Quand on pense métiers du sport, on imagine volontiers la professeure d’EPS ou le vendeur de vélos. On pense moins à l’ergonome, à l’intervenant en maison de retraite ou à la comptable du club de yoga du quartier. Et pourtant, sur les 227 000 emplois du sport, près de la moitié ne sont ni des emplois d’éducateurs ni des emplois de vendeurs. La diversité des métiers du sport répond à celle des pratiques et des publics. Issu d’une réflexion collective, conduite par un groupe de travail multi-acteurs du monde du sport, le rapport de Sandrine Aboubadra-Pauly et Marième Diagne – Réseau Emplois Compétences de France Stratégie – Damien Brochier et Mickaële Molinari-Perrier – Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) – propose une vision renouvelée des métiers du sport pour penser concrètement l’offre de formation et les besoins en compétences de la filière à l’horizon 2024.
Les métiers du sport : une famille nombreuse
Très largement publics et associatifs, les emplois du sport – que le rapport estime à 227 000 – se caractérisent par une forte croissance (+ 23 % entre 2008 et 2016) et une part plus forte qu’ailleurs des temps partiels et des statuts atypiques, avec une montée des indépendants.
Côté métiers, il importe, notent les auteurs, de dépasser la vision restreinte aux seules fonctions d’encadrement qui renvoient à des filières de formation organisées – typiquement l’entraîneur de volley ou le coach. À côté de ces « métiers cœur du sport », le rapport recense en effet un« halo de métiers et de compétences » qui empruntent à d’autres secteurs et fonctions mais participent largement du développement de l’activité sportive. Au premier rang desquels des métiers « techniques » – du kiné au designer – et des métiers « transversaux » allant de la communication à la gestion.
Au-delà du fait d’être plus fidèle à la réalité des pratiques, cette vision élargie des métiers du sport permet de penser autrement les compétences mobilisées par les personnes qui occupent et occuperont un emploi du sport et donc leurs mobilités professionnelles.
Sport sur ordonnance, cours personnalisés… quand les pratiques évoluent
Autre variable à prendre en compte : l’évolution des pratiques. Démocratisation de l’activité physique et sportive, développement du sport bien-être et des enjeux de santé publique, diversification des lieux et des temps de pratique – chez soi, dans l’espace public, au travail –, émergence de nouveaux publics – les femmes et les seniors en particulier – … bouleversent le modèle traditionnel du club associatif. L’offre devient plus concurrentielle et doit coller à une demande de plus en plus personnalisée et nomade.
Avec pour conséquence une nécessaire adaptation des compétences des encadrants : « En plus des aptitudes physiques et connaissances sportives [ils auront à] développer des compétences sociales et relationnelles », résument les auteurs. Sans parler des compétences techniques à acquérir du fait de la diffusion dans le sport des innovations numériques (on pense notamment aux objets connectés) et de la nécessaire montée en compétences administrative, financière, voire commerciale qu’appelle la concurrence accrue entre structures et la diversification de leurs ressources.
Repenser la formation pour créer des « parcours professionnels dans le sport »
Dans cette perspective, comment adapter l’offre de formation et de certification ? Pour répondre à cette question, il faut commencer par s’intéresser à l’existant. En France, l’accès au métier d’encadrant sportif est réglementé : pour garantir la sécurité des usagers, il est conditionné à la détention de qualifications professionnelles certifiées par l’État ou les branches et fédérations sportives. La diversification des disciplines et des pratiques ayant entraîné celle des diplômes et des spécialités, ce sont plus de 1 000 certifications qui coexistent aujourd’hui sur le marché de la formation. En 2017, l’effectif de diplômés en sport s’élevait à 33 000 personnes dont un tiers de titulaires de la filière STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives).
On sait par ailleurs que le taux d’emploi de ces diplômés est bon : 91 % des diplômés de STAPS sont en emploi deux ans après l’obtention de leur master. On ne sait rien ou presque en revanche sur ce qu’ils deviennent une fois entrés en emploi, regrettent les auteurs du rapport. Plus généralement, cette lacune renvoie au « manque d’une vision globale sur la conception et la cohérence des parcours professionnels », un manque que l’instauration de lieux de concertation n’a que partiellement comblé. Si le dialogue entre acteurs de la certification a pu favoriser la création de passerelles entre diplômes, leur champ reste limité aux métiers de l’encadrement.
Or, les auteurs recommandent précisément de le dépasser : « Tout l’enjeu pour le système de professionnalisation réside dans sa capacité à repenser le lien formation-emploi dans une vision élargie des métiers du sport et … à reconnaître les compétences transférables des professions de l’encadrement. » Moyennant quoi une carrière dans le sport pourrait s’envisager comme une fusée à plusieurs étages : un encadrant pourrait développer ses compétences pour devenir directeur de sa structure, agent sportif, organisateur d’événements, vendeur ou intervenant auprès de personnes âgées.
Céline Mareuge, journaliste web