La nécessité de normes, d’indicateurs et de standards
Entendue comme « une ville qui cherche à résoudre des problèmes publics à l’aide des solutions offertes par les technologies de l’information et de la communication, sur la base de partenariats d’initiatives municipales et en mobilisant de multiples parties prenantes », la Smart City nécessite l’élaboration d’indicateurs et de standards communs afin d’évaluer son développement, et d’encourager la coopération entre Smart Cities. Doit-on tendre vers un modèle homogène sinon commun de Smart City ou bien permettre aux villes de contextualiser leur projet ? La question reste ouverte : normes, indicateurs et standards communs ne sont pas synonymes d’uniformité de la ville.
Certains indicateurs et standards existent déjà. À une échelle transnationale, la norme ISO37120 a été élaborée avec des indicateurs afin d’évaluer les services urbains et la qualité de vie d’une ville, tandis que la charte numérique verte (Green Digital Charter) initiée par Eurocities (un réseau de grandes villes européennes) engage les villes à coopérer en matière de changement climatique au moyen des technologiques numériques. À une échelle nationale, le Royaume-Uni par exemple a développé son propre standard pour favoriser l’innovation, et le Cities Standards Institute regroupe des villes prêtes à coopérer pour identifier les défis, apporter des solutions communes et définir des normes.
Les Smart Cities face à trois grands défis juridiques et de justice
Le développement des technologies associées au numérique soulève trois grands enjeux et défis pour les Smart Cities, sur le plan juridique et de la justice. Ces enjeux et défis concernent tant les individus et les collectivités territoriales que les opérateurs privés, acteurs déterminants et parties prenantes de la Smart City.
La question de la « propriété de la donnée », le premier enjeu et défi, va de pair avec la question de la responsabilité des parties prenantes de la Smart City, dans la conception, la réalisation, l’exploitation et/ou la maintenance des projets. Une condition néanmoins pour faire face à ce défi juridique : que les collectivités locales se forgent une « culture de la donnée » en prenant conscience de la valeur de celle-ci.
Le second enjeu est lié à l’ouverture et l’utilisation des données. Une question au cœur de la stratégie des nouveaux entrants (les GAFAM[1]), qui profitent du « vide juridique » actuel pour tirer un avantage concurrentiel de la réutilisation des données face aux opérateurs traditionnels de la ville (en France, la RATP par exemple, est désormais dépendante des GAFAM). Cet enjeu économique de concurrence va de pair avec la nécessaire protection des droits de personne. Un cadre juridique en construction, avec de premières normes à l’échelle européenne : la Directive 95/46/CE vient consacrer l’anonymisation systématique des données et le « droit à l’intimité numérique ».
Le troisième défi et enjeu est celui de la cybersécurité. Le développement des technologies associées au numérique dans le cadre des Smart Cities est source de menaces et de nouveaux risques. La hausse des cyberattaques et l’émergence d’une cybercriminalité à grande échelle (appelée rançongiciel ou ransonware) sont deux dimensions et indicateurs de cette nouvelle réalité. Alors que les technologies numériques redessinent la géographie du droit par son caractère extraterritorial, garantir une (cyber)sécurité dans les villes invite les acteurs non seulement à mener une réflexion sur le délai de conservation des données (une réflexion sur les normes in fine…), mais également à envisager davantage de coopération entre les parties prenantes de la Smart City, les services de police nationaux entre eux, mais également entre services de police et acteurs privés.
La définition de solutions et l’élaboration d’outils pour répondre à ces défis et enjeux de la Smart City supposent alors un triple travail de sensibilisation des collectivités locales (réalisé en France par les pôles de compétitivité et les chambres de commerce et d’industrie ainsi que par l’ANSSI[2]), d’information et de développement des moyens… En effet, si les villes prennent progressivement conscience des défis et enjeux des Smart Cities, elles sont freinées par un manque d’expertise juridique en interne.
Edward Chekly
Intervenants
Ouverture par Michel YAHIEL, commissaire général de France Stratégie
Nathalie PLOUVIET, avocat à la Cour d’appel de Paris, directeur du département Droit de l'Internet des objets au Cabinet Alain Bensoussan Avocats,
Myriam QUEMENER, magistrat, détaché au ministère de l’Intérieur, conseiller juridique, Mission de lutte contre les cybermenaces
Contacts
Christine Raynard et Camille Boulenguer
smart.cities@strategie.gouv.fr
[1] Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft
[2] L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information