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Publié le
Jeudi 17 Juillet 2014
Gérard Brunaud, est co-fondateur et vice-président exécutif de l’Observatoire des achats responsables (ObsAR) et siège à la Plateforme RSE. Il a été interviewé par JCP A – La semaine juridique.
« Le ‘mieux-disant’ est bien en soi une démarche d’achat responsable » – Interview de Gérard Brunaud

La Semaine Juridique (JCP A) : Pouvez-vous en quelques mots nous présenter l’Observatoire des achats responsables (ObsAR) ?

Gérard Brunaud (GB) : L’Observatoire des achats responsables (ObsAR), est une association créée en 2010. C’est un « think tank » privé / public qui a pour objectif de proposer un lieu privilégié d’échanges, de connaissance et d’approfondissement des bonnes pratiques en matière d’achats responsables. Il vise notamment à mettre à la disposition de ses adhérents des indicateurs de mesure et d’évolution des pratiques « métier » et des espaces de rencontres entre les parties prenantes. Il a piloté à l’AFNOR en 2012 l’élaboration de la norme « achats responsables » (NF X 50-135), première déclinaison sectorielle de l’ISO 26000, qui promeut l’intégration d’objectifs de développement durable et de responsabilité sociétale des organisations dans les politiques d’achat et leur mise en œuvre, dans le public commedans le privé. L’ObsAR travaille en partenariat avec de grands réseaux et les institutionnels, il édite des guides pratiques produits par ses groupes de travail, participe à de nombreux évènements « achats » et publie annuellement avec OpinionWay le Baromètre des achats responsables. Il est membre de la
Plateforme française d’actions globales pour la RSE (Responsabilité sociale des entreprises).

JCP A : Quelle(s) différence(s) faites-vous entre « offre économiquement la plus avantageuse » et « achat responsable » ?

GB : L’offre économiquement la plus avantageuse est la définition officielle et réglementaire de la notion de « mieux-disant », qui est l’expression des critères de choix fondant l’attribution du marché à la meilleure offre. Le prix n’est là qu’une des composantes d’un ensemble de critères techniques, qualitatifs et économiques, sociaux ou environnementaux qui permettent de sélectionner le produit ou le service, ou encore les travaux, qui répondent le mieux à la détermination par le donneur d’ordre de son besoin d’achat, qui est l’objet du marché. J’espère que la nouvelle directive européenne va bien, comme prévu, supprimer toute référence au moins-disant (le prix le plus bas comme critère unique) en obligeant à définir le mieux-disant. Ce critère de performance économique fait appel à la notion d’estimation du « coût global » (et pas seulement du prix d’achat) sur la durée de vie du produit, intégrant d’ailleurs sa fin de vie ou son recyclage, ainsi que les externalités négatives éventuellement générées (pollution, par exemple). Le « mieux-disant » est bien en soi une démarche d’achat responsable. Mais c’est d’abord dans la détermination du besoin lui-même que le caractère responsable de l’achat doit s’avérer. L’acheteur responsable va dialoguer avec le prescripteur pour déterminer le juste besoin d’achat, valider par leur connaissance conjointe du
marché les solutions potentielles attendues ou l’opportunité d’autoriser une variante, définir l’allotissement pertinent, et surtout mesurer l’impact de cet achat sur les parties prenantes externes que sont les fournisseurs, bien sûr, mais aussi le territoire, son développement économique, l’environnement, l’emploi… C’est la démarche globale qui fait l’achat responsable.

« Au quotidien, la mise en œuvre d’une vraie politique et de bonnes pratiques d’achat responsable demande de l’anticipation »

JCP A : Pour réussir un achat responsable, quelle est l’organisation optimum de la fonction « achat » dans une collectivité ?

GB : Il n’y a pas de modèle absolu, bien sûr, d’autant que cela variera évidemment avec la taille et les compétences de la collectivité, mais quelques « fondamentaux » peuvent être proposés. Pour moi, les deux principes de base sont la transversalité et l’autorité. Le service achats, ou le fonctionnaire responsable des achats, devra donc être placé sous une autorité incontestable et compétente sur l’ensemble des services, y compris les services techniques ou informatiques.
C’est la seule façon d’assurer la mise en place réelle, concrète et complète d’une politique qui restera définie par les élus de la collectivité, mais qui n’est pas toujours facilement appliquée, y compris lorsqu’elle est votée sous la forme d’une délibération du conseil. Ensuite, le système d’information de la collectivité devra permettre d’assurer le suivi de cette politique d’achats en intégrant les objectifs de développement durable ou de responsabilité sociétale qui s’y attachent.
Bien entendu, au quotidien, la mise en œuvre d’une vraie politique et de bonnes pratiques d’achat responsable demande de l’anticipation… Il n’est pas question de demander l’intégration de clauses sociales d’insertion, par exemple, trois jours avant de publier l’avis de marché de travaux ou de prestations de services qu’il faut impérativement renouveler ! Pour engager une telle politique, il faudra se donner un peu de temps et générer de nouvelles habitudes de travail, moins « verticales », plus coopératives…

JCP A : Comment faire pour que les indicateurs de performance de l’achat responsable ne se transforment pas en usine à gaz ?

GB : Cette question nous interpelle évidemment… d’autant qu’elle se fonde sur des expériences assez malheureuses ici et là, y compris dans les services de l’État. La première leçon à en tirer est d’éviter absolument de rechercher la justesse dans le détail et l’exhaustivité. La batterie la plus complète d’indicateurs permettant de remonter deux chiffres après la virgule ne fera jamais un bon reporting. Une mesure pertinente des achats responsables ne dépassera pas une douzaine ou une quinzaine d’indicateurs, certains très généraux, d’autres très « ciblés » selon les axes principaux de la politique décidée par la collectivité. Dans son groupe de travail sur le sujet, l’ObsAR en a défini et documenté seulement 15, après expérimentations, et d’autres réseaux d’acheteurs sont, à peu près, sur les mêmes bases.
Une chose est sûre, en tous cas : il faut faire simple si on veut être clair… et surtout si on veut pouvoir véritablement évaluer cette politique globale, comme toute politique publique qui se respecte, sur la base d’éléments probants, traçables et partageables qui restent faciles à rassembler.

« La concertation avec les parties prenantes et l’étude d’impact sur l’écosystème territorial, sur son développement économique et l’emploi généré par sa politique, je pense fondamentalement que c’est excellent pour un élu responsable ! »

JCP A : Quels sont les arguments que vous utiliseriez pour convaincre les élus de promouvoir les achats responsables dans leur collectivité ?

GB : Je leur demanderais d’abord s’ils veulent être réélus ! Au-delà de la boutade, il est clair que cela va les y aider… Reprenons les choses… La concertation avec les parties prenantes et l’étude d’impact sur l’écosystème territorial, sur son développement économique et l’emploi généré par sa politique, je pense fondamentalement que c’est excellent pour un élu responsable ! Quand, en plus, ça ne coûte pas plus cher au contribuable local et que cela permet d’investir plus durablement, de façon plus raisonnée, voire économe en ressources ou en énergie, on approche d’un bilan sans faute… Et comme on permet de surcroit à ses services de travailler intelligemment et, ainsi, aux personnels de trouver un sens supplémentaire au service public, on a une collectivité heureuse…
Bon, n’oublions pas tout de même que cela demande un peu de travail ! Ceci étant, beaucoup d’élus s’y sont mis et ont déjà « de belles histoires à raconter » à ce sujet…, de quoi inciter leurs collègues à les rejoindre dans ces bonnes pratiques et, aussi, leurs excellentes statistiques.

JCP A : Pourriez-vous nous parler de la Norme achats responsables ?

GB : Cette norme est la première déclinaison sectorielle de la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des organisations (donc, pas seulement des entreprises, mais aussi des services publics). C’est une norme de comportement, donc non certifiable, qui repose sur des recommandations liées aux principes de la responsabilité sociétale appliqués aux sept questions centrales pour les organisations que sont la gouvernance, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail, les bonnes pratiques des affaires, les questions relatives aux consommateurs, l’environnement et l’engagement sociétal local. Avec l’AFNOR et dans des groupes de travail multi – parties prenantes, les responsables de l’ObsAR ont piloté pendant 18 mois l’application de ces principes à chaque étape du processus achats, travail qui a débouché sur l’adoption de la norme NF X 50-135. Celle-ci comporte deux fascicules : l’un sur la politique et la stratégie d’achats responsables, l’autre sur sa mise en œuvre opérationnelle. Cette normeNF a été validée par l’ISO comme base de travail d’un groupe international de normalisation piloté par la France qui a pour objectif de définir une norme internationale « achats responsables ». Ce groupe est composé de 43 pays et a débuté ses travaux. Nous sommes très mobilisés à l’ObsAR sur cette perspective de faire progresser l’ensemble de la communauté des achats, publics et privés confondus, vers des pratiques responsables mieux partagées.

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