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Espace presse
Communiqués de presse
Publié le
Jeudi 15 Décembre 2016
Avec le projet « 2017-2027 », France Stratégie souhaite analyser les enjeux de la prochaine décennie, examiner les grands choix qui s’imposent au pays, et les orientations qui s’offrent à lui. Après la publication de 13 notes d’enjeux, France Stratégie présentera d’ici le mois de février une quinzaine d’actions critiques, c’est-à-dire d’options précises permettant de mettre en œuvre ces grandes orientations afin d’ouvrir et éclairer le débat en amont de l’élection présidentielle.
2017/2027 - Le véhicule propre au secours du climat - Actions critiques

Pour éviter une hausse des températures synonyme de graves dérèglements climatiques, l’humanité doit fortement réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines décennies. L’Accord de Paris a récemment fixé des objectifs ambitieux en ce sens. La France, dont la production d’électricité est déjà largement décarbonée, doit concentrer ses efforts sur quelques secteurs d’activité, dont celui du transport, à commencer par la voiture particulière. Il lui faudra choisir entre deux scénarios.

Option 1 : un véhicule consommant 2 litres aux 100 km en 2030 et un véhicule zéro émission au-delà de 2050

Les véhicules zéro émission (électriques ou autres) ne se développeraient que très lentement, avec des ventes annuelles ne dépassant pas les 10 % du marché français en 2040.

Ce scénario représente un défi technologique important. Développer un véhicule consommant 2 litres aux 100 km (soit environ 50 gCO2/km) d’ici 2030 implique une amélioration du moteur, une motorisation hybride, le recours à des biocarburants, des modifications portant sur l’aérodynamisme, le poids, les pneus, le rendement des systèmes auxiliaires et les aides à une conduite économe.

Cette option a toutefois plusieurs inconvénients. D’une part, les 30 millions de véhicules particuliers continueraient à produire des émissions de gaz à effet de serre. Aussi, en compensation, un effort devrait être fait dans d’autres secteurs d’activité (agriculture, résidentiel-tertiaire). D’autre part, le prix du véhicule consommant 2 litres aux 100 km pourrait être élevé si les normes exigent non seulement une réduction des émissions de GES mais aussi des polluants classiques. Enfin, cette première option risque d’enfermer les constructeurs européens dans une technologie ne répondant pas à l’objectif de long terme d’une société neutre en carbone.

Au total, le coût pour la collectivité de ce scénario correspond aux 30 MtCO2 qui resteraient produits annuellement en 2050, que l’on peut chiffrer à environ 2 milliards d’euros par an, auxquels il convient d’ajouter les externalités des véhicules thermiques (bruit, polluants classiques).

Option 2 : un marché européen totalement converti au véhicule électrique

Cette seconde option propose de s’orienter dès maintenant vers le véhicule électrique. Aussi dès 2030 des mesures de restriction de circulation pour les moteurs à carburants fossiles seraient appliquées dans le centre des agglomérations européennes et les taxes sur les carburants automobiles monteraient en puissances. Les véhicules à moteur thermique disparaîtraient totalement de la vente à partir de 2040 et seraient interdits de circulation dès 2050.

La réduction des émissions de GES serait alors maximale en France, puisque les 70 MtCO2 émis en 2014 par le parc automobile auraient disparu en 2050. Il resterait toutefois les émissions liées à la fabrication des batteries. Les gains seraient fortement réduits dans les pays où l’électricité resterait produite à partir des énergies fossiles (Pologne, Allemagne).

L’annonce précoce de telles mesures favoriserait l’essor rapide d’un marché d’occasion des véhicules électriques, rendu accessible aux ménages à faible revenu. Elle placerait enfin les constructeurs européens sur un marché porteur, qui devrait concerner très rapidement l’Asie.

Cette seconde option n’est pas sans inconvénients. D’une part, son coût sera élevé pour la collectivité si les constructeurs ne parviennent pas à abaisser le coût du véhicule électrique. D’autre part, les constructeurs européens se trouveront dissuadés de développer un modèle consommant 2 litres aux 100 km, ce qui les privera d’une source potentielle de ventes sur le marché mondial.

Des investissements considérables dans le réseau des bornes électriques seront également nécessaires. En France, le déploiement progressif sur vingt ans de 30 millions de points de recharge et d’un million de bornes de recharges rapides coûterait entre 25 et 35 milliards d’euros à la collectivité d’ici 2050. À cela viendraient s’ajouter les coûts de renforcement du réseau électrique (pour répondre aux appels de puissance liés à la recharge des véhicules électriques) ou encore les coûts d’intégration des énergies renouvelables et du déploiement des smart grids.

 

Le levier principal pour que l’une ou l’autre de ces options prenne corps est le même : l’adoption par le Conseil européen d’une norme ambitieuse de 2 litres aux 100 km pour les émissions moyennes des véhicules neufs à 2030. Dans la première vision, cette norme sera satisfaite par des véhicules thermiques hybrides répondant majoritairement à la norme fixée. Dans la deuxième vision, les ventes annuelles de véhicules neufs à 2030 seront composées pour un tiers de véhicules électriques et pour les deux tiers restants de véhicules thermiques à 3 litres aux 100 km. Gageons néanmoins que la Commission européenne, qui doit proposer dans les prochains mois un nouvel objectif, sera soumise à un puissant lobbying de certains constructeurs en faveur d’une norme moins sévère.