Autres contenus Ecole : jusqu’où va la ségrégation? Éducation On se passionne ces derniers temps pour la mixité à l’école : c’est d’elle que viendraient l’égalité entre les élèves, leur épanouissement, leur capacité à vivre ensemble… Mais jusqu’ici aucune analyse chiffrée ne permettait de voir la réalité en face et de mesurer l’ampleur de la ségrégation qui sévit dans le système éducatif français. C’est l’objectif de l’étude que nous avons réalisée avec Arnaud Riegert (École d’économie de Paris, INSEE) pour le CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) sur les collèges et lycées français. L’analyse confirme que le système scolaire français est traversé par de forts phénomènes ségrégatifs entre les établissements et au sein des établissements, qui confinent les élèves de milieu sociaux et de niveaux scolaires différents dans des environnements distincts. Publié le : 05/06/2015 Mis à jour le : 13/11/2024 L’étude exploite un indicateur de ségrégation, l'indice d'exposition normalisé, pour mesurer d’une part la ségrégation sociale, définie par la différence entre les environnements fréquentés par les élèves de milieux sociaux aisés[1] et ceux fréquentés par les autres ; d’autre part la ségrégation scolaire, définie par la même différence entre les « bons élèves[2] » et les autres. Ecole des riches, Ecole des pauvres ? En utilisant cet indicateur, on observe tout d’abord une forte ségrégation sociale entre les établissements. Les élèves des classes aisées comptent en effet presque deux fois plus d’élèves également aisés dans leur établissement que les autres élèves (34 % contre 18 % au collège, soit 16 % de ségrégation selon l’indice d’exposition normalisé). Ce chiffre moyen cache une grande variété de situations. 10% des élèves fréquentent des établissements contenant moins de 5% d’élèves favorisés, tandis que les 1% d’élèves scolarisés dans les contextes les plus privilégiés ont plus de 80% de camarades des classes aisées. Par ailleurs, la ségrégation sociale entre établissements est très variable d’un département à l’autre (de 2 % à 27 %). Les départements ayant la plus forte ségrégation sociale sont essentiellement ceux qui comportent des grandes villes. Contrairement aux zones rurales où les établissements regroupent des élèves d’origines variées par un recrutement géographique large, la densité de population des zones urbaines implique une multiplicité de collèges, qui aggrave la ségrégation sociale par deux biais : d’abord parce que les collèges reflètent plus précisément la ségrégation résidentielle et ensuite parce que s’installe une situation de concurrence qui fait émerger des collèges « souhaités » et des collèges « évités » Dans les établissements, une lutte des « classes » ? La ségrégation scolaire (c’est-à-dire celle des « bons élèves ») entre établissements présente une amplitude similaire à la ségrégation sociale au niveau du lycée seulement (20 % de ségrégation environ) en raison de la séparation entre les lycées généraux et technologiques et les lycées professionnels. Au collège, elle reste limitée à 8 % environ (27 % de bons élèves en moyenne dans le collège d’un bon élève contre 19 % pour les autres). Mais c’est à l’intérieur des établissements que la ségrégation scolaire prend toute son envergure : par la composition des classes. La ségrégation scolaire entre toutes les classes du pays vaut en effet le double de la ségrégation scolaire entre tous les établissements. En d’autres termes, la concentration des bons élèves dans certaines classes plutôt que d’autres au sein d’un même établissement génère autant de ségrégation scolaire que l’ensemble des mécanismes ségrégatifs existants à l’échelle nationale, dus au choix du lieu de résidence et de l’établissement. Contrairement à la ségrégation sociale entre établissements, la ségrégation scolaire entre classes au sein des établissements est un phénomène plus universel qu’on retrouve avec une importance similaire sur l’ensemble du territoire[3] . Même si on admet que 55 % de la ségrégation scolaire s'explique simplement par le hasard (constituer les classes aléatoirement mène en effet à des niveaux de ségrégation comparables), on identifie 45 % d'établissements qui constituent des « classes de niveau », au sens où la ségrégation scolaire observée entre leurs classes est difficilement explicable par le hasard. Cette ségrégation « active » est en partie le résultat de l'affectation des élèves à leurs classes en fonction de leurs options, comme le parcours bilangue en sixième-cinquième et le latin à partir de la cinquième ; par exemple, les collèges qui constituent des classes bilangues en classe de 6e ont 70 % de chances de plus de créer une ségrégation scolaire. Néanmoins, la constitution de classes de niveau ne résulte pas systématiquement des options à l’échelle du territoire national. Les buts et les outils des politiques de mixité sociale et scolaire font l’objet d’intenses débats qui doivent être éclairés par l’expertise. C’est l’un des enjeux de la conférence de comparaison internationale organisée les 4 et 5 juin par le Cnesco, et il en sera question le 11 juin prochain, à France Stratégie, lors de la séance du séminaire « Fractures, identités, mixités », consacrée aux questions scolaires. [1] Correspond aux élèves dont le premier responsable légal (souvent le père) appartient à une catégorie socio-professionnelle classée dans le groupe « favorisés-A » de la DEPP. [2] Correspond aux élèves qui ont passé le diplôme national du brevet en 2011 sans avoir redoublé depuis leur entrée en 6e en 2007, et dont la note moyenne aux épreuves finale appartient au premier quart de la distribution. [3] A l’exception notable des départements d’outre-mer où elle est encore plus importante. Son Thierry Ly Ancien auteur de France Stratégie Auteur Pour aller plus loin Lutter contre les stéréotypes filles-garçons. Quel bilan de la décennie, quelles priorités d’ici à 2030 ? 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