Dans une société secouée par la crise, c’est par un appel à la responsabilité commune de l’ensemble des acteurs publics pour construire un nouveau modèle territorial républicain que Johanna Rolland, Présidente de Nantes Métropole et puissance accueillante, a ouvert le congrès. Face aux défis auxquels le pays tout entier est confronté, Johanna Rolland a ainsi rappelé avec force que « les métropoles sont une des réponses », et devront « prendre toute leur place » dans la réforme en cours. « Les stratégies des métropoles, des régions et des départements ne s’opposent pas : elles se conjuguent ».
Les travaux du colloque ont débuté par un entretien avec Jean-Marc Ayrault, ancien premier ministre, qui a d’emblée posé les enjeux politiques de la loi NOTRe en appelant à ne pas remettre en cause la loi MAPTAM, qui a contribué à « remettre les métropoles françaises à la hauteur de leurs homologues européennes ». Dénonçant les discours politiques qui feraient des métropoles « les adversaires des autres territoires », il a au contraire appelé à ne pas être timoré dans la construction des métropoles : « pour la France, le risque serait la demi-mesure ».
La première table-ronde, consacrée à la capacité d’impulsion économique des métropoles, a illustré cet enjeu pour la France. L’ensemble des intervenants a martelé un même constat : les métropoles constituent des écosystèmes de croissance et d’innovation qui tirent l’économie nationale. Alors que l’économie mondialisée est passée d’une logique transactionnelle à une logique relationnelle fondée sur des interactions ouvertes, Pierre Veltz, Président – directeur général de l’EPA Paris-Saclay, a rappelé que les métropoles sont aujourd’hui « le seul moteur du développement économique, et donc de la solidarité ». Jean-François Gendron, Président de CCI International et de la CCI Nantes-Saint-Nazaire, a fait écho à ces propos, rappelant que « la dynamique des entreprises est dépendante des performances des métropoles ». Une capacité d’entraînement qui ne se résume pas aux outils strictement économiques puisque les métropoles produisent, du fait de la gestion intégrée de l’ensemble de leurs compétences, les conditions propices au développement. Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole, a ainsi rappelé que si « le dynamisme économique est liée au dynamisme des investissements publics, notamment en matière de mobilité », il n’en demeure pas moins que « le capital humain, et donc la qualité de vie, jouent un rôle essentiel dans la performance des métropoles ». Un constat partagé par Jean-Pisani-Ferry, Commissaire général à la stratégie et à la prospective, qui a rappelé que « les transports, les universités, la formation professionnelle sont aujourd’hui les outils du développement », en appelant toutefois à la vigilance afin de ne pas « nier la tension économique, politique et sociale qui existe entre les métropoles et le territoire. » Ainsi, « la réflexion d’articulation entre métropoles et régions est à bâtir au service de la diffusion de la croissance ».
La seconde table-ronde a prolongé cette interrogation : comment renforcer l’ancrage des métropoles sur leurs territoires pour renforcer une dynamique collective ? Allant à l’encontre d’une certaine doxa qui voudrait que la métropole aspire les ressources des territoires avoisinants à son seul profit, Magali Talandier, économiste à l’Université de Grenoble, a mis en lumière les puissants mécanismes de redistribution à l’œuvre, notamment dans l’Ouest de la France. Elle a également démontré la relation gagnant-gagnant inhérente à toute croissance métropolitaine – « les métropoles dynamiques sont celles qui disposent d’un hinterland également dynamique, la relation est mutuellement bénéfique » - mais aussi la nécessité d’organiser la complémentarité entre ces territoires. Un impératif de coopération au service des habitants et du développement économique qui, selon les mots d’André Rossinot, Président du Grand Nancy, « ne peut se résumer dans des schémas », mais doit au contraire s’incarner dans la coopération interterritoriale. Puisqu’il n’existe « pas de frontières mais des mitoyennetés », opposer les métropoles au reste du territoire n’a pas de sens. A l’inverse, les territoires doivent travailler « autour d’un projet partagé, et non à partir des limites territoriales ». Un renforcement de la coopération qui passe également par un « renforcement de la péréquation de proximité. » Dans ce cadre, l’articulation efficace entre la région et la métropole est essentielle. Dénonçant toute velléité de « jacobinisme régional », Christophe Clergeau, premier vice-président de la Région Pays-de-la-Loire, a ainsi rappelé la responsabilité collective de « défendre l’alliance des territoires pour les habitants » et de « parvenir au bon équilibre territorial ». En cela, la région doit jouer un rôle de stratège et être moteur de projets. Selon ses mots, « la métropole est le cœur, la région est le corps et les réseaux ». Marie-Caroline Bonnet-Galzy, Commissaire générale à l’égalité des territoires, a clairement rappelé que « l’égalité des territoires ne signifie pas un traitement indifférencié ». Faisant écho aux précédents propos de Jean-Marc Ayrault qui rappelait que « les métropoles sont une nécessité pour organiser la solidarité interterritoriale », la Commissaire générale a posé la nécessité de mieux accompagner les métropoles, moteurs économiques du pays, avec les instruments adaptés à leurs spécificités.
L’après midi a été consacrée à des travaux plus prospectifs. La troisième table ronde s’est ainsi interrogée sur la capacité du cadre juridique de la décentralisation à mieux accompagner les coopérations interterritoriales. Déplorant le retard pris par notre pays sur ce point depuis de nombreuses années, Martin Vanier, géographe, s’est interrogé sur la pertinence aujourd’hui de la notion d’interterritorialité au vu de la difficulté de mise en œuvre qu’elle rencontre du fait de la résistance des logiques politiques et institutionnelles. A contrario, sans attendre les décisions politiques, les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en Bretagne et en Pays-de-la-Loire ont pris en main leur destin pour dessiner leur propre de périmètre de coopération. Olivier Laboux, Président de l’Université de Nantes, a donc présenté l’Université Bretagne Loire, illustration d’un nouveau modèle universitaire inter-métropolitain et interrégional qui s’appuie « sur les réseaux pour dépasser les concurrences et servir les territoires ».. David Samzun, président de Saint-Nazaire Agglomération et premier vice-président du pôle métropolitain Nantes Saint-Nazaire, a quant à lui insisté sur la valeur ajoutée du pôle métropolitain au service de l’ensemble de ses intercommunalités. Fondé sur le principe de la codécision, il permet de renforcer un jeu à somme positive avec Nantes. Il a également souligné l’importance d’outils comme l’agence de développement économique et internationale Nantes Saint-Nazaire Développement, leviers de croissance mutualisés au service de l’ensemble de leur territoire. Dans son intervention, Robert Herrmann, Président de Strasbourg Eurométropole, a lui aussi plaidé pour des « territoires en réseaux plutôt qu'en concurrence », notamment dans le pilotage des grands projets. Il a ainsi insisté sur « la nécessité de s'allier aux autres territoires français et transfrontaliers » dans le cadre de la future grande région.
La dernière table-ronde avait quant à elle pour objectif de s’interroger sur les perspectives politiques des métropoles. Patrick Le Lidec, politologue, a positionné le débat sur le terrain démocratique, alertant sur le fait que « les limites du système démocratique actuel dans les métropoles avaient été atteintes », et appelant à repenser le mode de désignation des élus sur ces grands territoires en réinterrogeant le rapport au scrutin communal. Estelle Grelier, députée de Seine-Maritime et spécialiste des questions de décentralisation, a expliqué la difficulté de convaincre l’ensemble du Parlement sur une vision moderne de l’organisation territoriale de la République. Un important travail de pédagogie reste à conduire. Le débat sur la loi NOTRe sera à cet égard décisif et devra conforter la loi MAPTAM autour d’un renforcement du couple régions/intercommunalités, de la clarification des compétences départementales, de l’avènement d’un véritable Etat péréquateur et d’une Europe des projets. Clôturant cette dernière table-ronde, Johanna Rolland a appelé à une véritable « alliance entre les représentants du territoire et du Parlement », et à la mise en place dès 2020 de l’élection au suffrage universel direct pour les métropoles, une évolution logique au vu des compétences exercées et budgets afférents. Elle a par ailleurs martelé la nécessité de préserver la capacité d’action des métropoles en matière d’emploi et d’innovation, ce qui ne peut être compatible avec la mise en place de schémas prescriptifs unilatéraux. La nouvelle organisation territoriale doit se construire à partir des citoyens, sans donner le sentiment d’une réforme dont la visée collective aurait été confisquée par la défense d’intérêts spécifiques. Pour cette raison, elle devra également veiller à ne pas sombrer dans un clivage stérile et dangereux qui opposerait l’urbain et le rural au lieu d’en organiser la complémentarité.
Faire le pari des métropoles, « ce n’est pas uniquement faire le pari de la compétitivité mais celui de la valeur commune de solidarité ». C’est par ces mots que Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation et de la Fonction Publique, a ouvert son discours de clôture. Par leur capacité d’entraînement économique, « les métropoles sont une force pour l’ensemble du territoire ». Mais elles sont également dépositaires d’une grande responsabilité : être des « territoires attentifs », inscrivant leur action dans la recherche de la mixité, le refus du repli sur soi et le renforcement de la solidarité avec les territoires en difficulté, qu’il s’agisse des « quartiers oubliés, des ceintures suburbaines ou du monde rural ». Car « les métropoles ne sont pas des territoires privilégiés ». Confrontés au contraire aux défis de l’inégalité et de la pauvreté, elles doivent bénéficier de tous les leviers leur permettant de se développer au service de tous les habitants, quels que soient leurs territoires. Ce qui passera notamment par « une intégration forte, au service d’une coopération renforcée entre les territoires » et d’une « meilleure territorialisation » des politiques publiques.
Des objectifs auxquels devra, selon elle, répondre la loi NOTRe, et qui seront atteints grâce à une meilleure articulation entre régions et métropoles. La ministre a ainsi insisté sur la nécessité « d’avancer ensemble vers cette forme de société du contrat », qui seule permettra d’apporter des réponses adaptées à la diversité des territoires. Les Conférences territoriales de l’action publique (CTAP), laboratoires de l’action publique de demain, ont un rôle à jouer dans ce cadre. Elles devront en particulier permettre aux métropoles, dont la forte intégration permet une meilleure articulation avec les territoires, de se doter de responsabilités nouvelles, y compris des compétences exercées jusque-là par l’Etat. Citant les propos de Johanna Rolland, la ministre a rappelé que cette nouvelle organisation territoriale ne pourrait se faire sans le citoyen, qui en est l’origine et le but ultime, et sans la reconnaissance de l’action des fonctionnaires territoriaux, qu’il importe de rassurer, de protéger et de mobiliser vers cet horizon partagé. Car les métropoles sont « la promesse du rassemblement autour d’un destin commun ».