco-construction, les véhicules décarbonés… en résumé, tous les sujets où l’on pense que la croissance sera au rendez-vous, analyse Philippe Bassot, associé de CMI, un cabinet de conseil en innovation. Il est alors difficile d’agréger des acteurs très disparates dans une coopération efficace. »

La notion de spécialisation intelligente, qui vise à inciter les régions à adopter des modèles de développement économique adaptés à leurs atouts, via les Fonds structurels européens, peut être une piste à creuser. Cela requiert de sortir du « prêt-à-penser », selon Frédéric Pinna, directeur de l’Agence pour l’innovation et le transfert de technologie de la région Centre. La multiplicité des structures de soutien à l’innovation et le lobbying, où chaque acteur tente d’imposer « sa liste de courses » constituent des obstacles.

Faut-il, à l’instar du Nord-Pas de Calais, créer un « observatoire des marchés du futur » pour orienter la spécialisation ? Ou considérer qu’on ne sait pas anticiper et se reposer sur les besoins fondamentaux de demain – se soigner, se déplacer, se distraire – pour adresser des marchés industriels de masse, créateurs d’emplois sur le territoire ?

 

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