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Espace presse
Communiqués de presse
Publié le
Jeudi 29 Janvier 2015
Ces fiches rappellent les objectifs des mesures évaluées et identifient les indicateurs permettant d’en mesurer les effets. Elles détaillent le contenu des articles du projet de loi et enfin décrivent les résultats des évaluations existantes pour des réformes analogues.
Anne Perrot

Professions réglementées du droit

Ce que la loi prévoit

  • L’orientation des tarifs réglementés vers les coûts (art. 12)
  • La liberté d’installation des notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires et présence de proximité des offices publics et ministériels (art. 14 à 17)
  • L’inscription dans la loi d’un mécanisme d’indemnisation pour les titulaires d’offices déjà installés (aujourd’hui fixé pour les notaires par le décret n° 71-942 du 26-11-1971) (art. 17 III)
  • La simplification du recours au salariat dans les offices publics et ministériels (art. 18)
  • La simplification de l’accès aux professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire (art. 20)
  • La création de la profession de commissaire de justice (art. 20 1° du II) et clarification des règles des ventes judiciaires de meubles (2° du II)
  • La modification des modalités de nomination des greffiers des tribunaux de commerce (art. 20 III)
  • La réduction du champ des incompatibilités d’exercice pour les experts-comptables (art. 21 2°)
  • L’autorisation de la constitution de structures d’exercice interprofessionnelles
  • La facilitation du recours à toute forme juridique pour l’exercice des professions réglementées (art. 21 4°)
  • La simplification des règles relatives à la société d’exercice libéral et à la société de participation financière de professions libérales (hors professionnels de santé) du droit (art. 22)

L’avis de la commission

Les études dont on dispose sur les réformes à l’étranger, même s’il faut les transposer avec prudence au cas français, permettent de retenir un certain nombre de leçons.

  • Les effets de l’entrée de nouveaux acteurs et de la dérégulation des tarifs sur la baisse des prix, l’amélioration de l’offre et la qualité des services sont très plausibles, mais leur manifestation concrète dépend essentiellement de la façon dont la concurrence est effectivement stimulée. De nombreux mécanismes, comme la concentration des nouveaux notaires dans les études notariales existantes ou des barrières à l’entrée maintenues, peuvent réduire fortement leur portée. Pour ces raisons, les expériences étrangères suggèrent ainsi que la portée réelle de nombreuses réformes a été bien en deçà de ce qui pouvait être attendu.
    Les mécanismes mis en place qui visaient à augmenter la concurrence ont souvent été trop faibles pour conduire à une réduction des prix.
  • Les effets sur la qualité et l’offre des services sont globalement positifs. Au vu des expériences étrangères, il ressort que les réformes n’ont pas systématiquement modifié la qualité du service, exception faite des vendeurs de biens immobiliers qui ont une meilleure perception du rapport qualité-prix du service offert. En termes de couverture, on note que la baisse des prix ne réduit pas la couverture géographique mais qu’au contraire, un meilleur maillage peut être observé.
  • Les coûts des transactions immobilières peuvent réduire de façon significative la mobilité résidentielle. Conséquemment, si la baisse des tarifs a une incidence sur les coûts des transactions sur le marché de l’immobilier, la mobilité résidentielle et la mobilité du travail seraient impactées positivement.
  • Plusieurs éléments contenus dans le projet de loi sont cruciaux pour la réussite de la réforme. Le premier est la levée des barrières à l’entrée. De ce point de vue, les mécanismes de compensation par lesquels un nouvel entrant devrait dédommager un acteur en place sont particulièrement préjudiciables à la réussite de la réforme. Un deuxième élément est la définition correcte du couloir de tarification : l’orientation vers les coûts, principe habituel en cas d’ouverture d’un secteur à la concurrence, constitue une norme à laquelle la réussite de la réforme est aussi conditionnée.

 

La justice prud’homale

Ce que la loi prévoit

  • Le renforcement des obligations déontologiques des conseillers
  • L’obligation de formation initiale pour les conseillers
  • La création d’un bureau de jugement restreint
  • La possibilité de passer directement de la phase de conciliation à la formation de jugement présidée par un juge professionnel
  • La possibilité pour le premier président de la cour d’appel d’intervenir en cas d’interruption durable du fonctionnement d’un conseil des prud’hommes
  • La rénovation du cadre disciplinaire applicable aux personnes participant à l’exercice de la justice prud’homale
  • La création du statut du défenseur syndical

L’avis de la commission

Les études disponibles suggèrent que la professionnalisation des conseillers prud’homaux est susceptible d’améliorer la prévisibilité des jugements (que l’on peut mesurer par le taux de confirmation en appel et en cassation), ce qui entraîne des effets positifs pour les salariés et les entreprises, en garantissant une meilleure application du droit. Toutefois d’autres sources d’insécurité sont liées à la mise en œuvre de la jurisprudence sur la rupture du contrat de travail, extrêmement complexe, et qui nourrit une forte insécurité juridique. Celle-ci n’est donc pas uniquement liée au manque de professionnalisation des conseillers prud’homaux.

La réduction des délais de jugement, un des objectifs du projet de loi, a un premier effet clairement bénéfique : il y a un gain d’efficacité pour chacune des parties grâce à une réduction des dépenses. Le coût unitaire d’une procédure devrait donc baisser à la suite de la mise en œuvre de la réforme, ce qui en soi est bénéfique aux employeurs comme aux salariés.

En outre, la réduction des délais combinée à une amélioration de la prévisibilité des jugements visée par la loi peut avoir un effet bénéfique sur le bien-être et le sentiment de sécurité de l’emploi des salariés car ceux-ci peuvent obtenir plus rapidement réparation d’éventuels préjudices.

Étant donné la matière concernée, il est pertinent de s’interroger sur les effets de la loi sur l’emploi : ceux-ci sont plus complexes à saisir. La baisse du coût unitaire des procédures peut théoriquement en accroître le volume, ce qui pourrait augmenter les coûts de licenciement perçus par les employeurs. Or des coûts de licenciement élevés augmentent à la fois les destructions et les créations d’emploi, l’effet net de ces deux mouvements étant en général une baisse de l’emploi. En augmentant le volume des procédures, les mesures contenues dans la loi pourraient donc conduire à accroître le coût global des licenciements. Si à court terme cela peut freiner les destructions d’emploi, à long terme des coûts de licenciement élevés dégradent l’emploi. Cet effet pourrait être compensé par une amélioration importante de la prévisibilité des jugements.

À ce stade toutefois, cet effet est très incertain : selon que le volume des affaires portées devant les prud’hommes augmentera de façon plus ou moins importante en réponse à la baisse du coût unitaire des procédures, l’effet sur le coût total des procédures peut être positif ou négatif. Pour que son impact soit positif, la loi doit nécessairement combiner la réduction des délais de procédure avec une amélioration significative de la prévisibilité des jugements.

L’effet de la réforme sur la productivité, comme sur l’emploi, dépend de sa capacité à combiner efficacement réduction des délais de procédure et prévisibilité des jugements pour réduire les coûts de litiges pour les salariés et pour les entreprises. Si les coûts des litiges diminuent pour les deux parties, la loi peut avoir un impact positif sur la productivité. Une diminution des coûts de licenciement permet une meilleure allocation du facteur travail vers les entreprises les plus innovantes, une meilleure adaptabilité des entreprises à la conjoncture, ou encore un meilleur investissement des salariés dans l’entreprise. En tout état de cause, l’effet attendu sur l‘amélioration de la prévisibilité et la réduction du coût constitue un gain net pour les employeurs comme pour les salariés.

 

L’urbanisme commercial

Ce que la loi prévoit

  • L’autorité de la concurrence pourra s’assurer que l’implantation de commerces respecte les conditions d’une concurrence équitable et offre au consommateur un véritable choix (article 10)
  • L’injonction structurelle (article 11)

L’avis de la commission

Les études montrent que les règles d’urbanisme ont un effet fort sur l’intensité concurrentielle dans le secteur du commerce de détail puisqu’elles influencent à la fois le nombre et la nature des entrées. Elles jouent donc un rôle important dans la concurrence que se livrent les enseignes.

Aussi, l’article 10 du projet de loi, en permettant à l’Autorité de la concurrence d’être saisie ou de se saisir sur les documents d’urbanisme posant le cadre général d’implantation des commerces, pourrait inciter les autorités locales à mieux prendre en compte l’intérêt d’une meilleure concurrence.

Une concurrence plus forte entraîne plusieurs effets positifs. Tour d’abord, plusieurs études font état d’une corrélation positive entre le niveau de la concentration locale et le niveau des prix de détail. La mise en œuvre de cette mesure devrait donc permettre de prendre en compte la nature de la concurrence locale et conduire à une baisse de la concentration et une baisse des prix. Au final, le bien-être des consommateurs devrait s’accroître.

En revanche, les effets sur l’emploi sont plus difficiles à mesurer, les effets de court et de long terme pouvant aller dans des sens opposés, tant sur la création que sur la destruction d’emploi.

Les conséquences de l’adoption de l’injonction structurelle apparaissent plus mitigées. Ce pouvoir qui serait donné à l’Autorité de la concurrence va au-delà du cadre habituel d’intervention des autorités de concurrence et est donc d’effet plus incertain. Aujourd’hui, le droit de la concurrence ne condamne jamais « la position dominante » mais l’abus qui peut en être fait, ce qui constitue une sécurité importante pour l’activité économique. Or, l’injonction de cession d’actifs en l’absence de toute infraction s’apparente à une forme de sanction ce qui pourrait être dangereux pour l’investissement et la vie économique. De plus, l’Autorité de la concurrence s’est toujours refusée à indiquer ce qu’est un prix « normal » puisque dans un régime de libre concurrence ce sont les conditions de l’offre, celles de la demande et le jeu concurrentiel qui définissent principalement les prix. L’article 11 permettrait pourtant à l’Autorité de définir ce que seraient des prix « élevés » susceptibles de déclencher, avec le constat d’une position dominante locale, l’usage de l’injonction structurelle. Dans ce cas, les entreprises préféreraient sans doute s’engager à ne pas pratiquer des prix « élevés » plutôt que de risquer une injonction de cession d’actifs, ce qui pourrait aboutir à une forme partielle d’administration des prix.

Il semblerait que l’article 11 soit une réponse aux rapprochements qui, ne constituant pas des concentrations, échappent au pouvoir d’intervention des autorités de concurrence. Pour autant, il n’est pas certain que l’article 11 fournisse une réponse adaptée. Tout d’abord, les rapprochements de centrales d’achats (qui accentuent la pression des distributeurs sur les fournisseurs) se situent en amont alors que la loi agira sur l’aval, c’est-à-dire la cession de magasins. Enfin, le mécanisme de loi s’appliquerait au niveau local quand les rapprochements se font au niveau national ou international.

Cependant, les autres instruments juridiques appelés par le passé à résoudre ces problèmes s’étant révélés inefficaces ou nuisibles au fonctionnement concurrentiel des marchés, l’injonction structurelle peut constituer une issue aux situations locales problématiques ; la commission préconise en tout état de cause qu’avant toute mise en œuvre de cette mesure, il soit procédé à des analyses économiques de l’état de la concurrence, à l’instar de la démarche adoptée au Royaume-Uni.

 

La commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité

Les membres de la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité et sa présidente, Anne Perrot, souhaitent apporter au débat qui s’est engagé autour de leurs travaux les précisions suivantes :

  1. les membres de la commission ont été choisis par le commissaire général de France Stratégie, Jean Pisani-Ferry, sur la base de leur expertise académique en matière d’évaluation des politiques publiques, ainsi que de leur connaissance des thématiques spécifiques au projet de loi (marché du travail et concurrence notamment) ;
  2. la commission bénéficie de l’appui logistique et humain de France Stratégie, et notamment de la visibilité de son site internet pour rendre publics ses travaux. Mais elle est et demeure une instance autonome, dont les membres statuent sur les éléments du projet de loi en toute indépendance ;
  3. compte tenu des délais resserrés entre l’installation de la commission et le début du débat parlementaire, des groupes de trois ou quatre membres ont réalisé, sur cinq des principales dispositions de la loi, un travail de synthèse de la littérature académique visant à en analyser les effets potentiels. Ces travaux ont ensuite été discutés et amendés par tous les autres membres, de sorte que la commission les assume de façon collective. Ils n’engagent donc pas France Stratégie ;
  4. une attention particulière a été portée à la question des conflits d’intérêts qui auraient pu naître du fait des activités de certains membres de la commission. Au cours de la réunion d’installation de la commission, chacun(e) a fait part de ses activités, passées ou présentes, qui seraient susceptibles de rentrer dans ce champ, et l’affectation des thématiques de travail à chacun des membres en a tenu compte. Par la suite, les membres ayant eu des activités en lien avec certaines professions concernées par le projet de loi n’ont pas non plus pris part aux discussions collectives sur les thématiques correspondantes.
  5. Les membres de la commission réalisent leurs travaux à titre bénévole.