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Communiqués de presse
Publié le
Mardi 10 Octobre 2017
Réduire le niveau élevé des dettes publiques est une condition nécessaire pour doter la zone euro d’une architecture, saine, solide et durable. Les politiques de consolidation budgétaires nationales permettent d’y parvenir, mais elles ne porteront pleinement leurs fruits qu’à un horizon d’une ou deux décennies, laissant vulnérables certains États fortement endettés si un choc économique externe survient d’ici là. C’est pourquoi France Stratégie explore trois voies complémentaires, inédites et radicales, pour le cas où la situation viendrait à réclamer un traitement plus rapide.
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Les États européens doivent s’entendre sur l’architecture saine, solide et durable qu’ils souhaitent donner à la zone euro. Mais quelle que soit l’option qu’ils choisiront (voir la note Action critique – 2017/2027 Quelle architecture pour la zone euro ?), un obstacle se dresse pour la mettre œuvre : le niveau élevé des dettes publiques et les écarts importants entre pays européens, qui risquent de cristalliser les oppositions.

Les niveaux actuels de dette publique seront amenés à se résorber progressivement, sous les effets combinés des politiques de consolidation budgétaire et d’un retour à la croissance, mais ce mouvement prendra du temps. Cette stratégie laisse donc vulnérables certains États membres en cas de choc économique d’envergure. France Stratégie explore trois voies complémentaires pour y faire face le cas échéant, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Un engagement de l’ensemble des États membres pour crédibiliser la trajectoire de résorption des dettes publiques

Une première voie consiste en un geste conjoint des pays de la zone euro : le Mécanisme européen de stabilité (MES) serait autorisé à rentrer dans un contrat de swap de taux d’intérêt avec un État fortement endetté qui s’engage durablement dans un processus de redressement de ses finances publiques. Concrètement, le MES recevrait un intérêt indexé sur la croissance du pays soutenu et il paierait le coupon à taux fixe que l’État doit verser à ses créanciers. La trajectoire de réduction de dette sur laquelle s’est engagé cet État se trouverait alors crédibilisée, car elle serait moins dépendante du niveau futur de sa croissance.

Dans cette option, la solidarité des pays européens est réelle, mais circonscrite et conditionnelle au fait que l’État aidé respecte ses engagements en matière de redressement budgétaire.

L’instauration d’un impôt exceptionnel sur le capital immobilier résidentiel

Sans aide extérieure, la seule voie possible pour renforcer la soutenabilité d’une dette publique excessive est d’augmenter la capacité de l’État à lever l’impôt, sans pour autant mettre en danger sa trajectoire de croissance future. Pour ce faire, l’État pourrait décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d’une fraction limitée de leur valeur. Concrètement, il deviendrait ainsi créditeur d’une somme annuelle correspondant à la rémunération du droit d’occupation du sol. Tout propriétaire serait redevable de cette somme, mais il pourrait choisir de ne pas la payer. Dans ce cas, l’Etat récupérerait la somme due lors de la première transaction qui interviendrait sur le bien immobilier (vente ou transmission). Une telle mesure s’apparenterait donc en pratique à une augmentation de la fiscalité sur l’immobilier et sur les transmissions patrimoniales. À titre d’illustration, si l’Italie appliquait cette mesure à hauteur d’un quart de la valeur des terrains résidentiels, elle re-solvabiliserait sa dette publique instantanément de 40 points de PIB.

Cette deuxième voie soulèverait certes des difficultés politiques, mais en cas de crise elle serait moins porteuse d’instabilité que les autres alternatives : coupes budgétaires drastiques et augmentation généralisée des impôts, ou défaut de paiement et sortie en catastrophe de la zone euro. En effet, l’impact à court terme sur la demande serait faible : le transfert en capital toucherait davantage les ménages les plus fortunés et le fait que la rente annuelle à payer puisse être différée jusqu’à la vente ou la transmission du bien permettrait de ne pas affecter le revenu courant des ménages.

Un soutien de la Banque centrale européenne

La troisième voie consiste à chercher le salut du côté de la banque centrale. La BCE pourrait racheter une partie de la dette des État très endettés et, plutôt que d’effacer la valeur de ces dettes, elle les conserverait perpétuellement à son bilan en les transformant en des obligations perpétuelles à taux d’intérêt nul.

Une opération de ce type devrait revêtir un caractère exceptionnel, garanti aux yeux de tous, faute de quoi elle minerait la crédibilité de la banque centrale. Elle poserait des difficultés à la fois de nature juridique, puisque les textes européens n’autorisent aujourd’hui les opérations de rachat d’actifs par la BCE que pour assurer la stabilité des prix et la bonne transmission de la politique monétaire, et de nature politique, puisqu’il s’agirait d’autoriser une opération non conventionnelle profitant seulement aux pays les plus endettés aujourd’hui.

 

Ces trois voies présentent un caractère inédit et radical. L’objectif est lancer le débat, à froid, afin d’avoir à éviter de prendre dans l’urgence des décisions non préparées en cas de choc économique d’envergure survenant dans la zone euro.

La Note d’analyse est publiée sous la responsabilité éditoriale du Commissaire général de France Stratégie. Les opinions exprimées engagent leurs auteurs et n’ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.