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Le taux d'actualisation dans l'évaluation des projets d'investissement public

Le sixième colloque du cycle de colloques sur l’évaluation socioéconomique des investissements publics, sous la présidence de Roger Guesnerie, portait sur le système d’actualisation.

Publié le : 29/03/2017

Mis à jour le : 31/01/2025

Problématique

Dans un calcul socioéconomique, l’actualisation consiste à ramener à une date unique des grandeurs monétaires ou monétarisées qui s’échelonnent dans le temps. C’est un élément déterminant du calcul socioéconomique des projets d’investissements publics qui ont des impacts très éloignés dans le temps.

En pratique, la prise en compte du taux d’actualisation dans le calcul socioéconomique des projets présente de fortes différences suivant les pays. C’est notamment le cas entre les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.

Aux États-Unis, les taux d’actualisation de référence sont multiples. Depuis 2003, l'Office of management and budget (OMB) recommande d’appliquer deux taux d’actualisation de 3 % et de 7 %  constants dans le temps. Le premier correspond au rendement moyen des obligations d'État à 10 ans, considéré comme une estimation du taux social de préférence au temps. Le second est le rendement moyen avant impôt du capital privé, considéré comme une estimation du coût d'opportunité du capital.

Au Royaume-Uni, le taux d’actualisation en vigueur est fondé sur la règle de Ramsey et décroît dans le temps. La formule est : α = δ + γμ. Le premier terme (δ = 1,5 %) est interprété comme une combinaison de la préférence pure pour le présent et de la prise en compte du risque catastrophe. Le paramètre « élasticité de l'utilité marginale de la consommation (γ) » est égal à 1 et le taux de croissance de la consommation par habitant μ estimée à 2,0 %, qui est décroissant dans le temps. On obtient ainsi un taux d’actualisation de 3,5 % (α = 1,5 % + 1*2 %). Par ailleurs le Trésor britannique considère qu’un taux d’actualisation important pose problème pour les évaluations socioéconomiques au-delà de trente ans et notamment les évaluations à très longs terme (au-delà de 100 ans). S’appuyant sur les travaux théoriques de Weitzman et Gollier, qui montrent que le taux d’actualisation peut être décroissant dans le temps lorsqu’on intègre de l’incertitude sur les prévisions de croissance, l’administration britannique retient ainsi pour les évaluations au-delà de 30 ans un taux décroissant  par palier de 3 % (après 30 ans)  à 1 % pour des évaluations au-delà de 300 ans.

En France, le rapport Lebègue (2005)  a repris la base théorique utilisée par le Trésor britannique en proposant un calibrage spécifique en cohérence notamment avec les anticipations de la croissance de l’économie française. Il préconise un taux d’actualisation sans risque de 4 % jusqu’à trente ans  et décroissant jusqu’à 2 % au-delà. Le taux de 4 % (α = 1 % + 2*1,5 %) est obtenu  en retenant un taux de préférence pure pour le présent δ = 1 %, une élasticité de l’utilité marginale de la consommation γ = 2 et une croissance économique de référence μ = 1,5 %. La décroissance proposée est obtenue en prenant une prévision de croissance économique par tête qui peut varier entre deux extrêmes, 2 % avec une probabilité de 2/3 et 0,5 % avec une probabilité de 1/3.

Actuellement, le taux d’actualisation français fixé par la Commission Quinet (2013)  reprend le cadre théorique du rapport Lebègue développé dans le rapport Gollier et propose un taux d’actualisation sans risque de 2,5 % passant à 1,5 % au-delà de 2070. A ce taux, s’ajoute une prime de risque de 2% pondérée par un coefficient spécifique à chaque projet en fonction de la sensibilité de sa rentabilité à la croissance économique. Cette prime de risque dite systémique de 2 % est augmentée à 3 % pour les périodes d’évaluation au-delà de 2070.

Ces derniers éléments sont le résultat des arbitrages successifs qui ont eu lieu au regard de la croissance économique estimée de la France et de l’intégration du risque dans le calcul économique. Le système d’actualisation doit tenir compte en même temps des anticipations de la collectivité sur l’augmentation de la richesse nationale, des incertitudes liées à cette croissance économique et des risques que font courir les différents projets sur les finances publiques dans le cas où cette richesse anticipée ne serait pas aussi forte qu’espérée. Le système recommandé par la Commission Quinet (2013) consiste à actualiser les différents flux générés par un projet à un taux différent en fonction des betas socioéconomiques de ces flux. En pratique, plusieurs projets ont présenté leurs bilans avec les deux chiffrages : avec un taux d’actualisation fixe et avec des taux comportant des primes de risque.

Le colloque du 29 mars 2017 a permis de faire le point des controverses théoriques autour du taux d'actualisation et de son usage, d'expliquer comment ces controverses modifient ou pas  les référents officiels et les pratiques des administrations  et de revenir sur les enjeux associés au choix du taux d'actualisation pour discuter in fine de la meilleure pratique à retenir.

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