Vidéo Economie collaborative, économie du partage : quels enjeux pour demain ? Innovation Entreprises Dans le cadre du cycle de débats mensuels "Mutations technologiques, mutations sociales", la troisième rencontre "Économie collaborative, économie du partage : quels enjeux pour demain ?" a eu lieu de 14 décembre 2015. Publié le : 14/12/2015 Mis à jour le : 09/01/2025 Transcription Fermer la transcription Economie collaborative, économie du partage : quels enjeux pour demain ? Suite du cycle de débats mensuels "Mutations technologiques, mutations sociales" organisé par France Stratégie, l'INRIA et le HSS. Pour ce troisième rendez-vous, il était question de l'économie collaborative. Cette économie repose sur le partage ou la vente entre particuliers de biens ou de services via des plateformes numériques. L’économie collaborative est un terme à la mode regroupant divers modèles, classés selon deux grands axes : les activités marchandes ou non marchandes, et les plateformes à but lucratif ou non lucratif. Par exemple, des plateformes comme Uber visent un but lucratif, tandis que Wikipedia est non lucratif. Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar, a ouvert la réunion en mettant l'accent sur l'importance cruciale de la confiance dans le succès de sa plateforme. Ce système permet aux utilisateurs d’avoir confiance en des inconnus, une caractéristique essentielle des plateformes de partage. Une autre spécificité est la polyvalence des utilisateurs, qui peuvent être à la fois passagers et conducteurs. Cependant, certaines plateformes entrent en concurrence avec des professionnels salariés, soulevant des questions sur la frontière floue entre partage et activité professionnelle. Cela pose également des enjeux en matière de droit du travail, de fiscalité et de couverture sociale. Pour encourager l'essor de ces plateformes tout en encadrant leur développement, il est crucial d’établir un cadre juridique clair, garantissant à la fois protection sociale pour les travailleurs et fiscalité équitable pour les entreprises bénéficiaires. En 2014, 31 millions de personnes ont acheté ou vendu sur des sites de mise en relation de particuliers, montrant l'ampleur et le potentiel de cette économie collaborative, rendue possible par les avancées numériques. Les activités dites de « l’économie collaborative » (sharing economy) se développent à grande vitesse. Ainsi, d’après une étude de PwC, le chiffre d’affaires de l’économie collaborative à l’échelle mondiale pourrait passer de 15 milliards de dollars en 2013 à 235 milliards à l’horizon 2025[1]. Championne française, l’entreprise Blablacar compte aujourd’hui 20 millions d’utilisateurs dans le monde. Ces activités suscitent néanmoins de vifs débats, sur leurs effets économiques, environnementaux et surtout sociaux. Construites autour de l’échange, du partage ou de la vente entre particuliers de biens, de capitaux, de services voire de symboles, elles recouvrent des réalités très diverses. Pour comprendre le développement de ces activités et les enjeux associés, France Stratégie, en partenariat avec l’EHESS et Inria, a choisi d’en faire le thème du troisième débat organisé dans le cadre du cycle « Mutations technologiques, mutations sociales » lancé en octobre 2015. Frédéric Mazzella, fondateur et président de Blablacar, a introduit le débat. Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail (Sorbonne Nouvelle et CNRS) a ensuite pris la parole pour exposer l’avancement de ses recherches. Marie-Anne Dujarier note que l’appellation « économie collaborative » désigne actuellement des pratiques sociales très hétérogènes. Elle propose de classifier les modèles économiques selon deux axes[2] : Les échanges peuvent être marchands, comme dans le cas d’Uber, ou non marchands, comme Blablacar (pour lequel le paiement correspond à un partage des frais) ou Facebook. Par exemple, chez Blablacar, les trajets de covoiturage sont facturés de 6 à 7 centimes d’euro par kilomètre, bien en deçà du barème fiscal kilométrique (40 à 60 centimes d’euro selon la puissance du véhicule) ou du prix d’une course de taxi (plus d’un euro par kilomètre). Deuxièmement, la plateforme, intermédiaire des échanges, peut être à but lucratif (Uber, Blablacar, Facebook) ou non lucratif, comme dans le cas des « communs » (Wikipedia) ou des services publics. Les moteurs du développement de ces activités D’après Frédéric Mazzella, un des principaux facteurs de développement de l’économie collaborative est l’amélioration de la technologie des plateformes en ligne, via l’augmentation de la taille des bases de données, des capacités des moteurs de recherche et l’amélioration de la connectivité. Toutefois, ces modèles s’appuient aussi fortement sur la construction de la confiance entre deux particuliers. La réputation, fondée sur la création de profils et la notation, prend une place centrale dans les échanges, pouvant parfois aller jusqu’à l’exclusion des personnes mal notées, ce qui n’est pas sans poser de question sur ce mode de gestion des usagers. Les plateformes ont aussi réussi à développer la confiance grâce au paiement en ligne, qui permet d’éviter le transfert d’argent en direct. Le niveau de confiance atteint par les plateformes peut être impressionnant, nettement supérieur à la confiance dans un voisin et s’approchant même de la confiance dans la famille. Le développement de ces activités répond de plus à de nouvelles aspirations. Elles sont plus utilisées par les jeunes notamment, qui maîtrisent davantage les outils numériques. Elles s’inscrivent aussi souvent dans la recherche d’une utilisation plus efficace des biens et équipements. Les contraintes financières entrent enfin en ligne de compte dans le recours à ces nouvelles activités. Pour quel impact environnemental ? Le cas de la voiture est éloquent d’après le fondateur de Blablacar. Alors que le parc automobile français compte 38 millions de véhicules et représente des dépenses se chiffrant à presque 10 % du PIB, que la possession d’un véhicule coûte environ 6 000 euros par an à un ménage, les automobiles passent 96 % du temps arrêtées et 2,7 % à se déplacer. Le covoiturage s’est développé sur ce potentiel inutilisé. L’effet sur l’environnement fait néanmoins débat. De récentes études de l’ADEME[3] montrent en effet que si le gain environnemental est conséquent dans le cas du covoiturage de courte distance, dans le cas du covoiturage de longue distance, 1 km covoituré par un équipage n’entraîne une économie que de 0,04 kilomètre en voiture particulière. Il se substitue en outre fortement au train, puisqu’1 km covoituré par un équipage entraîne une diminution de 1,97 kilomètre parcouru avec le train. D’après cette étude, les effets en termes de réduction des émissions de gaz à effets de serre sont ainsi plus faibles que ce qu’on aurait pu attendre. Et quelles répercussions sur le travail ? Les différentes plateformes ont des effets très différenciés sur le monde du travail d’après Marie-Anne Dujarier[4]. Les plateformes marchandes à but lucratif favorisent la domination des propriétaires et concepteurs de la plateforme, qui captent une grande partie de la richesse, pratiquent parfois l’évitement fiscal et s’appuient sur une masse de micro-entrepreneurs non-salariés, qui ne participent donc pas à la solidarité liée à ce statut. Ces modèles économiques ont suscité l’émergence de nouveaux mouvements sociaux visant à faire reconnaître le caractère parfois subordonné ou de dépendance économique de ces travailleurs. À l’inverse, les contributeurs des plateformes non marchandes à but lucratif n’ont généralement pas le sentiment d’exercer une activité professionnelle. Elles peuvent toutefois entrer en concurrence avec des activités professionnelles existantes, d’où la question du statut de ce type d’activité productive fournie volontairement et bénévolement. Ces deux modèles interrogent en permanence la frontière entre amateurs et professionnels, ainsi que le concept même de « travail » dans nos institutions, observe la sociologue. Les enjeux pour les plateformes de l’économie collaborative Si l’économie collaborative prend de l’ampleur, aujourd’hui peu de plateformes arrivent à émerger et survivre, explique Frédéric Mazzella. Les difficultés pour lever des fonds, davantage présentes en France qu’aux États-Unis, peuvent être un des freins. Par ailleurs, en fonction des activités, l’organisation d’une place de marché est plus ou moins facile. Ainsi, le fonctionnement d’une plateforme de covoiturage, pour laquelle les chauffeurs ne sont pas disponibles à la demande, nécessite un nombre de conducteurs bien supérieur à celui requis par une entreprise comme Uber pour assurer une offre suffisante qui attire les utilisateurs. La réglementation en place peut aussi constituer un obstacle et la concurrence avec les activités installées ou subventionnées est une limite au développement, d’après Frédéric Mazzella. Si ces activités démontrent une utilité sociale ou environnementale, faudra-t-il revoir ces règles de fonctionnement ? Par exemple, les transports publics urbains sont fortement subventionnés : faut-il envisager d’étendre le subventionnement à l’autopartage, questionne-t-il ? Marie-Anne Dujarier analyse que ces activités ont des effets sur les solidarités construites notamment autour du salariat, de la fiscalité et des professions, sur lesquelles notre société est encore bâtie. Si ces changements s’installent, quelles solidarités faudra-t-il alors mettre en place ? 1] « Megatrend collisions: Introducing the sharing economy », 2015. pwc.blogs.com/files/sharing-economy-final_0814.pdf [2] Dujarier M.A., « Les usages sociaux du numérique : une typologie », In Digital labor, travail du consommateur, quels usages sociaux du numérique ?, INA Global, La Revue des Industries Créatives et des Médias. A paraître. [3] Étude nationale sur le covoiturage de courte distance, Ademe, 2015 et Enquête auprès des utilisateurs du covoiturage de longue distance, Ademe, 2015. [4] Dujarier M.A., 2015 , “The activity of the consumer: strengthening, transforming or contesting capitalism?”, The Sociological Quarterly, Volume 56, Issue 3, pp. 460-471. Transcription Fermer la transcription Grand Angle : L'économie collaborative, une utopie en marche ? France Stratégie et ses partenaires, l'INRIA et le HSS, ont organisé un nouvel épisode du cycle de débats "Mutations technologiques, mutations sociales", cette fois dédié à l'économie collaborative. Cet événement s'est tenu à Ivry-sur-Seine, dans un fab lab, un espace collaboratif où des outils comme des imprimantes 3D sont mis à disposition du public. Ces lieux incarnent l'esprit de partage et de collaboration, moteurs de l'économie contributive. Le fab lab, concept venu de Californie, fonctionne sur le modèle d'un abonnement, comme une salle de sport. Les utilisateurs y échangent compétences et idées pour réaliser leurs projets ensemble. Ce modèle illustre une des nombreuses facettes de l'économie collaborative, qui englobe production partagée, financement solidaire, et échanges de biens ou services entre particuliers. L'essor de cette économie est en grande partie rendu possible par les technologies numériques, notamment les smartphones, qui facilitent les transactions et favorisent l'émergence de nouvelles plateformes. En France, plus de 270 plateformes collaboratives, dont 70 % françaises, ont vu le jour. Des entreprises comme BlaBlaCar, Airbnb, ou encore Le Bon Coin bouleversent les secteurs traditionnels, redéfinissant les règles du marché. Ces mutations soulèvent des questions cruciales, notamment sur la régulation des droits des travailleurs, la fiscalité des plateformes, et l'impact social et économique de ces nouveaux modèles. Les intervenants du débat ont exploré les opportunités et les défis posés par l'économie collaborative, en la comparant parfois à une révolution industrielle. L'historien Jean-Baptiste Fressoz a souligné que, comme pour les précédentes révolutions, des régulations et des ajustements seront nécessaires pour garantir la sécurité et l'équité dans ce nouvel écosystème. France Stratégie continuera de questionner ces transformations dans les prochaines séances du cycle, abordant des thèmes tels que l'avènement des objets connectés, la place des algorithmes, et les enjeux de l'intelligence artificielle. Ces débats visent à dessiner les contours de la société numérique de demain, tout en réfléchissant aux bouleversements qu'elle engendre. Partager la page Partager sur Facebook - nouvelle fenêtre Partager sur Twitter - nouvelle fenêtre Partager sur Linked In - nouvelle fenêtre Partager par email - nouvelle fenêtre Copier le lien dans le presse-papier Pour aller plus loin RSE | Empreinte biodiversité des entreprises Un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction. C’est un déclin de la biodiversité sans précédent dans l’histoire humaine. Comment les entreprises peuvent-elles prendre leur part face à l’enjeu de ... 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