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Publié le
Vendredi 16 Février 2018
Si la provision de services publics, la mise en œuvre de politiques sociales, éducatives, d’emploi, de lutte contre la pauvreté ou encore de logement impactent l’organisation et le fonctionnement de la société dans son ensemble, on ne parvient pas aujourd’hui, sinon imparfaitement, à quantifier et valoriser ces impacts sur la société. Les calculs socioéconomiques pourraient être des outils utiles à mobiliser mais doivent être perfectionnés afin d’être adaptés aux spécificités des « investissements sociaux ».
Lancement d’un groupe de travail sur la mesure socioéconomique de l’impact de l’investissement social

Un groupe de travail est installé à France Stratégie afin de réfléchir à la possibilité d’évaluer, sur la base des calculs socioéconomiques, les impacts des politiques sociales. Ces travaux s’inscrivent dans une réflexion menée par France Stratégie sur l’investissement social[1] et l’évaluation socioéconomique des investissements publics[2] qui ont fait l’objet d’études récentes. 

Une meilleure comptabilisation des investissements sociaux

Inspiré notamment des travaux de l’économiste Amartya Sen[3], le concept d’investissement social permet d’opérer un changement dans la manière de concevoir les politiques sociales. Jusqu’ici, il était coutume de les considérer comme des coûts, des dépenses ou des charges. La notion d’investissement social introduit l’idée que ces dépenses sont aussi susceptibles de procurer un retour sur investissement en matière de capital humain : le développement des capacités et des compétences.

Si les dépenses sociales, qui représentaient 31,5 % du PIB en 2016 selon l’OCDE[4], font l’objet d’une quantification précise, les politiques sociales ne sauraient se résumer à une seule logique de dépense monétaire. Leur impact est en effet plus large et difficilement mesurable du fait du caractère très diffus de ces politiques qui interviennent sur des temporalités et dans des champs très divers. De plus, les objectifs qui leur sont assignés ne sont pas toujours clairement identifiés, ce qui rajoute de la complexité à l’appréhension globale de leur efficience.

Comment mesurer l’impact des investissements sociaux ?

Pour identifier le rendement des investissements sociaux, deux étapes successives sont nécessaires[5] :

  • identifier les impacts de l’investissement social étudié ;
  • valoriser en termes monétaires ces effets pour les comparer au coût de l’investissement.

L’évaluation socioéconomique vise à apprécier et comparer les gains de bien-être pour la collectivité d’un investissement et ses coûts[6]. Les calculs socioéconomiques et les évaluations d’impact sont deux outils qui peuvent être utilement mobilisés à cette fin. Les évaluations d’impact, dans le contexte des politiques publiques consistent à déterminer « si une politique a eu l’impact désiré sur des individus, des ménages et des institutions et si ces effets sont attribuables à l’intervention du programme. Les évaluations d’impact peuvent aussi explorer des conséquences imprévues, soit positives soit négatives sur les bénéficiaires »[7]. Intégrés dans des modèles de calcul socioéconomique, les résultats des évaluations d’impact peuvent permettre de quantifier la valeur nette de l’investissement social, c’est-à-dire la valeur ajoutée, créée ou perdue entre la situation avec la politique et la situation sans intervention : le contrefactuel. Il s’agit pour cela d’identifier les impacts et de déterminer la valeur en numéraire de ces effets, qui ne sont pas nécessairement des valeurs monétaires.

Toutefois l’un comme l’autre, ces procédés connaissent des limites quand il s’agit d’analyser les politiques sociales en termes de coûts/bénéfices. Il est en effet difficile de mesurer dans le temps l’effet des politiques d’investissement social sur le capital humain et leur rentabilité économique et sociale, de tenir compte des incertitudes liées aux estimations, etc.

Face aux limites des modèles de calcul actuels, un groupe de travail doit réfléchir à l’opportunité du recours aux calculs socioéconomiques qui utilisent les résultats des évaluations d’impact afin de mesurer le rendement des investissements sociaux en France.

Le groupe de travail mis en place réunit à France Stratégie une vingtaine d’experts issus du monde universitaire (Warwick University, Paris School of Economics, Sciences Po, Lille 2, Paris Dauphine, Toulouse School of Economics) et d’administrations et organismes publics (DRESS, Santé publique France, Assurance maladie, INSEE, Crest, DG Trésor, DEPP, Pôle emploi, CGI, France Stratégie).

Ses conclusions sont attendues à l’automne 2018.

Jordan Eustache


[1] Avenel C., Boisson-Cohen M., Dauphin S., Duvoux N., Fourel C., Jullien M. et Palier B. (2017), L’investissement social : quelle stratégie pour la France ?, La Documentation française, novembre.

[2] France Stratégie et Direction générale du Trésor (2017), Guide de l’évaluation socioéconomique des investissements publics, novembre.

[3] Sen A. (1985), Commodities and Capabilities, Amsterdam, North Holland ; Sen A. (2001), Development as Freedom, Oxford, Oxford University Press ; Sen A. (2009), The Idea of Justice, Cambridge, Harvard University Press.

[4] OCDE (2018), Dépenses sociales (indicateur).

[5] Heim A. (2017), « Peut-on estimer le rendement de l’investissement social ? », La Note d’analyse, n° 52, janvier.

[6] France Stratégie et Direction générale du Trésor (2017), op. cit.