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Point de vue
Publié le
Mercredi 30 Avril 2014
Une lecture de Pisa 2012 : Ne faut-il pas fixer des objectifs de niveaux plus élevés dans les apprentissages parallèlement à ceux de lutter contre le décrochage ? par Vanessa Wisnia-Weill, département Questions sociales du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
Une lecture de Pisa 2012

En dix ans le système scolaire français est devenu plus injuste, ce qui a conduit à se focaliser sur la question des inégalités dans l’analyse des performances scolaires. Les travaux du Commissariat général à la stratégie et à la prospective pour « Quelle France dans 10 ans ? » examinent largement ce problème majeur. Nous souhaitons ici attirer l’attention sur l’axe complémentaire de l’efficacité : former à un niveau de performance donné dans certaines connaissances et compétences.

Il est généralement admis qu’équité et efficacité, deux objectifs centraux des systèmes scolaires, ne sont pas antinomiques. Mais l’on conclut souvent un peu vite que la lutte contre le décrochage et le ciblage sur les élèves plus en difficulté des zones défavorisées sont à la fois une priorité pour l’équité et la clé d’une meilleure performance. Ces objectifs se retrouvent ainsi rabattus l’un sur l’autre, et dès lors très facilement articulés. Certes, le poids des élèves qui n’atteignent pas le socle commun pèse dans le score moyen de la France aux tests Pisa. Mais, il ne suffit pas non plus à l’expliquer. Il importe de disposer d’un diagnostic plus précis sur les niveaux auxquels sont formés les élèves à la fin de la scolarité obligatoire.

S’il peut y avoir débat sur la mutation des connaissances clés, un certain consensus international continue de valoriser l’aisance dans au moins trois champs : langue du pays, mathématiques et sciences. Dans une société de la connaissance qui cherche à former des individus à l’aise avec un environnement technologique mouvant, et à faire émerger créateurs et entrepreneurs, lesélèves français sont-ils assez « équipés » sur ces champs ?

Forme-t-on dès lors à assez bon niveau ? Les jeunes français disposent-ils tous d’un niveau de base permettant de faire face aux situations de la vie courante (niveau 2 dans Pisa) ? La chose est connue, on peut y rattacher la lutte contre le décrochage. La question doit aussi se poser au regard des trajectoires futures des élèves dans l’enseignement supérieur. Avec un corollaire à la clé : quels bons niveaux pour qui ? (niveau 5 et plus dans Pisa). L’analyse des résultats Pisa s’avère alors éclairante avec des réalités contrastées sur les différents piliers.

En sciences, la performance est médiocre en bas et en haut de la distribution (18,7 % d’élèves en dessous du niveau 2, 21ème pays, et 8 % d’élèves au-dessus du niveau 5, 15ème des pays de l’enquête PISA).

En mathématiques, le point clé est celui d’une insuffisante exigence, à tous les niveaux d’élèves.

Contrairement aux critiques d’élitisme, les bons élèves en France ne sont pas formés à très haut niveau (12,9 % d’élèves au-dessus du niveau 5 vs. 17,5 % en Allemagne). La France est médiocre en la matière (15ème sur 34 dans les pays OCDE de Pisa, par exemple derrière l’Allemagne, la Suisse, les Pays-bas, la Finlande, la Pologne et très loin derrière le Japon), presqu’autant que sur ses mauvaises performances sur les élèves en difficulté. Une baisse depuis 2003 semble avoir suivi un effritement depuis les années 90.

Même si les compétences plus spécifiques de résolution de problèmes « non scolaires » sont meilleures, elles le sont surtout en moyenne et pour les élèves du bas de la distribution, mais la France compte là encore peu de très bons (14ème, derrière les pays asiatiques, mais aussi les États-Unis, le Canada, l’Angleterre, l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas, la Belgique, etc.).

À rebours des idées reçues, les analyses Pisa montrent aussi que la France expose peu ses élèves à des mathématiques exigeantes, par exemple des mathématiques formelles avancées et certaines mathématiques appliquées, qui semblent d’après l’OCDE des facteurs de bonne performance des pays. La France surexpose en revanche ses élèves à des mathématiques « simples », ancrées dans le quotidien.

Exigence insuffisante en mathématiques ? Les enfants des élites socio-professionnelles françaises se retrouvent par exemplemoins bien dotées que ceux des allemands en mathématiques et sciences. En lecture, écriture, expression, le niveau est en revanche bon, comparé à celui des autres pays.

De fait, en lecture/compréhension de textes, d’après Pisa 2012, la France serait le deuxième pays européen en formation d’élèves au-dessus du niveau 5. Assiste-t-on sur ce champ à une polarisation du système éducatif entre une frange importante d’élèves de bons niveaux et des élèves très en difficulté ?

Dans tous les pays, des politiques publiques jouent sur le bas et/ou le haut de la distribution, ce qui dessine plusieurs trajectoires possibles. On peut très bien améliorer pendant dix ans le niveau des plus faibles en laissant la performance des autres presqu’inchangée. Est-ce suffisant pour la France en mathématiques et sciences notamment ?

Bien sûr, le niveau des élèves à 15 ans n’est qu’une étape : il faudrait y ajouter l’analyse du lycée, sur lequel nous manquons d’éléments autorisant les comparaisons, et celle du système d’enseignement supérieur, qui peut suffire à remonter le niveau de formation et ouvrir les horizons.

Pour autant plusieurs questions s’ouvrent sur le niveau atteint en fin de scolarité obligatoire : Où se situe le socle commun par rapport aux niveaux de Pisa ? les élèves situés en haut de la distribution (par exemple les 15/20 % du haut de la distribution) ont-ils un niveau suffisamment élevé en fin de scolarité obligatoire ?

Des objectifs explicites d’élargissement du nombre de bons et de très bons élèves (au-dessus des niveaux 5 et 6 de Pisa par exemple), pourraient-compléter ceux de la lutte contre le décrochage, pour conforter la confiance dans l’école républicaine.

Auteurs

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Vanessa
Wisnia-Weill
Anciens auteurs de France Stratégie