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Communiqués de presse
Publié le
Jeudi 15 Septembre 2022
Les populations sont exposées à des polluants d’origine environnementale avec des probabilités et niveaux d’exposition très variables. Ainsi, en France, de 48 000 à 97 000 décès prématurés seraient liés à la pollution atmosphérique chaque année. Existe-t-il une corrélation entre ces expositions et les niveaux de vie des populations concernées ? Pour apporter un premier éclairage de la double exposition aux inégalités environnementales et sociales, France Stratégie a conduit une analyse croisée de six types de pollutions des sols et de l’air pour l’ensemble des communes de France métropolitaine en fonction de caractéristiques socioéconomiques des populations. Les grandes villes concentrent des pollutions, notamment des sols et de l’air, qui constituent autant de facteurs de risques potentiels pour les enfants et les jeunes, plus nombreux à résider dans ces territoires. Les zones agricoles et anciennement industrielles regroupent expositions fortes à d’autres polluants et désavantages sociaux, notamment en termes de chômage et de taux de pauvreté.
NA 112 - Inégalités environnementales et sociales se superposent-elles ? - Image principale

Pollution de l’air, pollution des sols : quels territoires font face à des expositions multiples ?

La pollution des sols fait référence à divers polluants d’origine physique (le plomb) ou chimique (composants organiques, pesticides). Les communes densément peuplées sont davantage exposées à la pollution des sols : 88% des villes de plus de 50 000 habitants présentent des sols non conformes à au moins un seuil réglementaire, contre 2% des villes de moins de 2000 habitants. Les zones fortement polluées sont plus souvent les grandes agglomérations (10 %), suivies des zones résidentielles et industrielles (7 %). Les sols de la région des Hauts-de-France semblent particulièrement pollués, avec 9 % de ses communes concernées représentant 51 % de la population de la région. En termes de pollutions de l’air, on constate de fortes disparités territoriales. Les zones agricoles sont particulièrement exposées à l’ammoniac, issu essentiellement des engrais azotés ou des effluents d’élevage, tandis que les zones industrielles le sont au dioxyde de soufre et les métropoles, au niveau desquelles le trafic routier est plus important, aux particules fines.

Des inégalités environnementales différenciées en fonction de la taille de la commune

La construction d’un indice d’exposition multiple (IEM) aux pollutions permet d’avoir une vision synthétique des combinaisons de facteurs de risques sanitaires. A l’échelle nationale, l’IEM évolue selon le niveau de vie médian de la commune avec un format en U : les populations les plus pauvres et les populations les plus aisées vivent dans les communes à plus fort IEM. Lorsqu’on conduit l’analyse en distinguant les grandes villes et les villes moyennes des petites communes, le constat est différent. Alors que l’IEM est globalement croissant avec le niveau de vie dans les communes de moins de 5000 habitants, les grandes communes apparaissent en moyenne plus exposées aux pollutions que les petites communes, et ce quel que soit le niveau vie médian.

Parce que les métropoles concentrent les cadres et les jeunes, ces populations sont davantage exposées à la pollution, notamment de l’air : en Ile-de-France, 43 % des cadres résident dans des communes à haut niveau d’exposition pour cinq des six pollutions. Le lien entre inégalités d’exposition et inégalités sociales dans les grandes villes n’est donc pas univoque. Alors que les cadres y sont en moyenne plus nombreux que sur l’ensemble du territoire, ils sont rarement localisés dans les communes présentant les indices d’exposition multiple les plus bas ou les plus élevés, les moins et les plus polluées. Les chômeurs sont fortement représentés dans les communes à plus haut IEM. Les ouvriers sont quant à eux sous-représentés dans les communes dont l’IEM est élevé. Les centres-villes et leurs banlieues proches, statistiquement plus pollués, regroupent à la fois des quartiers à hauts et très bas revenus tandis que les zones périurbaines moins polluées sont de plus en plus aisées. Ainsi, Bobigny, qui figure dans les 5 % des communes nationales les plus pauvres, et Le Vésinet, qui figure dans les 5 % des communes nationales les plus riches, ont un IEM proche.

Des communes pauvres plus exposées aux pollutions

Les conclusions obtenues avec l’IEM au niveau national peuvent différer quand on se concentre sur certaines pollutions ou sur certaines zones.

Ainsi, on observe une relation fortement décroissante entre sols pollués et niveau de vie de la commune : 70 % des 10 % des communes les plus pauvres sont exposées à la pollution de leurs sols, contre 42 % des 10 % des communes les plus riches. Cet écart est marqué pour les villes moyennes et petites villes, beaucoup plus polluées que la moyenne nationale.

En zones industrielles, les chômeurs sont fortement représentés dans les communes à plus fort IEM ; les ouvriers, beaucoup plus nombreux qu’en moyenne nationale, semblent également plus souvent localisés dans les communes à plus fort IEM. Si on regarde la part d’individus vivant dans ces territoires sous le seuil de pauvreté selon leur IEM, on observe que le taux de pauvreté croît bien avec l’exposition aux pollutions : alors que les communes à IEM nul font face à un taux de pauvreté de 14 %, ce taux atteint 19 % en moyenne dans les communes à IEM maximal.

Les zones rurales sont plus pauvres avec une population plus âgée, comme c’est le cas en Bretagne. Ces territoires sont peu « surexposés » à l’ensemble des pollutions étudiées mais fortement exposés à l’ammoniac, essentiellement d’origine agricole et aux particules fines pouvant être issues des moissons.

Le casse-tête méthodologique d’une analyse des inégalités environnementales

La grande difficulté d’un travail empirique sur les inégalités environnementales tient à la disponibilité des données. L’absence de données épidémiologiques permettant d’étudier la répartition géographique de maladies susceptibles d’être induites par certains polluants nous contraint à nous intéresser aux facteurs de risques de maladies, et non aux maladies elles-mêmes. Les données relatives aux pollutions sont disponibles de manière très disparate selon les territoires et la nature des pollutions. Cette limite nous contraint à réduire notre analyse à l’échelle communale ou intercommunale, alors qu’une analyse infracommunale serait nécessaire. Enfin, toutes les pollutions ne font pas l’objet de mesures en continu dans le temps et certaines ne sont documentées qu’en termes de respect des normes réglementaires d’analyse.

Malgré ces limites, cette première analyse permet de mettre en avant la corrélation entre exposition multiple aux polluants et précarité sociale pour certains territoires. Elle montre que certaines communes sont multi-exposées, ce qui appelle des mesures ambitieuses de lutte contre les pollutions, ainsi que des actions de prévention sanitaires adaptées aux spécificités territoriales, en distinguant notamment zones agricoles et zones urbaines.