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Rapport
Publié le
Lundi 18 Octobre 2021
Où en est-on de l’impact de la crise et du premier confinement sur les plus démunis? Un an après sa première note sur les effets du Covid-19 sur la pauvreté en France, le comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présidé par Louis Schweitzer, fait le point.
La lutte contre la pauvreté au temps du coronavirus - Note d'étape

Téléchargez la note d'étape "La lutte contre la pauvreté au temps du coronavirus :
 constats sur les effets de la crise sur la pauvreté et points de vigilance
du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention
et de lutte contre la pauvreté"

Cette étude revient également sur la réponse apportée depuis mars 2020 par le gouvernement pour les plus précaires et exprime un certain nombre de points d’attention et de recommandations pour la période à venir.

Le comité s’appuie sur les données et études disponibles, les informations fournies par les administrations centrales et la DIPLP, les auditions réalisées, et en particulier celles des grandes associations de lutte contre la pauvreté, et les contributions du 5e collège du CNLE et du panel citoyen.

Des effets sociaux de la crise et du premier confinement confirmés, notamment chez les jeunes

Les inégalités sociales face à l’épidémie durant le premier confinement sont confirmées. Les enfants et les familles ont été confrontés aux inégalités éducatives et à un risque accru des violences intrafamiliales. Comme pour les adultes, on constate une dégradation de leur santé mentale. La période est marquée par une hausse de la précarité, notamment alimentaire. Les jeunes ont été particulièrement fragilisés par la crise (santé mentale, précarité alimentaire, baisses de revenus).

Une situation économique plus favorable qu’attendu il y a un an

La reprise économique est en cours. La situation actuelle sur le marché du travail se rapproche de celle d’avant-crise et les craintes relatives à l’évolution du chômage ou des faillites ne sont pas confirmées, les deux s’inscrivant en baisse par rapport à la situation pré-crise, ce qui ne préjuge pas la situation lorsque les dispositifs d’aides auront été réduits. Le nombre d’allocataires du RSA a connu une forte hausse en 2020 mais elle s’est résorbée par la suite, et les impayés de loyers n’ont pas augmenté pour le moment. Dans les DROM, l’impact du premier confinement a été moins important que prévu et la situation sur le marché de l’emploi tout comme l’évolution du nombre de bénéficiaires du RSA rassurent.

Des mesures d’urgence massives et globalement bien ciblées

On ne dispose pas encore d’un bilan global des effets redistributifs des aides engagées pour soutenir les ménages, mais, d’après les premiers éléments disponibles, la réponse des pouvoirs publics semble avoir été bien proportionnée et bien ciblée. L’essentiel des mesures d’urgence a visé à maintenir le revenu des salariés (activité partielle). Des dispositifs de maintien de droits, en matière d’assurance chômage en particulier, ont aussi été mis en place, et des aides exceptionnelles aux bénéficiaires des aides sociales ont ciblé les ménages modestes, particulièrement les familles. L’essentiel des moyens financiers engagés a visé à prévenir l’entrée dans la pauvreté, des moyens plus limités étant mobilisés pour aider les ménages déjà pauvres. Les mesures pour l’emploi, notamment des jeunes, et de soutien des indépendants ont permis de limiter les effets de la crise pour ces populations. Le choc économique provoqué par la crise sanitaire a eu des effets disparates en matière d’emploi selon les territoires. S’il apparait que le soutien financier de l’Etat a permis d’amortir l’essentiel de l’impact de la crise sur les finances des collectivités territoriales, le comité ne dispose pas d’information sur la façon dont ce soutien a été modulé en fonction des besoins des différents territoires.

Des mesures d’urgence et des mesures plus pérennes pour l’aide alimentaire et l’hébergement d’urgence ont été prises – les associations ont cependant regretté le manque de relais vers le logement social, contraire à la philosophie du plan Logement d’abord. La mobilisation des services publics est reconnue par de nombreux acteurs, mais des difficultés d’accès accrues aux services publics et sociaux pour les plus démunis ont été constatées. Les associations ont joué un rôle essentiel pour amortir les effets de la crise. Le soutien prévu par le gouvernement dans le plan de relance a bien été mis en place.

Une hausse de la précarité néanmoins observée

Le CNLE alerte sur le basculement dans la précarité de nouveaux publics qui sollicitent désormais les services sociaux et souligne sur la base d’une analyse synthétique des rapports des grandes associations de lutte contre la pauvreté, un triple mécanisme d’entrave des sorties et de nouvelles entrées dans la pauvreté de personnes qui en étaient plus ou moins proches (autoentrepreneurs, travailleurs indépendants, travailleurs précaires et étudiants par exemple). On constate par ailleurs une hausse du recours à l’aide alimentaire et l’arrivée d’un nouveau public dans les centres de distribution en 2020 qui témoignent d’une augmentation de la précarité alimentaire.

Des recommandations pour la période à venir 

Le comité recommande d’évaluer et de documenter précisément l’impact des mesures prises par le gouvernement sur les revenus, les inégalités et la pauvreté. Le suivi de l’évolution de la pauvreté et de la précarité en France « en temps réel » mis en place durant la crise doit être maintenu pour compléter les taux de pauvreté de l’Insee qui lors de leur publication renseignent sur la situation deux années auparavant. Les effets de la crise dans les Outre-mer, ses effets sur les femmes et les hommes et ses conséquences sur les revenus des indépendants et des plus précaires doivent être examinés.

Le comité souligne que la reprise économique en cours ne doit pas faire oublier que la crise sanitaire a souligné et accentué des inégalités existantes et renforcé la précarité, que ses effets à moyen et long terme ne sont pas encore connus et que la situation sur le marché du travail en sortie de crise présente des risques potentiels en termes de précarité et de pauvreté.

Il met également l’accent sur l’importance de garantir un accès à leurs droits aux plus démunis et recommande de porter une attention accrue aux publics fragiles, en particulier les enfants, dans la période d’après-crise. Il faut veiller à la mise en œuvre sur tous les territoires de l’obligation de formation et à l’atteinte de ses objectifs. Les effets des réformes en 2021 de l’assurance chômage et des APL sur la situation de publics déjà fragilisés par la crise sanitaire, notamment les jeunes, doivent être surveillés. Concernant la réforme structurelle en préparation autour de l’idée d’un revenu pour les jeunes, pour lesquels la crise a confirmé les conséquences négatives de l’absence d’un filet de sécurité monétaire, le comité recommande qu’il n’y ait pas de barrières d’accès et que sa durée soit adaptée à la situation du jeune.

Auteurs

Marine de Montaignac
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Libre
Marine
de Montaignac
Société et politiques sociales