Note flash Comment financer le réarmement et nos autres priorités d’ici à 2030 ? Face à la dégradation de la situation géopolitique, la France et l’Union européenne doivent accroître leur autonomie stratégique. Des objectifs de dépenses militaires équivalentes à 3,5 % du PIB, voire 5 % – contre 2 % actuellement – sont évoqués dans le débat. Une telle ambition présente un enjeu de financement, dans un contexte de finances publiques déjà fragiles. Publié le : 19/05/2025 Temps de lecture 62 minutes Télécharger l'édito de Clément Beaune, Haut-commissaire au Plan, Commissaire général de France Stratégie PDF - 2 201.6 Ko Depuis 2014, l’Europe a entamé un réarmement, accéléré par la guerre en Ukraine. Certains pays ont déjà fortement augmenté leur budget militaire, souvent financé par le déficit. La France, bien qu’historiquement active et dotée de l’arme nucléaire, a vu ses dépenses stagner autour de 2 % du PIB ces vingt-cinq dernières années. Après un premier rehaussement, la loi de programmation militaire (LPM) de 2023 a engagé une forte hausse jusqu’à 2030, mais aller au-delà nécessitera un effort historique. Cette note a pour objectif d’éclairer les enjeux de financement d’un tel effort. Elle se projette en 2030 en tâchant de prendre en compte les contraintes et les priorités additionnelles qui pèseront sur nos comptes publics dans les cinq prochaines années. Quatre principaux leviers existent pour financer le réarmement. Premièrement, la maîtrise des dépenses publiques, qui impliquerait des réductions inédites dans d'autres domaines, notamment les prestations sociales ou la fonction publique. Deuxièmement, une hausse majeure des prélèvements obligatoires qui aurait des effets néfastes sur l’activité. Troisièmement, une croissance du taux d’emploi, ambitieuse et difficile à court terme. Enfin, le recours à un financement européen, en particulier via un endettement commun qui soulèverait des défis politiques et juridiques, mais permettrait de mutualiser en partie l’effort avec nos partenaires. Le recours à un levier unique semble irréaliste au vu de l’ampleur de l’effort requis. Il serait donc nécessaire de mobiliser plusieurs instruments pour financer un réarmement de grande envergure. Le juste équilibre entre ces différents leviers devra faire l’objet d’un débat démocratique. Au-delà des contraintes budgétaires, ce réarmement pourrait aussi se heurter à plusieurs obstacles : un recrutement difficile, des chaînes de production tendues, notamment sur la main-d’œuvre ou sur les matériaux critiques, impliquant une mobilisation massive pour réaliser une telle ambition. Enfin, l’efficacité du réarmement dépendra aussi de la coopération européenne. Pour organiser celle-ci, pourraient être institués une revue stratégique commune et un document de programmation militaire européen, une dépense financée partiellement par de la dette commune, et une cible collective, dont une part serait dédiée à l’achat d’équipements produits en Europe (« 1 % européen »), afin d’accroître l'autonomie stratégique du continent. Partager la page Partager sur Facebook - nouvelle fenêtre Partager sur X - nouvelle fenêtre Partager sur Linked In - nouvelle fenêtre Partager par email - nouvelle fenêtre Copier le lien dans le presse-papier Sommaire Introduction Les dépenses de défense en France et en Europe Les finances publiques françaises d’ici à 2030 : concilier assainissement budgétaire et nouvelles priorités Comment financer notre réarmement en cinq ans ? Conclusion Introduction La détérioration du contexte géopolitique en Europe – avec le recentrage stratégique des États-Unis, le désengagement de l’administration Trump et une menace russe durable – conduit la France et l’Union européenne à accélérer leur quête d’autonomie en matière de défense1 . Dans ce contexte, la France envisage aujourd’hui d’accroître son effort de défense. Le président de la République a mentionné un objectif de 3 % voire 3,5 %2 du produit intérieur brut (PIB) tandis que le président américain suggérait aux membres de l’OTAN de monter jusqu’à 5 %3. Une telle hausse des dépenses de défense risque d’accentuer une équation budgétaire déjà rendue complexe par l’impératif de consolidation des finances publiques – nécessaire au respect des engagements européens et à la soutenabilité de la dette – et par la concomitance d’autres priorités pressantes dans les années à venir. Cette note vise à éclairer les débats actuels sur le sujet. Elle examine d’abord les montants aujourd'hui mentionnés dans le débat public en termes de part du PIB avec une perspective historique et en comparaison internationale. Elle questionne la pertinence de cibles exprimées en pourcentage du PIB – 3,5 % ou 5 % – à l’horizon 2030. Après un rappel sur la situation des finances publiques, la note envisage enfin divers scénarios dans les cinq prochaines années (à l’horizon 2030) afin d’illustrer les leviers à activer pour réaliser nos objectifs. Les dépenses de défense en France et en Europe Le réarmement de l’Europe depuis 2014 En 2014, l’annexion de la Crimée par la Russie marque le début d’un mouvement de réarmement en Europe. Celui-ci a débuté en Europe de l’Est, où la proximité avec la Russie a incité les pays baltes, la Finlande et la Pologne à accroître leurs dépenses de défense de 182 % entre 2014 et 20244. Mais c’est à partir de l’invasion de l’Ukraine à grande échelle en 2022, et plus récemment avec la crainte d’un désengagement des États-Unis, que les pays d’Europe de l’Ouest prennent le même chemin. Ce contexte a nourri l’ambition de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) votée en 2023 en France et a conduit en Allemagne à la révision de la règle du frein à l’endettement en 2025 pour investir notamment dans la défense5. Ce mouvement met un terme à la baisse des dépenses en pourcentage du PIB entamée avec l’essoufflement puis la fin de la guerre froide au milieu des années 1980, puis à une stagnation à des niveaux bien en dessous de ceux atteints durant la guerre froide (voir Graphique 1). En effet, hormis l’Italie, tous les grands pays de l’Alliance atlantique consentaient alors un effort d’au moins 3 %. Graphique 1 — Dépenses de défense en pourcentage du PIB, 1955-2024 Transcription Fermer la transcription Notes : avec 34 % en 2024, la courbe de l’Ukraine est hors graphique. Les données pour l’UE évoluent avec l’entrée et la sortie des pays dans l’Union. Lecture : en 1970, les dépenses de défense de la France (en bleu foncé) représentaient 3,5 % de son PIB. Source : d’après SIPRI et FMI Ce réarmement européen devrait, au moins partiellement, réduire l’écart entre les deux côtés de l’Atlantique. En effet, en 2024, les États-Unis affichaient des dépenses de défense près de trois fois plus élevées que celles de l’Union européenne – 921 milliards d’euros contre 341 milliards pour l’UE-27 et 416 milliards avec le Royaume-Uni –, et deux fois plus élevées si l’on considère la parité de pouvoir d’achat6. En revanche, ils comptaient un peu moins d’effectifs que l’Europe (1 316 000 militaires aux États-Unis contre 1 369 000 dans l’UE-27 et 1 510 000 avec le Royaume-Uni7). Par ailleurs, les dépenses militaires de l’Union européenne représentaient en 2024 deux fois et demie celles de la Russie, estimées à 138 milliards d’euros8. En part du PIB, l’effort européen (UE-27) atteignait 1,9 % en 2024, contre 3,4 % aux États-Unis. S’il est difficile de comparer précisément la part des dépenses en équipements et en personnel dans les dépenses militaires car les modèles d’armée et les concepts varient d’un pays à l’autre (notamment en ce qui concerne l’inclusion des pensions), les ordres de grandeur sont éclairants. Traditionnellement, les dépenses de personnel sont relativement plus faibles aux États-Unis que dans les pays européens, confirmant que l’armée américaine est mieux équipée et capable de se projeter à n’importe quel point du globe9. Néanmoins, depuis le début de la guerre en Ukraine, les dépenses de personnel ont tendance à perdre de l’importance au profit des autres dépenses – en équipements, infrastructures, maintenance, etc. – dans l’ensemble des pays. C’est encore plus vrai en Europe, ce qui illustre le renforcement en équipements entrepris par le continent ces dix dernières années (voir Tableau 1). Tableau 1 — Dépenses d’équipements et de personnel dans certains pays de l’OTAN, 2014/2024 Transcription Fermer la transcription Notes : les chiffres doivent être interprétés avec prudence car les concepts varient d’un pays à l’autre (notamment en ce qui concerne l’inclusion des pensions, comprises ici pour la France). Lecture : en France, entre 2014 et 2024, les dépenses d’équipements sont passées de 51 % à 61 % du total des dépenses militaires, soit une hausse de 10 points de pourcentage, comme aux États-Unis. Source : OTAN (voir l’Annexe, section 2) Si les dépenses en matériel ont augmenté, l’Europe souffre néanmoins d’un problème de fragmentation de ses équipements : en 2016, les pays européens (membres ou associés à l’Agence européenne de défense) comptaient ainsi 178 types d’équipements militaires différents, contre 30 pour les États-Unis10, et seulement 15 % des dépenses des pays de l’UE en équipements militaires résultaient de programmes en collaboration en 202111, loin de l’objectif de 35 % affiché en 2017 dans le cadre de la coopération structurée permanente. Par ailleurs, depuis février 2022, seulement 52 % des achats de matériel par les pays membres européens de l’OTAN s’effectueraient en Europe, selon l’IISS12. Un effort de défense supplémentaire au niveau européen devrait donc, en partie au moins, se concentrer sur l’équipement et reposer sur une coopération (industrielle) européenne dans un but d’efficacité et d’autonomie. Comment les pays qui ont rapidement augmenté leur effort de défense l’ont-ils financé et comment ont-ils dépensé ces fonds supplémentaires ? En Pologne, la loi de « défense de la nation » (Ustawa o obronie Ojczyzny) a été adoptée en 2022 afin de renforcer la capacité militaire du pays. En conséquence, les dépenses de défense sont passées de 2,2 % en 2021 à 4,2 % du PIB en 2024. Cette augmentation a été largement financée par le déficit – comme le montre la hausse du déficit structurel primaire de 1,2 % du PIB en 2021 à 3 % en 2024 –, mais avec une dette qui représentait environ 55 % du PIB en 2024. La Pologne a ainsi financé l’achat d’équipements acquis principalement à l’étranger13. Face à la menace russe, la Finlande a non seulement intégré l’OTAN en 2023, mais a, elle aussi, augmenté massivement ses dépenses de défense. Son effort en la matière est passé de 1,3 % du PIB en 2021 à 2,3 % en 2024, une hausse financée par une dégradation de son solde structurel primaire qui est passé de 0 % du PIB en 2022 à -1,9 % en 2024, mais avec une dette limitée à 83 % du PIB en 202414. Là encore, cet effort s’est traduit par l’achat d’équipements principalement à l’étranger15. Ces exemples récents sont cohérents avec une étude de Marzian et Trebesch (2025) qui, examinant les réarmements des cent cinquante dernières années, concluent que les gouvernements confrontés au besoin d’augmenter leurs dépenses de défense en moins de cinq ans privilégient le financement par la dette, et, dans une moindre mesure, par les hausses d’impôts16. La France participe à cet effort, mais doit consolider sa position La France occupe une place particulière en Europe d’un point de vue militaire et stratégique. Depuis le départ du Royaume-Uni, elle est le seul pays de l’Union européenne doté de l’arme nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Deuxième État le plus peuplé de l’UE, elle dispose de la première armée avec 202 000 militaires, devant l’Allemagne (180 000), la Pologne (164 000) et l’Italie (162 000) en 202417. Elle a aussi une politique de défense singulière, reposant sur la notion d’autonomie stratégique18 dont les modalités comprennent la dissuasion nucléaire, un modèle complet d’armée et l’achat d’équipements produits en majorité par des entreprises françaises19. En montants, avec 59 milliards d’euros en 202420, les dépenses annuelles de défense de la France sont historiquement plus faibles que celles du Royaume-Uni qui s’élèvent à 76 milliards. Elles sont passées derrière celles de l’Allemagne depuis 2019, premier pays de l’UE avec 82 milliards d’euros en 2024, et se situent devant celles de la Pologne qui se montent à 35 milliards en 2024 (voir Tableau 2 21). Tableau 2 — Dépenses de défense dans les principaux pays européens, 2018-2024 Transcription Fermer la transcription * Les chiffres français de 2024 sont ajustés pour tenir compte du PIB définitif publié par l’Insee et du montant des dépenses de défense de la loi de finances initiale 2024. Note : les montants sont en euros de 2024. Lecture : en 2024, le Royaume-Uni a dépensé l’équivalent de 76 milliards d’euros dans la défense, soit 2,3 % de son PIB. En corrigeant de l’évolution des prix, cela représente 5 milliards de plus qu’en 2023. Source : France Stratégie d’après SIPRI (yearbook) pour les montants (voir l’Annexe pour des explications sur les différences entre les sources de données), Eurostat pour les déflateurs du PIB et les taux de change Promulguée le 1er août 2023, la loi de programmation militaire (LPM) prévoit une croissance régulière des dépenses de défense françaises sur la période 2024-2030 de 3,2 milliards d’euros courants en moyenne chaque année afin de porter progressivement l’effort de la « mission défense » (hors pensions) à 67,4 milliards d’euros courants en 203022, soit 2 % du PIB selon nos calculs. Cela impliquerait de porter le budget total consacré à la défense à environ 2,3 % du PIB en 2030, en tenant compte des autres dépenses et notamment des pensions militaires23. Un tel effort romprait déjà avec les deux dernières décennies, ce niveau n’ayant pas été atteint depuis 1997. Au total, si la LPM est suivie, elle aboutira à un doublement des dépenses de la « mission défense » (hors pensions) entre 2017 et 2030 (de 32,7 à 67,4 milliards d’euros courants). Néanmoins, si la LPM fixe un cap, seules les lois de finances engagent l’exécutif, en raison du principe d’annualité budgétaire. Ainsi, avant 2015, les lois de programmation militaire de la Ve République ont rarement été respectées. Néanmoins, la LPM 2014-2019 semble avoir marqué un changement, notamment après l’invasion de la Crimée et les attentats de 2015, car ses annuités sont désormais respectées24. Aujourd’hui, la France envisage d’aller au-delà des hausses prévues dans la LPM d’ici 2030 et d’augmenter encore son effort de défense, tandis que la Commission européenne a présenté un plan en mars 2025 pour inciter les États membres de l’UE à accroître leurs dépenses de 1,5 point de PIB (par rapport au niveau de 2021, qui était alors à 1,5 % du PIB) dans les cinq prochaines années. Pour la France, il faut remonter à 1970 pour trouver un effort de défense de 3,5 % du PIB et à 1962 pour trouver un niveau à 5 %. En outre, de telles hausses n’ont jamais été réalisées en France depuis le début de la Ve République. Quelle mesure et quel contenu pour la dépense militaire ? Au-delà de la cible en pourcentage du PIB, de tels efforts supplémentaires, massifs, en France et en Europe, impliquent de réfléchir à la nature de la dépense de défense et aux coopérations européennes qui permettraient d’optimiser ces dépenses. Une cible en pourcentage du PIB pour les membres de l’OTAN est une norme récente, fixée pour la première fois en 2006 et confirmée au sommet de Newport de 2014 qui donnait pour objectif aux membres de l’organisation d’atteindre 2 % d’ici 202425. Si une telle cible offre l’avantage de fournir un indicateur simple, universellement applicable et relatif à la richesse de chaque pays, et s’est ainsi imposée comme une boussole mobilisatrice, cet outil de pilotage n’en présente pas moins de sérieuses limites. En effet, pour garantir la sécurité d’un pays, ce n’est pas tant la part des dépenses de défense dans le PIB qui est déterminante, mais plutôt le volume d’équipements et le nombre de personnels requis, ainsi que leur traduction en termes budgétaires. Le PIB peut en outre enregistrer des variations sans lien avec les besoins de défense, qui requièrent stabilité et prévisibilité. Poursuivre une cible exprimée en pourcentage du PIB pourrait même se révéler contreproductif, en incitant certains pays à inclure des dépenses périphériques dans leur budget de défense, voire à surpayer ou à surcalibrer équipements et services. Dans un contexte de hausse importante des dépenses de défense, partir des besoins réels dans la durée plutôt que d’une cible indexée sur le PIB apparaît indispensable, sans perdre l’effet mobilisateur de cet indicateur bien ancré. C’est pourquoi la Commission européenne a commencé à promouvoir une réflexion partagée entre États sur les investissements les plus urgents à réaliser en matière d’équipements26. En effet, si réarmer l’Europe se traduit uniquement par une hausse des dépenses militaires nationales sans coordination ni stratégie commune, cela aggraverait la fragmentation et la duplication des efforts27. C’est pourquoi le Livre blanc pour une défense européenne a identifié des domaines prioritaires28. Néanmoins, le mode de collaboration et la définition des équipements prioritaires doivent résulter d’une doctrine de défense. La réponse pourrait passer par un processus de type revue stratégique29 au niveau européen, à relier avec les exercices nationaux du même type. Cet exercice de réflexion – en cours en France – est un préalable car porter les budgets à 3,5 % ou à 5 % constituerait un effort colossal, qui ne peut être une fin en soi. En France ou en Europe, la doctrine de défense guide le niveau et la composition des dépenses. Si l’allié américain se désengage, il faudrait par exemple privilégier des modèles d’armée qui compensent ce retrait, en mettant l’accent sur l’organisation logistique ou le renseignement de commandement. Et si l’on considère que la Russie restera la menace essentielle pour l’Europe, des analyses récentes estiment nécessaires une augmentation de 300 000 soldats européens et le renforcement de la production de chars30. Si un pilotage par la seule part du PIB est ainsi discutable, le chiffre de 3,5 % semble néanmoins cohérent avec les ordres de grandeur disponibles de ce qui serait requis pour assurer la sécurité européenne de manière plus autonome. Une étude de 2019 estimait ainsi que le coût total des équipements nécessaires pour combler les lacunes européennes en matière de capacités de défense se situait entre 288 et 357 milliards de dollars, en termes courants (2019)31, soit entre 330 et 405 milliards d’euros en 2025 : cela représente un effort supplémentaire de défense aux alentours de 1,8 point ou 2 points du PIB européen pour les équipements, sans compter les personnels ou l’entretien. Au-delà de la question budgétaire, quelles contraintes et quels défis pour le réarmement ? Une telle augmentation des dépenses d’ici à 2030 ne se traduirait pas immédiatement et aisément en une évolution du modèle d’armée adapté à la nouvelle donne géopolitique. Du côté des ressources humaines, l’enjeu du recrutement demeure crucial32. Dans les années à venir, le nombre de jeunes en âge d’intégrer les forces armées devrait augmenter entre 2025 et 2035, en raison du « mini baby-boom » des années 2000, après avoir connu un creux autour de 2020. Mais sur le plan qualitatif, plusieurs obstacles pourraient freiner le recrutement : des carrières civiles plus attractives financièrement, des contraintes propres au métier militaire jugées dissuasives, un affaiblissement du lien entre l’armée et la nation qui pourrait réduire les vocations33. La capacité à accroître l’effort réel de défense dépend aussi d’une mobilisation de toute la société34. Du côté industriel, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement est un enjeu stratégique pour les entreprises de la défense. Près de six matériaux sur dix utilisés dans la base industrielle et technologique de défense sont critiques, c’est-à-dire essentiels et issus d’un approvisionnement susceptible d’être restreint par le pays fournisseur35. De plus, l’internationalisation des groupes industriels de défense montre une imbrication des chaînes de production entre la France, les autres pays européens et les États-Unis. Les stratégies industrielles de ces dernières décennies se sont calquées sur les alliances militaires et pourraient devoir être remises en question pour accroître notre autonomie stratégique36. Par ailleurs, au-delà des chaînes de valeur et des approvisionnements, un réarmement rapide de la France – surtout en synchronisation avec toute l’Europe – pourrait se heurter à des contraintes d’offre si les industriels ne peuvent augmenter leur production au même rythme. Ceux-ci sont déjà confrontés à des tensions de recrutement dans de nombreux métiers (ingénieurs, ouvriers qualifiés, informaticiens, etc.), qui pourraient être exacerbées par une hausse abrupte de la demande et par la concurrence avec les autres secteurs. Ces contraintes d’offre combinées à une forte demande pourraient conduire à une hausse du prix des équipements qui limiterait l’impact de l’augmentation des budgets publics. Les finances publiques françaises d’ici à 2030 : concilier assainissement budgétaire et nouvelles priorités Une situation budgétaire plus précaire que celle de nos voisins La France affichait fin 2024 une situation budgétaire dégradée, offrant moins de marges de manœuvre que celle de ses partenaires européens : un déficit public de 5,8 % du PIB (le plus élevé de l’UE), une dette publique à 113 % du PIB (la troisième plus élevée après la Grèce et l’Italie), des dépenses publiques représentant 57,1 % du PIB (les plus élevées de l’UE) et des recettes à 51,3 % du PIB (s’expliquant par le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’UE malgré les baisses d’impôts de ces dernières années37). En ce qui concerne les dépenses, les dernières données comparables disponibles indiquent qu’en 2023, les dépenses publiques françaises, à 57 % du PIB, étaient nettement supérieures à celles de l’Allemagne (48,4 %) ou à la moyenne européenne (49 %). L'analyse par fonction montre que la France dépense plus que ses voisins sur plusieurs postes clés, notamment les retraites (hors pensions de réversion) avec 13,1 % du PIB, soit 2,7 points de plus que la moyenne de l’UE ; ou la santé avec 8,9 % du PIB contre 7,3 % en moyenne européenne38. En ce qui concerne la défense, la France dépense aujourd’hui toujours un peu plus en part de PIB que la plupart des autres pays européens. On peut estimer que si elle avait dépensé comme l’Allemagne en part du PIB consacrée à la défense depuis 1995, sa dette serait, toutes choses égales par ailleurs, inférieure d’environ 17 points de PIB à la dette actuelle, et se situerait ainsi sous la barre des 100 % du PIB39. Sur longue période, la France a aussi vu ses dépenses progresser plus rapidement que ses voisins. Ainsi, entre 2001 et 2023, les dépenses publiques françaises ont augmenté de 5 points de PIB, contre 0,7 point en Allemagne. Cette hausse s'explique principalement par une augmentation plus rapide des dépenses de retraite (+2,7 points en France contre +0,2 en Allemagne), par une baisse moins marquée de la charge de la dette (-1,3 point en France contre -2,2 en Allemagne) et par un soutien accru aux entreprises (+1,9 point en France contre +0,7 en Allemagne). En revanche, l'Allemagne a augmenté davantage ses dépenses en éducation (+0,4 point contre -0,6 en France). L’effort de réarmement ne peut faire oublier nos autres priorités Pour stabiliser notre dette et assurer sa soutenabilité à moyen terme, la France s’est engagée à assainir ses comptes publics, avec un ajustement structurel de plus de 5 points de PIB entre 2025 et 2031 dans son Plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT)40 envoyé à la Commission européenne en octobre 2024, ainsi que dans le rapport d’avancement transmis en avril 202541. Cette trajectoire intègre les effets du vieillissement de la population, la hausse de la charge de la dette et une hausse des dépenses de défense à horizon 2030 cohérente avec la loi de programmation militaire de 2023, mais pas au-delà. La trajectoire est également cohérente sur la partie retraite avec les projections de la Cour des comptes actualisées par le secrétariat général du Conseil d’orientation des retraites (COR)42 et avec le récent rapport européen sur le vieillissement43 qui réalise aussi des projections de dépenses d’éducation, de maladie et des soins de longue durée jusqu’en 2070. Dans leurs scénarios centraux, ces organismes concluent à horizon 2030 à une stabilité de ces dépenses par rapport à 2024, en part de PIB. Enfin les dépenses d’intérêt de la dette augmenteraient progressivement, passant de 2,1 % du PIB en 2024 à 3,3 % du PIB en 2030 selon le PSMT. En revanche, la trajectoire envoyée à la Commission européenne ne prend pas en compte les besoins supplémentaires d’investissement – environ 1 point de PIB – identifiés comme nécessaires au respect de nos engagements climatiques. Dans leur rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz44 estimaient ainsi que ces dépenses d’investissement supplémentaires seraient d’environ 66 milliards d’euros chaque année en moyenne d’ici 2030, dont la moitié pour le secteur public soit autour de 1 point de PIB45. Enfin, pour améliorer notre productivité, d’autres dépenses pourraient s’avérer nécessaires. Par exemple, dans l’éducation, en additionnant les besoins estimés, de la maternelle à l’enseignement supérieur, l’effort requis pour atteindre le niveau des pays les plus performants pourrait représenter jusqu’à 1,4 point de PIB46. De même, la commission sur l’intelligence artificielle a proposé un plan d’action pour réaliser les investissements technologiques visant la diffusion de l’IA qui représenterait environ 5 milliards d’euros par an sur les cinq prochaines années47, soit environ 0,2 point de PIB de 2025. Un effort de consolidation budgétaire majeur d’ici à 2030 Les arbitrages concernant ces dépenses devront s’effectuer dans un cadre budgétaire très contraint. La France a notifié à la Commission européenne une cible de solde structurel primaire de 1,1 % en 2030, correspondant à un déficit total de 2,2 % du PIB et une dette de 116 % du PIB. Cela devrait se traduire par une réduction des dépenses en pourcentage de l’ordre de 3 % du PIB48. Ces dépenses ne pourraient augmenter en moyenne sur cette période que de 1,7 % par an en valeur (une croissance bien inférieure à la croissance nominale du PIB de 2,8 % en moyenne), soit 30 milliards d’euros courants par an (ou 0,1 % en volume, soit 2 milliards d’euros constants de 2024 par an), ce qui représente déjà un ajustement très ambitieux au regard des performances passées. La flexibilité dans l’application des règles européennes pour les dépenses de défense décidée en mars 202549 pourrait en théorie permettre de financer notre effort de défense par un déficit plus élevé que prévu. Néanmoins, nos marges de manœuvre sont limitées car repousser une fois encore notre ajustement risquerait de nuire gravement à notre crédibilité financière. En effet, maintenir notre déficit primaire structurel à son niveau actuel (-3,2 %) provoquerait mécaniquement une hausse de notre dette jusqu’à 134 % du PIB d’ici à 2030, au lieu des 116 % prévus (voir Tableau 3). Tableau 3 — Projections de finances publiques dans différents scénarios Transcription Fermer la transcription PSMT = Plan budgétaire structurel à moyen terme. Lecture : sans ajustement du solde primaire, le déficit public se porterait à 7,1 % du PIB en 2030 et la dette publique à 133,5 % du PIB. Avec l’ajustement notifié à la Commission européenne, le déficit et la dette publics se réduiraient en 2030 à respectivement 2,2 % et 116,4 % du PIB. Sans ajustement supplémentaire, les dépenses supplémentaires dans la défense et la transition écologique augmenteraient le déficit de 2,2 points du PIB et la dette publique de plus de 8 points d’ici 2030. Source : France Stratégie à partir de PSMT (2024), Rapport d’avancement annuel (2025), DG Trésor ; Insee Si, en plus, on accroissait progressivement les dépenses de défense jusqu’à 3,5 % du PIB en 203050 (au lieu des 2,3 % cohérents avec la LPM, qui vise 2 % pour la mission défense uniquement), et en ajoutant 1 % de dépenses en faveur de la transition écologique (pour répondre au besoin d’investissements publics supplémentaires de décarbonation), cela augmenterait le déficit à environ 9,3 % du PIB en 2030 et la dette publique à 142 %. Cet effet mécanique ne serait pas compensé par un multiplicateur économique favorable pour les dépenses de défense51. Même si les autres dépenses évoluaient conformément au PSMT, le déficit s’établirait malgré tout à 4,4 % du PIB et la dette publique à environ 125 % en 2030, ce qui serait à la fois éloigné des objectifs affichés, décalé par rapport aux autres pays européens et peu soutenable en soi. Comment financer notre réarmement en cinq ans ? Si l’on souhaite accroître notre effort de défense d’ici 2030 tout en restant dans le cadre de la trajectoire actuellement prévue (déjà ambitieuse et soumise aux aléas du contexte international, commercial notamment), il sera nécessaire de faire des choix très stricts dans nos finances publiques. En effet, comme l’illustre le Tableau 4, les montants qu’impliquent les cibles évoquées en pourcentage du PIB paraissent particulièrement élevés lorsque ces cibles sont exprimées en euros, que ce soit en valeur (euros courants) ou en volume (euros de 2024). Une cible à 3,5 % du PIB impliquerait un doublement en valeur des dépenses de défense par rapport à 2024, tandis qu’une cible à 100 milliards d’euros – soit pratiquement 3 % du PIB – constituerait déjà une hausse de 70 %. Tableau 4 — Projections des dépenses de défense en France dans divers scénarios Transcription Fermer la transcription Note : les cibles sont indiquées en orange. Lecture : en 2030, la LPM porterait les dépenses militaires à 80 milliards d’euros courants (ou 74 milliards d’euros corrigés de l’inflation), soit 2,3 % du PIB. Une cible de dépenses de défense à 3,5 % du PIB en 2030 porterait ces dépenses à 120 milliards d’euros courants (ou 110 milliards d’euros corrigés de l’inflation). Source : France Stratégie, PSMT (2024), Rapport d’avancement annuel (2025), DG Trésor Cette section énumère les différents leviers envisageables et les quantifie afin d’éclairer le débat de manière concrète. Malgré les limites déjà discutées de cet indicateur, nous illustrons à titre pédagogique l’utilisation de ces leviers pour atteindre une cible à 3,5 % du PIB tout en augmentant les dépenses liées à la transition écologique d’un point de PIB (résumée en cinq options dans le Tableau 5 ci-dessous)52. Nous avons choisi d’intégrer ces dépenses supplémentaires liées à la transition dans les scénarios présentés ici, car elles sont indispensables au respect de nos engagements climatiques – qu’ils soient mondiaux (Accord de Paris de 2015), européens (Règlement UE 2021/1119) ou nationaux (Loi énergie-climat de 2019). À la différence des autres priorités, certes importantes, mentionnées précédemment, ces engagements relèvent désormais d’obligations légales53. Tableau 5 — Options de financement des dépenses supplémentaires de défense et pour la transition écologique Transcription Fermer la transcription PSMT = Plan budgétaire structurel à moyen terme. Note : pour les options 3, 4 et 5, la hausse des recettes comprend les gains liés à la hausse du taux d’emploi. Des détails et des scénarios sont disponibles dans l’Annexe, section 7, et la méthodologie et les hypothèses sont expliquées dans l’Annexe, section 6. Lecture : avec les dépenses supplémentaires de défense et de transition écologique, respecter les trajectoires de finances publiques notifiées à la Commission européenne contraint : (option 1) les autres dépenses à n’augmenter que de 0,9 % par an en moyenne d’ici à 2030, soit 15 milliards d’euros courants par an (-0,7 % par an en volume, soit -12 milliards d’euros de 2024) ; ou (option 2) les recettes à croître de 3,7 % par an en moyenne d’ici à 2030, soit 61 milliards d’euros courants par an (2,1 % par an en volume, soit 33 milliards d’euros de 2024). Source : France Stratégie à partir de PSMT (2024), Rapport d’avancement annuel (2025), DG Trésor ; Insee et HCFiPS et DG Trésor (2024) Un premier levier serait de compenser la hausse des dépenses prioritaires – au premier chef la défense – par la maîtrise des autres dépenses (option 1 du Tableau 5). Respecter la cible notifiée à la Commission européenne d’ici 2030 tout en augmentant nos dépenses de défense vers 3,5 % du PIB et de transition verte nous obligerait alors à réduire la croissance des autres dépenses publiques en moyenne entre 2025 et 2030 à 0,9 % par an, soit +15 milliards d’euros courants par an (soit -0,7 % en volume et -12 milliards d’euros constants de 2024 par an). De tels efforts seraient totalement inédits. En euros courants, les dépenses totales ont crû en moyenne de 3,2 % par an entre 2001 et 2023 (et de 1,6 % en volume) et depuis 1959 leur croissance n’a été inférieure à 0,9 % en valeur que deux années, en 2015 et 2018, et à -0,7 % en volume qu’une seule année, en 2023, en raison d’une inflation supérieure à 5 %. Pour réaliser de telles économies, il faudrait mener une revue approfondie et très ambitieuse des dépenses. En outre, si l’on ajoute les priorités évoquées dans la section précédente (éducation, recherche, investissement dans l’IA, etc.) dont les dépenses devraient augmenter en pourcentage du PIB ou a minima être préservées, et qui ne sont pas prises en compte dans nos calculs, la baisse des autres dépenses devrait être encore plus drastique54. À ce niveau, cela affecterait forcément les montants alloués aux prestations sociales (soit environ 530 milliards d’euros, pour une dépense sociale totale qui représente environ la moitié de la dépense publique)55 et aux rémunérations des agents publics (environ 350 milliards d’euros). Deuxième levier possible, un accroissement des prélèvements obligatoires est parfois évoqué dans le débat pour financer le réarmement et les autres priorités clés (option 2 du Tableau 5). Pour respecter notre cible en termes de déficit et de dette à 2030, les recettes nominales devraient ainsi augmenter en moyenne entre 2025 et 2030 de 3,7 % par an en euros courants, soit de 61 milliards d’euros courants par an en moyenne durant les cinq prochaines années (soit +2,1 % en volume et +33 milliards d’euros constants). Cela représenterait, chaque année, une hausse de 15 milliards de plus par rapport à une situation où les recettes augmenteraient spontanément avec l’activité et l’inflation. Pour donner un exemple frappant, sachant qu’accroître d’un point le taux normal de TVA rapporterait – toutes choses égales par ailleurs, sans compter les effets négatifs sur la consommation – environ 8 milliards de recettes par an56, un financement par l’impôt impliquerait une hausse de près de 2 points de la TVA chaque année pendant cinq ans, soit près de 10 points au total ! Pour donner un autre ordre de grandeur, à supposer que les obstacles juridiques puissent être levés, le rendement évoqué par la proposition de loi qui visait à instaurer un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des « ultra-riches » se situerait entre 15 et 25 milliards d’euros par an57. L’effort de financement évoqué ici impliquerait la mise en œuvre de mesures nouvelles de cette ampleur chaque année pendant cinq ans. Des hausses d’impôts d’une telle ampleur auraient un effet négatif sur l’activité et entraîneraient une contraction des recettes. Pour atténuer ces effets négatifs, des réformes des dépenses fiscales (« niches ») considérées comme les moins efficaces pourraient être mises en place. En 2024, Auclert et al. du Conseil d’analyse économique avaient par exemple énuméré une série de dépenses fiscales importantes pour réduire notre déficit. Néanmoins, même la somme des recettes supplémentaires dégagées (environ +17,5 milliards d’euros courants chaque année) ne suffirait pas à couvrir les besoins discutés ici58. Financer tout l’effort de défense par l’impôt représenterait un choc fiscal massif, impactant l’activité. Un troisième levier serait de mettre en place des réformes structurelles qui amélioreraient le potentiel de croissance français et donc réduiraient notre déficit structurel (en augmentant principalement la base des recettes, mais aussi possiblement en réduisant les dépenses). Le taux d’emploi est particulièrement faible en France notamment chez les jeunes, les travailleurs les moins qualifiés, les seniors et les femmes, si on le compare par exemple aux taux observés en Allemagne, aux Pays-Bas ou même, pour certaines catégories, en Pologne et à la moyenne européenne (voir Tableau 6)59. Tableau 6 — Taux d’emploi en 2024 dans différents pays européens Transcription Fermer la transcription * L'Espagne et la France incluent les personnes en chômage partiel ou temporaire. Note : le niveau de diplôme utilise la norme ISCED (International Standard Classification of Education) qui mesure le niveau d’éducation d’une personne en fonction du programme de formation le plus avancé qu’elle a entièrement achevé et qui est validé par une certification de qualification reconnue par les autorités éducatives du pays ou par un organisme officiel à la légitimité équivalente. Le niveau bas (ISCED 0-2) va d’aucun diplôme au collège, le niveau moyen (ISCED 3-4) du lycée au post-bac hors supérieur, le niveau haut (ISCED 5-8) de la licence au doctorat. Lecture : en 2024, 71,6 % des hommes entre 15 et 64 ans étaient en emploi en France. Source : EU-LFS (Labor force survey), Eurostat d'après les instituts nationaux de comptabilité nationale Pour financer intégralement une hausse des dépenses de défense à 3,5 % du PIB et nos besoins supplémentaires pour la transition verte, soit une hausse des dépenses de 2,2 points de PIB en 2030, il faudrait augmenter notre taux d’emploi de 4,7 points en cinq ans, soit une hausse d’environ 1,9 million d’emplois. À titre de comparaison, si l’on retient les simulations réalisées pour mesurer les effets attendus de la réforme des retraites de 202360, celle-ci devrait à terme relever le taux d’emploi d’au plus 0,6 point, soit près de huit fois moins que ce qui serait nécessaire ici. Par le passé, il a fallu en France deux décennies, entre 2002 et 2022, pour enregistrer une hausse comparable du taux d’emploi. L’Allemagne, en revanche, avait réussi à augmenter celui-ci de 6 points en seulement cinq ans, entre 2004 et 2009, notamment grâce aux « réformes Hartz ». Toutefois, cette progression s’est accompagnée de conséquences parfois défavorables pour les travailleurs et pour l’économie dans son ensemble : généralisation du temps partiel, multiplication des mini-jobs, segmentation accrue du marché du travail et modération salariale61. Plus récemment, les Pays-Bas62 sont eux aussi parvenus à accroître leur taux d’emploi de 6 points, entre 2017 et 2022, en s’appuyant notamment sur un recours important au travail à temps partiel, en particulier chez les jeunes. Au total, financer l’effort en ne recourant qu’à un seul levier – que ce soit la maîtrise de dépenses, des hausses d’impôts ou des réformes visant à accroître le taux d’emploi et grâce à cela les recettes publiques – semble peu crédible tant l’ampleur (et la vitesse) dans l’usage de chacun de ces leviers serait conséquente et inédite. Il apparaît donc indispensable de combiner plusieurs leviers, qui relèvent d’un choix politique essentiel. Une voie supplémentaire serait de financer une partie de cet effort à l’échelle européenne63 via un endettement commun au niveau de l’UE. Si par exemple un quart de l’accroissement de la hausse de l’effort français était financé au niveau de l’UE, cela représenterait un programme d’endettement d’environ 450 milliards d’euros courants pour l’ensemble de l’UE sur cinq ans (dont 70 milliards d’euros pour la France)64. Cela allégerait non seulement l’effort au niveau national, mais serait aussi justifié d’un point de vue théorique par le fait que la sécurité possède les principales caractéristiques d’un bien public européen65. Néanmoins, pour que cela ait un sens financièrement – et ne soit pas un simple outil de transfert ou de décalage de la contrainte dans le temps –, l’UE aura besoin de nouvelles ressources propres pour payer les intérêts et rembourser cette dette in fine. Sinon les pays devront la rembourser via leur contribution nationale, ce qui limiterait les gains liés à cette émission commune à l’écart d’intérêts entre les taux nationaux et les taux payés par l’UE – légèrement plus faibles que les taux français actuels66. Il serait en outre nécessaire de convaincre nos partenaires de lever de l’argent au niveau européen, en particulier l’Allemagne (dont le nouvel accord de coalition n’envisage pas cette dette mutualisée), et de lever les obstacles juridiques et institutionnels que la construction du plan de relance face au Covid (« Next Generation EU ») a dû surmonter, y compris la modification de la décision relative aux ressources propres, qui requiert l’unanimité et une ratification par tous les États membres67. Si l’on mobilise le levier du financement commun européen et que l’on combine plusieurs leviers discutés précédemment (options 4 et 5 du Tableau 5), les ordres de grandeur apparaissent alors moins intimidants. Par exemple, une cible à 3,5 % du PIB consacrés à la défense et 1 % pour la transition verte pourrait être atteinte avec un quart de l’effort supporté au niveau européen (à l’aide d’un programme à 450 milliards d’euros courants sur cinq ans), un quart par la maîtrise des dépenses (en gelant pratiquement les autres dépenses en volume, à -0,1 % par an), un quart par des efforts fiscaux ciblés (limités à +0,5 point de PIB en cinq ans) et un quart par la hausse du taux d’emploi (+1,2 point ou +500 000 emplois en cinq ans, soit l’équivalent du double de la dernière réforme des retraites). Ces chiffres sont toujours très ambitieux, mais semblent plus facilement atteignables que lorsqu’un seul levier est activé. Si l’on écarte toute hausse d’impôts, une autre option serait de répartir en trois les efforts, entre maîtrise des dépenses, hausse du taux d’emploi et financement européen (option 5 du Tableau 5) sont disponibles dans la section 6 de l’Annexe68). Par exemple, si cela était réalisé grâce à des économies, cela impliquerait de réduire de 1,3 % par an en volume les autres dépenses publiques (hors défense et transition écologique), pendant cinq ans, un effort jamais réalisé par la France depuis le début de la Ve République69. Cela laisse à penser qu’étant donné l’état actuel de nos finances publiques, consacrer 5 % du PIB à notre défense représenterait un effort quasiment inaccessible (à modèle économique et social donné) ; cet effort a d’ailleurs rarement été fourni par des pays qui n'étaient pas directement impliqués dans un conflit armé (voir Graphique 1). Conclusion En France comme ailleurs en Europe, un effort majeur de défense devra être réalisé dans les années à venir. Pour être crédible, durable et acceptable, il devra s’articuler avec les autres priorités qui s’imposent à notre société, le respect de notre modèle social, la transition écologique et les investissements dans l’éducation et la connaissance, ainsi que, pour la France en particulier, le rétablissement de nos comptes publics, également gage de souveraineté. De cette note, on peut déjà tirer trois enseignements. D’abord, il convient de s’interroger sur les besoins et le contenu des dépenses de défense, dans le cadre de la revue nationale stratégique. Un effort de dépense qui s’approcherait de 3,5 % du PIB d’ici à 2030 représenterait un doublement du budget de défense français en valeur (et une hausse d’environ 70 % pour un effort de 3 % du PIB). Une telle croissance serait inédite depuis l’après-guerre et requiert donc une revue approfondie des besoins et un ciblage précis, plutôt qu’un montant le plus élevé possible en part de PIB, quelle que soit la vertu mobilisatrice d’une telle cible. Ensuite, il est indispensable de combiner les modes de financement. Cet effort ne peut reposer sur une seule source – la maîtrise des autres dépenses publiques, une hausse des prélèvements obligatoires, une amélioration du taux d’emploi, ou le recours au financement européen – tant il serait considérable. Pour soutenir un réarmement d’envergure, il faudra activer plusieurs leviers : des efforts d’économies et des réformes seront nécessaires. La répartition précise de l’effort devra faire l’objet d’un débat démocratique. Enfin, sur tous ces aspects, la clé du problème passe par l’Europe. C’est vrai sur le plan financier : au-delà du projet présenté par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, « ReArm Europe », d’ampleur modeste mais adressant un signal positif, des solutions plus radicales doivent être envisagées. Un emprunt européen, permettant non seulement des financements communs mais aussi des acquisitions et des programmes industriels conjoints, est une idée qui progresse. Un montant proche de 500 milliards d’euros, ici évoqué, resterait bien inférieur (environ de moitié) à l’effort consenti pendant la crise du Covid en 2020 et faciliterait grandement les efforts nationaux, le niveau d’endettement global de l’UE demeurant modéré et soutenable. C’est vrai aussi sur le plan industriel : la situation actuelle doit inciter les Européens à surmonter la fragmentation nationale et à réduire les coûts en évitant les redondances et en produisant des économies d’échelle. Pour faire baisser les coûts, il serait nécessaire de définir et d’acquérir en commun de nouveaux équipements, confiés à des industriels européens en coopération ou plus intégrés. De la prescription à la production, c’est un nouveau modèle européen qu’il faut inventer : les erreurs commises par le passé70, dans différents secteurs, avec un « retour géographique71 » ne garantissant ni les meilleurs coûts ni la meilleure qualité, doivent inciter à bâtir un autre schéma, reposant sans doute sur une spécialisation industrielle plus assumée. 1. Cette note a bénéficié des contributions d’Élisa Cotet, Mathias Fournel-Meria et Adrien Wendenbaum, stagiaires à France Stratégie, que les auteurs remercient pour le travail de documentation et sur les données. 2. « Ukraine, dissuasion nucléaire, dépenses militaires : les pistes d’Emmanuel Macron pour pousser le réveil européen », Le Figaro, 2 mars 2025. 3. Au sommet de Davos, en janvier 2025, le président Donald Trump a déclaré : « I'm also going to ask all NATO nations to increase defence spending to 5 % of GDP, which is what it should have been years ago » (compte rendu diffusé par le média Euronews). 4. Montants en euros de 2024 (calculs réalisés avec les déflateurs du PIB du FMI, World Economic Outlook). 5. Le frein à l’endettement est inscrit dans la Loi fondamentale allemande depuis 2009. Au niveau fédéral, cela se traduit par un déficit structurel autorisé à hauteur de 0,35 % du PIB seulement. Le Bundestag (18 mars 2025) et le Bundesrat (21 mars) ont approuvé une réforme du frein pour en exempter les dépenses de défense. Voir par exemple : « Germany's Bundestag votes in favor of reforming 'debt brake’ », DW, 18 mars 2025. 6. D’après le Stockholm International Peace Research Institute - SIPRI (dépenses militaires) et Eurostat (taux de change, déflateur). En parité de pouvoir d’achat (taux de change PPA publiés par le FMI), notamment pour tenir compte des dépenses de personnel à niveau de vie comparable, l’écart serait considérablement réduit. Les dépenses des États-Unis (726 milliards d’euros PPA) seraient deux fois supérieures à celles de l’UE-27 (381 milliards ou 449 milliards avec le Royaume-Uni). Les dépenses en PPA pour les autres pays sont disponibles dans l’Annexe, section 3. 7. International Institute for Strategic Studies (IISS) (2025), The Military Balance 2025, mars. 8. Le taux de change euro-rouble pour 2024 est le taux de change moyen annuel disponible sur internet car les organismes internationaux ne donnent plus le taux de change entre le rouble et l’euro depuis 2024. 9. Voir Global Firepower (2025), « 2025 Military Strength Ranking », classement annuel. 10. Les données incluent les pays membres de l’Agence européenne de défense (AED), soit l’UE et les pays qui ont rejoint l'AED via l’arrangement administratif de l’AED (Serbie, Ukraine). Bunde T. , Franke B. , Maderspacher Q. , Oroz A. , Schwemer L. , Ullrich L.-M., Werner L. et Wittek K. (2017), Munich Security Report 2017: Post-Truth, Post-West, Post-Order?, Munich: Munich Security Conference, p. 21. 11. Agence européenne de défense (2024), EDA defence data, 2023. 12. International Institute for Strategic Studies (2024), European Defence-Industrial Capability, IISS Strategic Dossiers, mars. 13. Canon d’artillerie automoteur coréen K9 Thunder, missile surface-air de l’européen MBDA, lance-roquettes coréen K239, avion de combat américain F-35. Certains produits comme l’obusier Krab sont cependant produits sur le territoire. Source : IISS (2025), The Military Balance 2025, mars. 14. Source pour les chiffres de déficit et de dette : Commission européenne/AMECO (2025), « AMECO Database », Commission européenne, mars. 15. On peut citer le canon d’artillerie automoteur coréen K9 Thunder, l’avion de combat américain F-35, le système antimissile israélien Fronde selon IISS (2025), The Military Balance 2025, op. cit. 16. Marzian J. et Trebesch C. (2025), « How to finance Europe’s military buildup? Lessons from the World Economy », Kiel Policy Brief, n° 184, février. 17. IISS (2025), The Military Balance 2025, op. cit. 18. Celle-ci est définie comme la capacité à défendre et à poursuivre ses intérêts, non pas seul, mais sans dépendances indésirables et sans contraintes excessives, selon Vicard V. et Wibaux P. (2022), L’économie mondiale 2023, collection Repères, Éditions La Découverte, Paris. 19. Malizard J. (2022), « Budget de défense : quelles évolutions ? », Cahiers français, vol. 428, n° 4, p. 34-44. 20. Voir l’Annexe pour plus de détails sur les différentes mesures des dépenses de défense. 21. Voir l’Annexe pour les montants en parité de pouvoir d'achat. 22. Selon l’article 4 de la LPM. 23. Faute de projections disponibles sur les dépenses de défense hors « mission défense », nous faisons l’hypothèse d’une croissance de celles-ci au même taux que le PIB nominal entre 2025 et 2030 (voir l’Annexe). 24. Christophe D. (2023), « Histoire des Lois de programmation militaire (LPM) », Les Cahiers de la Revue Défense Nationale. 25. Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) (2014), « Déclaration du sommet du pays de Galles – Point 14 », 5 septembre. 26. Commission européenne (2025), Livre blanc pour une défense européenne. Préparation à l’horizon 2030, mars. 27. Santopinto F. (2025), « The ReArm Europe Plan: Squaring the circle between integration and national sovereignty », Analyses, IRIS, 12 mars. 28. On peut citer la défense aérienne et antimissile, les systèmes d’artillerie, les munitions et missiles, les drones et systèmes anti-drones, les corridors de déplacements de troupes à l’échelle de l’UE et la guerre électronique. Commission européenne (2025), Livre blanc pour une défense européenne, op. cit. 29. En France, la revue nationale stratégique dresse le panorama de l’environnement de défense et de sécurité aussi bien national qu’international, puis identifie les enjeux stratégiques, opérationnels et capacitaires pour les années à venir. La dernière a été publiée en 2022 et une actualisation a été demandée par le président de la République le 20 janvier 2025. Elle conduit à une planification financière par équipement. 30. Burilkov A. et Wolff G. W. (2025), « L’armée européenne : combien de divisions ? Cartes, graphiques, chiffres clefs », Le Grand Continent, 16 mars. 31. Barrie D., Barry B., Béraud-Sudreau L., Boyd H., Childs N. et Giegerich B. (2019) « Defending Europe: scenario-based capability requirements for NATO’s European members », IISS report, avril. 32. Voir Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (2024), Revue annuelle de la condition militaire – 18e rapport, décembre. 33. Lopez V. et Carlotti M.-A. (2024), Pour rendre l’armée plus attractive : retenir, attirer, réunir, rapport d’information, Sénat, octobre. 34. Harfi M. et Bronsard S. (2025), « Service national : construire un nouveau modèle français (et européen) », Note flash, n° 1, France Stratégie/HCP, mai. 35. Observatoire économique de la défense (2020), « Dépendance stratégique aux matériaux critiques de la BITD française », Ecodef, n° 143, ministère des Armées, janvier. 36. Moura S. (2021), « La fragmentation mondiale des chaînes de production en biens militaires de la France », Ecodef, n° 175, ministère des Armées, février. 37. La période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé par la Cour des comptes à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB. Cour des comptes (2024), La situation et les perspectives des finances publiques, rapport, juillet. 38. Le détail des autres catégories de dépenses est disponible dans l’Annexe, section 5. 39. Ce chiffre est un ordre de grandeur qui ne tient pas compte des effets du moindre recours à l’endettement (qui augmenterait ce chiffre) et des effets d’entraînement macroéconomique des dépenses militaires sur le PIB (qui le réduiraient probablement). Voir détails dans l’Annexe, section 8. 40. Dans le cadre des nouvelles règles budgétaires européennes mises en place en 2024, la France a soumis un premier Plan structurel à moyen terme (PSMT) en octobre 2024 à la Commission européenne, qui est suivi annuellement via un rapport d’avancement, le dernier datant du 16 avril 2025. 41. Direction générale du Trésor (2025), « Publication du rapport d’avancement annuel 2025 », ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, 16 avril. 42. Cour des comptes (2025), Situation financière et perspectives du système de retraites, communication au Premier ministre, février. 43. Economic Policy Committee – Ageing Working Group (2024), 2024 Ageing Report: Economic and budgetary projections for EU Member States (2022-2070), Commission européenne, mai. 44. Pisani-Ferry J. et Mahfouz S. (2023), Les incidences économiques de l'action pour le climat, France Stratégie, décembre. 45. La stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (SPAFTE) prévoit une hausse des financements pour la transition dans les prochaines années, mais celle-ci est jugée insuffisante par l’organisme I4CE pour répondre à nos engagements : voir Hainaut H., Ledez M., Douillet M. et Métayer S. (2024), « Financement de la transition : quelles marges de manœuvre autour du besoin de financement public », I4CE, juillet ; et aussi Batut C. et Kaiser J. (2025), « Climat contre budget : quelle trajectoire est soutenable ? », Institut Avant-Garde, mars. 46. Agacinski D., Harfi M. et Ly S. T. (2016), « Quelle stratégie pour l’éducation ? », note Enjeux 2017-2027, France Stratégie, juin. 47. Commission de l’intelligence artificielle (2024), IA : notre ambition pour la France, rapport, mars. 48. Le PSMT ne mentionne pas explicitement comment cet objectif est atteint en termes de répartition dépenses/recettes. Nous supposons que le ratio de recettes sur PIB est maintenu constant à partir de 2025, ce qui est cohérent avec la volonté affichée du gouvernement de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires dans le PIB ces prochaines années. 49. Voir la communication de la Commission européenne du 18 mars 2025. L’avantage principal de cette flexibilisation des règles serait qu’en cas d’augmentation brutale des taux d’intérêt français, l’absence d’infraction des règles européennes permettrait à la BCE d’intervenir en utilisant son programme d’achat d’actifs Transmission Protection Instrument (TPI) avec le blanc-seing de la Commission. Voir par exemple sur ce point : Pench L. (2024), « Dilemmas for the EU in deficit-financing of defence expenditure and maintenance of fiscal discipline », Working Paper 03/2025, Bruegel. 50. En augmentant chaque année nos dépenses de manière linéaire pour passer à 3,5 % en 2035. Voir les détails de la méthode utilisée dans l’Annexe. 51. Ces estimations ne tiennent pas compte des effets macroéconomiques positifs sur le PIB (donc sur les recettes) des dépenses supplémentaires de défense, qui pourraient avoir un multiplicateur plus élevé que d’autres dépenses publiques : voir par exemple Ilzetski E. (2025), Guns and Growth: The Economic Consequences of Defense Buildups, Kiel Report, février. Elles ne tiennent pas compte dans l’autre sens d’une hausse possible des taux d’intérêt liée à une dette plus élevée qui accroîtrait le déficit. 52. Les détails de nos scénarios et des hypothèses qui les sous-tendent sont disponibles dans le Tableau A5 de l’Annexe, tandis que notre méthodologie et les hypothèses utilisées sont disponibles dans la section 6 de l’Annexe. 53. Néanmoins, un scénario sans dépenses supplémentaires pour la transition est disponible dans le Tableau A5 de l’Annexe. 54. D’un point de vue macroéconomique, il s’agirait principalement d’une redistribution des dépenses, ce qui ne modifierait pas significativement les résultats de la simulation macroéconomique réalisée pour le PSMT. Les effets de bouclage macroéconomique devraient donc rester marginaux (sans prendre en compte l’écart de multiplicateur entre dépenses de défense et les défenses maîtrisées qui pourrait être positif selon le Kiel Institute). 55. Selon l’Insee, et à titre illustratif, des baisses de 5 % des montants du RSA, des allocations familiales ou des aides au logement entraînent chacune un gain pour les finances publiques d’environ 800 millions d’euros par an, de 1 milliard d’euros pour la prime d’activité. Sources : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2016 (actualisée 2018) ; Insee-Drees-Cnaf, modèle Ines 2018. 56. Selon le site FIPECO, une hausse de 1 point rapporterait environ 8,2 milliards d’euros pour le taux de droit commun (20 %), 1,6 milliard pour le taux réduit de 10 %, 2,3 milliards pour le taux réduit de 5,5 % et 0,6 milliard pour le taux super-réduit de 2,1 %, soit près de 13 milliards d’euros si tous les taux étaient majorés. Voir FIPECO (2024), « La taxe sur la valeur ajoutée », avril. 57. Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches (n° 768). Voir page 36 : « Les économistes auditionnés par la rapporteure estiment que le rendement attendu de la mesure pourrait se situer entre 15 et 25 milliards d’euros, soit une contribution représentant entre 0,6 % et 0,9 % du PIB ». 58. Auclert A., Philippon T. et Ragot X. (2024), « Quelle trajectoire pour les finances publiques françaises ? », Note du CAE, n° 82, juillet. Ils proposent en particulier de supprimer les niches des droits de succession, de réformer le crédit impôt recherche, de mieux cibler les exonérations de cotisations employeurs, ou de recentrer les aides à l’apprentissage sur les jeunes peu qualifiés. Par ailleurs, ces montants devraient être réactualisés suite aux récentes réformes des aides aux employeurs et des allègements généraux. 59. Le CAE souligne aussi que la faiblesse du taux d’emploi en France est particulièrement due au sous-emploi des jeunes et des seniors (en particulier les jeunes « ni en emploi et ni en études, ni en formation » et les seniors de 60 ans et plus). Voir Bozio A., Ferreira J., Landais C., Lapeyre A., Modena M. et Molaro M. (2025), « Objectif plein emploi : pourquoi et comment ? », CAE, Focus, n° 110, mars. Selon les auteurs, la France a rattrapé son retard sur la tranche d'âge 55-59 ans, mais connaît toujours un taux d’emploi faible autour de 60 ans, celui-ci étant notamment inférieur de plus 10 points à celui de l’Allemagne sur la tranche 60-64 ans en 2023. 60. Voir le Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023. Néanmoins, ce chiffre est à interpréter avec prudence. En effet, la tranche d’âge 60-64 ans présente une forte hétérogénéité en termes de conditions de santé, de trajectoires professionnelles, d’accès à la formation et de capacité à prolonger l’activité. Si la réforme de 2010 avait positivement affecté le taux d’emploi des 55-59 ans, la réforme des retraites de 2023 pourrait avoir un effet plus modeste sur l’emploi des seniors les plus âgés. De plus, au-delà de 65 ans, la dégradation de l’état de santé accroît fortement et de manière différenciée le coût du maintien en emploi. 61. Pour plus de détails sur les réformes mises en place et leurs effets, voir DG Trésor (2013), « Réformes Hartz : quels effets sur le marché du travail allemand ? », Trésor-Éco n° 110, mars. 62. Voir par exemple la Recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme et portant avis sur le programme de stabilité des Pays-Bas pour 2023. 63. Pour l’instant la dimension européenne du financement de la défense, même si elle s’est accrue ces dernières années, demeure marginale, avec environ 7 milliards d’euros par an tous programmes confondus. Voir Steinbach A., Wolff G. et Zettelmeyer J. (2025), « The governance and funding of European rearmament », Policy Brief, n° 15, Bruegel. 64. Une façon alternative – et plus logique – de dimensionner un programme d’endettement au niveau européen serait de viser un effort de défense supplémentaire au niveau de l’UE. Si cet effort était de 1,5 % du PIB à horizon 2030 comme le préconise la Commission, cela représenterait en cumulé 4,5 points de PIB moyen annuel de l’UE entre 2025 et 2030 (pour passer d’un peu moins de 2 % du PIB en 2024 à 3,5 % du PIB en 2030, en supposant une croissance linéaire en pourcentage de PIB). Si l’UE en finançait la moitié (soit 2,25 points de PIB), cela représenterait un programme de 480 milliards d’euros (en faisant l’hypothèse d’une croissance nominale du PIB de l’UE de 4 % par an) dont une enveloppe de 75 milliards d’euros pour la France, déterminée par son poids dans le PIB de l’UE, qui diminuerait graduellement de 16 % en 2025 à 15 % en 2030 (calculs à partir des données AMECO). Cette méthode aboutirait à un résultat assez proche du nôtre où, pour simplifier, l’UE prendrait en charge un quart des dépenses supplémentaires de défense et de transition écologique pour la France (2,1 points de PIB moyen annuel français sur la période, soit 70 milliards d’euros), pour un programme de 450 milliards d’euros au niveau de l’UE (avec les mêmes hypothèses). 65. Claeys G. et Steinbach A. (2024),« A conceptual framework for the identification and governance of European public goods », Working Paper 14/2024, Bruegel. 66.« EU Investor Presentation-Investing in EU-Bonds & EU-Bills », 30 avril 2025. 67. Voir Grund S. et Steinbach A. (2023), « European Union debt financing: leeway and barriers from a legal perspective », Working Paper 15/2023, Bruegel. 68. Annexe disponible sur le site France Stratégie. 69. Calculs à partir des données historiques de finances publiques publiées par l’Insee dont la série commence en 1959. 70. Droff J. (2023), « L'inefficacité des programmes d'armement en coopération : un mythe ? », webinaire Les entretiens de l'Ecodef, 9 mars. Dans une évaluation de 2018, la Cour des comptes, retenant six programmes communs ayant finalement été lancés, en tirait un bilan mitigé : voir Cour des comptes (2018), « La coopération européenne en matière d’armement », synthèse, rapport public. 71. Le « retour géographique » est le principe, utilisé notamment dans le secteur spatial, selon lequel chaque euro de contribution d’un État doit aboutir à un euro de commande ou de production industrielle sur son territoire national. 72. Ce document ne serait pas contraignant au sens législatif mais opérerait par le biais de la pression sociale entre pairs. 73. En faisant l’hypothèse de 3,5 % du PIB consacrés à la défense, dont la moitié environ aux dépenses d’équipement − afin notamment de combler le retard européen en la matière par rapport aux États-Unis −, le « 1 % européen » signifie que, dans la durée, la majorité des équipements achetés par les pays seraient produits dans l’Union européenne (en incluant le cas échéant le Royaume-Uni). Téléchargement Comment financer le réarmement et nos autres priorités d’ici à 2030 ? Télécharger l'édito de Clément Beaune PDF - 2 201.6 Ko Télécharger la note flash 2 PDF - 3 236.1 Ko Télécharger l'annexe de la note flash 2 PDF - 670.4 Ko Thèmes Finances publiques Action publique Stratégie Publié par France Stratégie Auteurs Grégory Claeys Sylvain Moura Léo Quennesson Jérôme Trinh Citer ou exporter Citer cette publication Fermer Citer cette publication Autres options d'export Pour aller plus loin Service national : construire un nouveau modèle français (et européen) Face aux défis contemporains d’engagement citoyen, de cohésion nationale et de préparation à la défense, plusieurs pays en Europe ... Finances publiques Action publique Stratégie Note flash 05 mai 2025 Les incidences économiques de l’action pour le climat Compte-tenu du rythme et de l'ampleur de l'effort à fournir dans la lutte contre le réchauffement climatique, il devient indispens... Changement climatique Macroéconomie Stratégie Rapport 22 mai 2023
Service national : construire un nouveau modèle français (et européen) Face aux défis contemporains d’engagement citoyen, de cohésion nationale et de préparation à la défense, plusieurs pays en Europe ... Finances publiques Action publique Stratégie Note flash 05 mai 2025
Les incidences économiques de l’action pour le climat Compte-tenu du rythme et de l'ampleur de l'effort à fournir dans la lutte contre le réchauffement climatique, il devient indispens... Changement climatique Macroéconomie Stratégie Rapport 22 mai 2023