2008 : la ville de Rotterdam met en place un péage positif. Le dispositif était alors financé par la collectivité ; aujourd’hui, il est financé par des acteurs privés récupérant en contrepartie les données des usagers. Première leçon pour les acteurs locaux : le contrôle des données privées est essentiel. En effet, la vérification des services connexes suppose la maîtrise sinon la copropriété de ces données récoltées à l’échelle de la ville. Cet enjeu est plus récent : il est lié à l’arrivée des entreprises issues du monde du numérique, les pure players (Google, Waze, Uber, Citymapper), aux caractéristiques et logiques propres : les services proposés sont gratuits ou peu chers pour l’usager. La rémunération de ces entreprises se fait par la revente de données collectées et/ou le push de publicités ciblées, sans passer par les collectivités, disruptant ainsi la relation des villes à leurs administrés. Le tableau ci-dessous compare ces nouveaux acteurs et les acteurs traditionnels de la Smart City.
2009 : alors qu’elle avait confié au Chicago Parking Meters la gestion de 36 000 parcmètres, la ville de Chicago est attaquée en justice pour avoir sous-évalué le montant que rapportent ses parcmètres. La concession de 1,2 milliards de dollars était de 974 millions de dollars inférieure à la valeur réelle. Seconde leçon : l’estimation du coût initial d’un projet de Smart City doit être rigoureuse. En effet, cette rigueur conditionne les financements eux-mêmes et elle est impérative pour la bonne utilisation des deniers publics dans un contexte de finances publiques locales limitées. Cette estimation est néanmoins rendue difficile par les incertitudes réglementaires, celles des cycles d’innovations technologiques, et l’instabilité des politiques publiques tant à l’échelle locale qu’aux échelles nationale ou européenne.
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La Smart City « traditionnelle » ou « de première génération »
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La Smart City « relationnelle » ou « de deuxième génération »
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Exemples d’acteurs de la Smart City
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- Dans le domaine de l’infrastructure urbaine (Veolia, Vinci, Engie, Keolis, Transdev),
- Dans celui des technologies et de l’informatique (IBM, Microsoft, Orange)
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Les acteurs développant des applications d’information voyageur (Waze, Google Maps, Uber, Citymapper), ceux de la « Civic Tech »
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Domaines de compétences
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Opérateurs urbains historiques, dans le domaine de l’infrastructure urbaine et dans celui des technologies et de l’informatique
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Entreprises du monde du numérique (Pure players)
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Vision proposée
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Vision « optimisation » des process et des flux
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Vision « relationnelle » de la ville : les services numériques sont adressés directement aux usagers finaux
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Modèles d’affaires
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Business to government : intervention directe auprès des collectivités à travers les marchés publics
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Business to customer : disruption de la relation des collectivités à leurs administrés, sans passer par une logique d’appel d’offres
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Services proposés
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Services rémunérés par les collectivités
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Services proposés gratuits ou peu chers pour l’usager : la rémunération des entreprises se fait par la revente de données collectées et/ou le push de publicités ciblées (grâce à la mise à disposition à titre gratuit de ces données par les usagers)
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Compte tenu de ce contexte général, et afin de lever les financements nécessaires, les villes doivent mettre en place une smart urban governance [une gouvernance urbaine intelligente] : il s’agit de faire « coïncider » le projet avec les instruments et outils financiers (par exemple, prévoir une gouvernance entre acteurs publics et privés dans le cadre d’une stratégie de co-investissements publics-privés), et d’attirer les investisseurs de long terme (en France la Caisse des dépôts par exemple, ou les fonds de pension d’autres pays européens). L’une des conditions essentielles de cette smart urban governance est la capacité de collecte et de traitement des données (flux et indicateurs de suivi notamment). L’objectif : maximiser les bénéfices et matérialiser les retombées identifiées des Smart Cities.
Les villes petites et moyennes ont un défi supplémentaire à relever : les coûts commerciaux de la Smart City sont élevés et les recettes relativement faibles. Une solution pour ces villes serait d’envisager une mutualisation systématique des besoins et un regroupement, au sein d’un syndicat mixte par exemple. Ce qui soulève une autre question : quelle collectivité prendrait le leadership, tout en étant acceptée par les autres ?
Différentes modalités de financement se présentent alors à toutes ces collectivités. La Banque européenne d’investissement (BEI), qui joue un rôle clé dans le financement des projets et programmes Smart City, en utilise trois : l’approche par projet, privilégiée par la BEI en ce qu’elle permet de comprendre et d’accompagner le modèle économique général choisi ; le financement intermédié (à travers des banques notamment), et la prise de participation dans des fonds d’investissement dédiés (aux infrastructures, à la construction de logements…).
Ces enjeux viennent finalement conforter l’idée que l’intelligence d’une ville ne se manifeste pas seulement dans les technologies utilisées, mais également dans sa gouvernance et son financement. Nous aurons l’occasion de revenir sur les différentes facettes de ce caractère smart lors de la prochaine séance consacrée aux initiatives internationales.