Vidéo Réformes structurelles 2.0 Macroéconomie Productivité Compétitivité L’attention portée aux « réformes structurelles » s’est accrue, considérablement, au cours de la dernière décennie en Europe. Il y a au moins trois raisons à cela : le rappel, imposé par la crise des dettes souveraines, du danger des déséquilibres macroéconomiques en union monétaire et de l’importance de disposer de marchés et d’institutions capables de prévenir leur apparition ; le fait que les réformes structurelles ont pu apparaître, pendant la crise, comme l’un des derniers instruments de soutien à la croissance dont disposaient les pays de la zone euro confrontés à des niveaux de dette élevés ; et le ralentissement persistant des gains de productivité au cours des vingt dernières années, commun à tous les pays développés, qui force à réfléchir sur les freins structurels à la croissance et les sources de la prospérité future. Publié le : 12/01/2018 Mis à jour le : 25/01/2025 Transcription Fermer la transcription Réformes structurelles 2.0 (VF) Les inégalités se creusent au sein de l'Union européenne. Certains pays se sont sortis de la crise tandis que d'autres restent empêtrés dans leurs problèmes de croissance. Le nœud du problème : les réformes structurelles. C'est le thème abordé lors d'un séminaire organisé par France Stratégie, le FMI, l'OCDE et la Commission européenne. Le monde économique tend à diverger. Certains pays s'en sortent mieux que d'autres, et on se demande s'il suffit de poursuivre ce type de réforme ou bien s'il faut chercher d'autres types de réformes. Le contexte justifie qu'on cherche d'autres types de réformes également parce qu'aujourd'hui nous faisons face à de grands changements, non seulement des changements démographiques, mais également la contrainte climatique qui joue sur l'appareil économique et l'ensemble de nos sociétés, ainsi que la révolution numérique. Des économistes venus de toute l'Europe ont confronté leurs points de vue sur cette question : les réformes structurelles fonctionnent-elles ? Malgré certaines mesures d'ampleur, comme les réformes du marché du travail ou de la concurrence, le fossé entre les pays les plus riches et les autres continue de se creuser. D'autres pistes de réflexion existent. On a un ensemble de réformes qui ont peut-être moins fait l'objet d'attention dans le passé en Europe et auxquelles on s'intéresse un peu plus : toutes les réformes liées à l'innovation. Comment améliorer l'interaction entre les politiques d'innovation, les systèmes éducatifs et le rôle des entreprises ? On s'est également intéressé aux complémentarités entre réformes. Si, par exemple, vous ne faites pas de politique d'innovation, si vous n'améliorez pas le système éducatif, ou si la confiance dans les marchés de produits fait défaut, vous êtes dans un environnement très corrompu. Une vision globale est donc indispensable, en complément d'une gestion au cas par cas. Des pays comme la France, l'Italie, l'Espagne et la Grèce peuvent réformer le travail, assouplir le marché du travail et baisser le chômage. Ce sont des réformes très importantes pour commencer. Les Pays-Bas, par exemple, n'ont pas besoin de ce genre de réformes, en tout cas pas dans l'immédiat. De plus, au-delà de l'économie, je conseillerais aux pays qui ont un mauvais système de réformer leur système et de rafraîchir un code du travail. Le Portugal, par exemple, après des initiatives fortes en mettant en œuvre des réformes ambitieuses, a obtenu des résultats concrets en termes d'emploi et de compétitivité. Entre 2011 et 2013, le Portugal a mené des réformes structurelles parmi les plus importantes. Nous avons pris ces mesures car nous y croyons. Nous pensions que cela pourrait corriger les problèmes de faible croissance, de chômage et de manque de compétitivité. Avant tout, ce sont des mentalités qu'il faut réformer, indépendamment de la couleur politique. L'exemple portugais est singulier. Avec la crise de 2010, les disparités subsistent au sein de l'Union européenne, mais avec la reprise qui s'annonce, les pays en difficulté pourraient bientôt tirer les bénéfices de leurs réformes. Rassemblant des représentants des États membres de l’Union européenne, des représentants des organisations internationales et des chercheurs, la conférence organisée par France Stratégie – en partenariat avec la Commission européenne, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) – avait pour objet de tirer les leçons des dernières décennies de réformes structurelles en Europe. Elle a cherché à comprendre pourquoi l’écart de revenu avec les pays les plus performants continuait de se creuser malgré un activisme particulièrement marqué sur le front des réformes ces dernières années. À la lumière des expériences récentes en Europe, elle a fait le point sur l’état des connaissances concernant la manière de mettre en œuvre un programme de réformes. La conférence a servi, enfin, à préparer l’avenir : alors que l’attention a jusqu’à présent largement porté sur les réformes du marché du travail (flexibilité) et du marché des biens et services (libéralisation), le tarissement des anciennes sources de croissance et les défis de demain rendent sans doute nécessaires des réformes d’un nouveau type, dans des domaines moins défrichés tels que l’innovation, l’éducation, la formation professionnelle ou la justice. Qu’a-t-on appris ces dernières années de la mise en œuvre des réformes structurelles? (Session 1) Le sujet des réformes structurelles fait apparaître un écart de perception important entre économistes et décideurs politiques d’un côté et citoyens de l’autre : alors que les premiers semblent s’accorder sur le caractère souhaitable des réformes, celles-ci sont très impopulaires dans l’opinion publique (et parfois aussi chez les responsables politiques). Comment expliquer cette résistance ? L’un des panélistes a avancé plusieurs explications : le fait que les réformes détruisent des rentes, conduisant à des pertes élevées pour un faible nombre d’agents (qui ont des raisons de résister) et des gains diffus pour le reste de la société (qui n’a que peu de raisons d’exprimer son soutien aux réformes) ; la matérialisation très progressive des bénéfices, alors que le coût politique pour le décideur est immédiat ; l’influence de certains groupes d’intérêt et la forte capacité de nuisance de certaines professions ; des représentations économiques erronées de la part des agents économiques ; et enfin une culture de « lutte des classes », particulièrement prégnante dans certains pays du sud de l’Europe, qui tend à considérer que toute réforme bénéficiant aux entreprises, ou plus généralement à certaines catégories d’agents, se fait nécessairement au détriment des salariés et des autres (et vice-versa). Sans contester cette grille de lecture, plusieurs participants ont relevé que les réformes de ces dernières années ont été décidées et mises en œuvre, pour la majorité des pays, en même temps qu’un ajustement budgétaire d’ampleur et en bas de cycle. Ce facteur, qui a pu accentuer les effets négatifs de certaines réformes, a sans doute autant, voire davantage, contribué à la chute de popularité des gouvernements qui les ont mises en œuvre[1]. Les économistes ont également eu tendance à négliger les aspects redistributifs et les coûts d’ajustement associés aux réformes, se focalisant sur leurs effets agrégés à long terme alors que leurs effets initiaux peuvent être négatifs (en d’autres termes, les réformes ne sont pas nécessairement Pareto-améliorantes). Enfin, comme l’ont relevé plusieurs participants, beaucoup de réformes structurelles des dernières années se sont in fine retrouvées adoptées sous une forme diluée ou altérée par rapport aux intentions initiales en raison des résistances qu’elles ont pu générer. Il n’est dès lors pas étonnant qu’elles n’aient pas toujours eu les effets escomptés, tant les aspects idiosyncratiques et la mise en œuvre pratique des réformes sont déterminants (« implementation is key »). Ces facteurs – effets du cycle économique, temps d’ajustement, mise en œuvre pratique – peuvent expliquer l’effet apparemment modeste de certaines réformes dans les pays où elles ont déçu. Mais même dans ceux où les réformes structurelles sont vantées comme l’une des clefs de la reprise, plusieurs participants ont souligné qu’il était très difficile en pratique de démontrer et quantifier leurs effets. La littérature empirique et théorique a certes progressé ces dernières années mais les outils de mesures restent grossiers, et les canaux de transmission théoriques peu explicités − si bien que les économistes possèdent, en réalité, une compréhension encore assez schématique des facteurs qui déterminent le succès et l’ampleur des effets des réformes structurelles. Le nouvel horizon des réformes structurelles (Session 2) Alors que les précédentes décennies ont vu l’attention se focaliser en large partie sur les réformes de flexibilisation du marché du travail et d’amélioration des conditions de concurrence sur les marchés de biens et de service, les années à venir appelleront sans doute des réformes d’un nouveau type afin de trouver de nouveaux gisements de productivité et préparer les populations à un marché du travail en pleine mutation. Les panélistes de la seconde session, à qui il avait été demandé de dresser une liste des réformes prioritaires, ont recensé les axes suivants : l’éducation et le capital humain, d’autant plus essentiels qu’à l’avenir la capacité de se former en continu sera plus importante que la formation initiale. Or l’Europe souffre de la comparaison avec le reste du monde, seulement deux pays figurant dans les dix premiers du classement PISA ; la mobilité sociale, sur laquelle repose le contrat social européen et dont dépend la soutenabilité de nos modèles sociaux. Ainsi que l’ont relevé plusieurs participants cependant, la mobilité sociale est moins un domaine d’action que la résultante d’un ensemble de politiques dans des domaines divers (éducation, redistribution, etc.) ; la réforme de l’administration et du secteur public. Les efforts de consolidation des dernières années ont reposé en large partie sur des baisses de dépenses et l’augmentation des prélèvements, sans réflexion stratégique sur les liens entre organisation de la sphère publique, efficience de la dépense publique et qualité des politiques publiques ; la lutte contre la corruption, qui pèse sur les investissements étrangers, introduit des distorsions de concurrence nuisibles pour la productivité, et incite à l’émigration des travailleurs les plus qualifiés. D’autres participants ont évoqué la qualité des institutions et l’amélioration de la gouvernance, y compris au niveau européen ; l’adaptation de la réglementation au numérique et la création d’un cadre pour les données générées par les utilisateurs (droits de propriété, etc.). Ce recensement n’offre pas un panorama exhaustif des réformes possibles. Selon les pays, des réformes dans d’autres domaines (justice, logement, organisation territoriale, etc.) peuvent aussi être considérées comme prioritaires. Comme cela a été souligné en séance, l’état des connaissances sur l’impact économique de ce nouveau type de réformes et sur les « meilleures pratiques » paraît encore relativement pauvre et doit inciter les organisations internationales à développer des indicateurs et des grilles d’analyse permettant de comparer les pays entre eux. Comment séquencer les réformes structurelles ? Où sont les complémentarités ? (Session 3) Les effets des réformes peuvent être différents selon le moment de leur adoption (et notamment la position dans le cycle), selon qu’elles sont adoptées isolément ou qu’elles font partie d’un « paquet », ou encore selon qu’elles interagissent avec d’autres réformes qui peuvent se renforcer mutuellement ou se neutraliser. La stratégie de réforme doit tenir compte de ces éléments, de même qu’elle doit tenir compte de la contrainte de faisabilité politique. En effet, comme l’a rappelé l’un des panélistes, les réformes structurelles génèrent des coûts à la fois financiers (ressources engagées pour compenser d’éventuels perdants, remise en cause des rentes, etc.) et politiques. Le « paquet » optimal doit viser à équilibrer des coûts et les bénéfices attendus des réformes, qui peuvent être démultipliés par deux types d’interactions : (i) l’existence de synergies entre réformes, qui permet d’accentuer les effets sur un objectif donné (élimination des barrières à l’entrée et réforme concomitante des régimes de faillite afin d’améliorer la productivité, par exemple) ; (ii) le fait que certaines réformes peuvent viser plusieurs objectifs à la fois (productivité et inclusivité par l’élimination des barrières à l’entrée et des politiques actives du marché du travail). Plusieurs participants ont cependant rappelé que la question de la complémentarité entre réformes comme principe général n’était pas clairement démontrée et que les interactions se situaient à un niveau beaucoup plus spécifique qu’enseigné dans la littérature théorique (où il est question le plus souvent de réformes « du marché des produits » et « du marché du travail ») : entre réformes de l’assurance chômage et des politiques actives du marché du travail, par exemple, baisse du coin socio-fiscal et salaire minimum, etc. S’agit-il d’un débat avant tout théorique ? Pour certains participants, le débat sur le séquençage optimal néglige les contraintes et les réalités politiques et le fait que la fenêtre de tir pour réformer est généralement très courte : en pratique, la stratégie optimale se résume le plus souvent à faire le maximum tant que le contexte politique le permet. Que peut faire l’Union européenne pour accompagner et encourager les réformes structurelles ? (Session 4) Le rôle de l’Union européenne et de la Commission dans le suivi et la mise en œuvre des réformes nationales s’est renforcé ces dernières années avec la réforme du cadre de gouvernance économique (création de la procédure de surveillance des déséquilibres macroéconomiques, codification du semestre européen) et la mise en place de programmes d’ajustement dans certains pays en contrepartie de l’assistance financière. L’Union européenne reste, pour autant, un acteur périphérique dans les processus de réforme nationaux. C’est la dernière session, consacrée au rôle que pouvait prendre l’Europe, qui a suscité les plus vifs débats de la journée. L’expérience récente est en effet colorée par les programmes d’ajustement dans les pays en crise, qui ont suscité une très vive défiance. Les programmes de réforme structurelle dans les pays en crise ont souffert d’évidentes erreurs de conception (prise en compte insuffisante des effets de l’ajustement budgétaire, caractère simultané des réformes et manque de ciblage, etc.), mais aussi de l’insuffisante prise en compte d’un facteur clef de la réussite des réformes : l’appropriation politique et l’adhésion nationale. De nombreux participants ont ainsi contesté la légitimité qu’avaient la Commission européenne et les autres États membres à jouer le rôle de prescripteurs extérieurs, ne voyant pas ou peu de rôle pour une coordination plus dense à l’avenir. D’autres ont au contraire appelé à rénover l’approche, au profit d’une démarche plus partenariale, moins moralisatrice, et tenant mieux compte de la dimension redistributive des politiques : c’est, en quelque sorte, le sens de la proposition récente de la Commission européenne d’amplifier l’assistance technique en soutien des réformes structurelles. Les participants se sont accordés pour considérer que la question centrale était maintenant de définir concrètement les nouveaux instruments à mettre à la disposition de l’Union européenne pour encourager et accompagner efficacement les réformes structurelles des États membres. Partager la page Partager sur Facebook - nouvelle fenêtre Partager sur X - nouvelle fenêtre Partager sur Linked In - nouvelle fenêtre Partager par email - nouvelle fenêtre Copier le lien dans le presse-papier Pour aller plus loin France : une embellie économique durable ? Présentation de l’étude OCDE France 2017 par Peter JARRETT, chef de division, et Antoine GOUJARD, senior économiste, département des Affaires économiques de l’OCDE ; Nicola BRANDT, cheffe du bureau France/Pologne de l'OC... 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