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Événements
Publié le
Vendredi 04 Juin 2021
Jeudi 17 Juin 2021
14h00 à 17h00
Objet central de la gestion des ressources humaines, la compétence est également devenue une référence pour les politiques d’emploi et de formation tout autant qu’un enjeu formel du dialogue social. Pourtant, au-delà des discours, les approches fondées sur les compétences restent encore largement minoritaires en entreprise, où elles renvoient avant tout à des processus RH très formels, inaccessibles pour une large part d’entre elles.

Comment renforcer le dialogue social afin d’aider à l’émergence des compétences et à la sécurisation des parcours ? Comment susciter une prise de conscience collective de la centralité de l’enjeu compétence ? Comment mettre en œuvre les recommandations du rapport en matière de renouvellement des discours et des pratiques d’accompagnement ?

Cette présentation s’est articulée autour de deux tables rondes : une première qui a réuni des représentants des partenaires sociaux et une seconde qui a été dédiée aux acteurs institutionnels du champ de l’emploi et la formation professionnelle.

Sont intervenus :

Animation de Marième Diagne et Vincent Donne, chefs de projet à France Stratégie

  • Philippe Debruyne, secrétaire confédéral – CFDT ;
  • Francis Petel, vice-président de la commission formation – CPME ;
  • Ludovic Bertrand, directeur – Réseau des Carif-Oref ;
  • Guillaume Laurent, responsable de l’Observatoire - OPCO des Entreprises de Proximité ;
  • Laurent Duclos, chef de projet « Ingénierie de parcours et stratégie d’accompagnement » – DGEFP.

Consultez le rapport « Quelle place pour les compétences dans l’entreprise ? » 

Revoir l’événement de présentation du 3 juin 2021

Compte rendu

Partir de l’expérience et des besoins des entreprises pour parvenir à faire du développement des compétences « une nouvelle forme de dialogue social » ; c’est, en somme, le diagnostic partagé par les intervenants venus débattre des conclusions du rapport du Réseau Emploi Compétences, le 17 juin 2021.

Date de publication: 
Vendredi 18 Juin 2021

Les « approches compétences » ne concerneraient en France qu’un quart des entreprises. Des entreprises qui, au-delà de leurs obligations légales en termes de formation ou de sécurisation des parcours professionnels, disent se sentir « peu ou pas préoccupés » par la gestion des compétences. Un vrai paradoxe à l’heure où elle est érigée en référence par les acteurs de l’emploi et de la formation, normalisée via la GPEC notamment (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) et consacrée enjeu de politique publique. C’est du constat de ce (grand) écart entre vision institutionnelle et pratiques qu’est né le rapport « Quelle place pour les compétences dans les entreprises ? ». Ses conclusions ont été mises en débat le 17 juin 2021 sous la houlette de Marième Diagne et Vincent Donne, responsables du Réseau Emplois Compétences (REC) et coauteurs du rapport.

Routines et pratiques informelles

« Les chefs d’entreprise ont l’habitude de recruter sur les compétences… il faut juste formaliser la pratique avec des outils ad hoc ». Pour Francis Petel, vice-président de la commission formation à la CPME, c’est une évidence : les entreprises mobilisent de longue date la compétence, mais sans nécessairement l’appréhender comme un outil de gestion ou un enjeu pérenne.

De fait, si les entreprises continuent de recruter sur des critères de qualification et d’expérience-métier « parce que les routines professionnelles génèrent de l’inertie », c’est dans les situations de crise, et singulièrement « face aux difficultés de recrutement », qu’elles recourent aux compétences, observe également Philippe Debruyne, secrétaire confédéral de la CFDT. Typiquement, les entreprises de petite taille, relativement moins attractives, sont poussées à recruter sur des compétences transversales quand elles ne trouvent pas localement de candidat sur des métiers en tension à forte dimension technique.

« La question des compétences se pose dès qu’une entreprise la considère comme stratégique », résume ainsi Philippe Debruyne ; en clair, quand elle peine à recruter, ou quand sa taille est si petite que chaque recrutement s’avère stratégique. En témoignent les deux vocables qui arrivent en tête des sondages quand on demande à un patron de PME ce qu’il recherche en priorité : « polyvalence et adaptabilité ». Des compétences difficiles à objectiver qui font écho au « besoin d’agilité » des entreprises face aux mutations, parfois brutales, de l’organisation du travail et/ou des métiers.

« Parler business et écouter travail »

Alors comment faire d’une pratique ponctuelle et informelle un réflexe ? Autrement dit à quelles conditions les entreprises pourraient-elles investir dans la recherche et le développement de talents de manière systématique et non seulement « quand elles ne trouvent pas leur mouton à cinq pattes » ?

« Il faut parler business et écouter travail ». Cette réponse que l’on doit à Philippe Debruyne résume bien l’avis des débatteurs : les enjeux de compétences peuvent devenir « une nouvelle forme de dialogue social » s’ils servent la stratégie de marché de l’entreprise et permettent aux salariés d’acquérir et de développer des compétences sur leur lieu de travail.

Il s’agit donc, dit autrement par Francis Petel, de « s’intéresser à ce que le salarié va apprendre et à l’apport collectif de ces apprentissages pour l’entreprise ». Comment, concrètement ? D’abord en développant les actions de formation en situation de travail (Afest), mais aussi, selon Francis Petel, en misant sur l’alternance « pour résoudre l’équation qualification étroite versus besoins plus larges » et rapprocher la certification du « vécu réel du travail ». Il s’agirait enfin d’évaluer régulièrement « l’accès à la certification, l’accès à la formation et l’évolution professionnelle » de tous les salariés, quelle que soit leur place dans l’entreprise.

« On va y arriver » conclut Francis Petel. Pas nécessairement en élaborant « un langage commun », encore moins via « une taxonomie des compétences en 13 400 rubriques » telle qu’elle s’élabore à Bruxelles mais « parce que nécessité fait loi ». La crise l’a montré. Face aux difficultés, les entreprises trouvent des « solutions adéquationnistes » et les compétences y sont au cœur.

Recours aux dispositifs d’appui : « il manque le mode d’emploi »

Prestation de conseil en ressources humaines (PCRH), Afest, formation ouverte à distance (FOAD) et formation interne accompagnée… les dispositifs d’aide au développement des compétences et d’accompagnement des entreprises ne manquent pas…, mais le recours plafonne. Pourquoi ?

Du côté des entreprises d’abord, parce qu’elles tendent à se faire aider uniquement lorsqu’elles sont en difficulté, et encore en ce cas, s’adressent-elles plus souvent à un avocat qu’à un acteur de l’emploi et de la formation ! Encore une fois, les approches compétences ne sont pas spontanément perçues comme une réponse. Elles peuvent même sembler en décalage avec leur réalité immédiate, y compris lorsque cette réalité consiste en difficultés de recrutement qu’elles imputent à une « inadéquation des compétences ».

Du côté des acteurs institutionnels ensuite, « la boite à outils est pleine, mais il manque les modes d’emploi », diagnostique d’une formule Laurent Duclos, chef de projet à la Direction générale de l’emploi et de la formation (DGEFP). Autrement dit, en dehors des Opérateurs de compétences (OPCO), les tiers accompagnants ont tendance à « découper a priori le champ d’expérience » de l’entreprise selon leur grille d’analyse et « leur catalogue d’outils». Le sentiment de décalage vient de là aussi. « Il manque une réponse englobante », ajoute Ludovic Bertrand, directeur du Réseau des Carif-Oref. Et ce hiatus vient notamment du « cloisonnement entre le monde du développement économique et celui des acteurs de l’emploi et de la formation professionnelle », y compris au sein même des régions, précise-t-il.

« Accompagner l’expérience de l’entreprise »

Comment changer la donne ? Les réponses convergent : en commençant par s’intéresser aux questions que se posent les entreprises. L’objectif n’est pas tant de « coller à la réalité de l’entreprise » que de « créer de la réalité augmentée » suggère Laurent Duclos, c'est-à-dire de l’aider à mettre en évidence « des situations de gestion » autour de la compétence comme objet.

Il s’agirait donc moins d’apporter des outils clés en main qu’une aide à la « problématisation de leur situation ». Guillaume Laurent, responsable de l’Observatoire OPCO des entreprises de proximité évoque « la co-construction », « la souplesse dans l’adaptation des outils », « une écoute compréhensive » et bien sur un diagnostic en amont des attentes des entreprises. Laurent Duclos parle, lui, « d’intervention intelligente » et « d’association vraie et durable » sur le modèle de la Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI), mise en place par Pôle emploi et l'entreprise qui recrute, en lien avec l’opérateur de compétences. Quant à Ludovic Bertrand, il insiste sur la nécessité de « professionnaliser les acteurs qui vont à la rencontre des entreprises » dans trois domaines : écoute, accompagnement et sensibilisation.

Si l’entreprise a recours à un dispositif, quel qu’il soit, dans la difficulté, « quand quelque chose fait événement pour elle » comme le dit Laurent Duclos, alors « il faut partir de cet événement pour l’accompagner ». La recommandation peut sembler mince au regard d’autres, des questions de gouvernance territoriale à celle de la fabrique d’un « écosystème de la compétence » doté d’un « langage commun ». Et pourtant « accompagner l’expérience de l’entreprise » est bien le défi qui permettrait – pour laisser le dernier mot à Philippe Debruyne – de passer « d’un monde de chasseurs-cueilleurs » où l’entreprise cherche des compétences sur le marché (sans parfois y parvenir) à « un monde de jardiniers » où elle les cultive.

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