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Événements
Publié le
Mardi 12 Mai 2015
Mercredi 10 Juin 2015
09h30 à 09h30
Dans le cadre du Club de prospective territoriale, Jean Pisani-Ferry et l'équipe mixte "Diffusion de la croissance" ont débattu avec Martin Vanier, géographe et professeur à l’Institut de géographie alpine de l’université Joseph Fourier Grenoble-1. Le compte rendu des échanges.

La réforme territoriale est actuellement en discussion. Mais, à trop se concentrer sur les territoires, elle risque d’être dépassée avant même d’être votée. Martin Vanier nous a expliqué en quoi les mutations à l’œuvre engagent, plus qu’une autre échelle, une autre conception de l’organisation spatiale de nos sociétés. Face à une réalité de plus en plus complexe, c’est donc une vision systémique que Martin Vanier a souhaité partager avec nous.

En effet, pendant des siècles, le même principe territorial a guidé la production de l’espace organisé : des frontières délimitant des espaces finis ainsi mis sous contrôle, et engendrant des situations d’emboîtements ou de côtoiements. En fonction de son peuplement, chaque fraction de continent, chaque pays, s’est ainsi inscrit dans une histoire territoriale avec une organisation, une armature urbaine spécifique. Les réseaux n’ont joué qu’un rôle secondaire : permettre une circulation entre les territoires, version limitée de l’interterritorialité. Le grand bouleversement urbain de la révolution industrielle comme la conquête de «nouveaux territoires» lors des phases coloniales ont modifié les hiérarchies et les horizons, mais ils n’ont pas changé les principes de base à l’aune desquels s’organisaient les territoires : une géographie pensée dans et à partir des frontières.

Il n’en est plus de même depuis une génération. Plus de vitesse, plus de mobilités, plus de réseaux : les territoires se « déforment », partout dans le monde. Nos conceptions et représentations de l’espace s’en trouvent bouleversées, un peu comme si on passait, en matière de « sciences du territoire », de la physique newtonienne à la physique quantique. Convenons d’appeler « métropolisation » ce bouleversement, qui est la dimension pour ainsi dire « locale » d’un autre bouleversement bien (re)connu, la mondialisation.

Ce n’est donc pas la convergence d’un modèle dominant qui s’affirme aux yeux de Martin Vanier, mais la diversité des modèles de développement qu’il convient de mieux cerner pour éviter « l’aveuglement ». Ainsi lorsque l’on aborde la croissance et sa diffusion, doit on mesurer ce phénomène qu’au seul regard d’un emploi créé ou perdu où arriver à mieux discerner les relations à l’activité qui sont en réalité plus variées ? A l’appui de sa démonstration plusieurs exemples de développement local et notamment celui d’un entrepreneur qui s’est installé contre toute attente à Saint Pierre de Chartreuse en Isère parce-que cette commune de moyenne montagne correspondait à une vitrine d’un concept de « station Trail », concept qui s’est ensuite exporté… Pari gagné !

Voilà pourquoi selon Martin Vanier, nous devrions collectivement plus nous intéresser aux réseaux et par conséquent à une vision systémique de notre réalité. La difficulté vient certainement du fait qu’il est à ce jour impossible pour qualifier et observer ces phénomènes de réseaux, d’avoir des données statistiques et éléments quantitatifs souvent détenus par des opérateurs privés assurant des délégations de services publics, mais qui refusent à ce jour de partager leurs données.

L’enjeu politique est par conséquent de réintégrer dans la sphère publique, dans le champ de l’action publique, ces réseaux pour dépasser ce capitalisme réticulaire qui semble faire office de « pensée unique ». Martin Vanier propose également de « repenser » notre vocabulaire et parler désormais davantage « d’aménagement des réseaux » (raisonner par les flux) que « d’aménagement du territoire » notion du passé qui renvoie aux périmètres.

Martin Vanier suggère aussi de remplacer les mots « égalité », « équilibre », « harmonieux » que l’on conjugue régulièrement avec le mot territoire, par les mots de « réciprocité » contractuelle entre les territoires permettant de mieux travailler ensemble à « un bien commun ». Favorable aux partenariats publics/privés, il préconise de « monter en capacité » pour favoriser le développement et considère à ce titre que la toute première politique publique à promouvoir sur les territoires et celle de l’éducation, car c’est notamment par l’éducation que peuvent se développer les capacités de chacun.

Enfin, il est à noter que Martin Vanier est favorable au double mandat politique permettant à un même élu d’être à l’articulation de deux niveaux de territoire (exemples commune/agglomération – département/région …).

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