Les réseaux sont ainsi de grands consommateurs de cuivre, alors que l’ensemble de nos équipements nécessite pour leurs fonctions technologiques une quantité de petits métaux (tantale, gallium, germanium) et métaux précieux (or, platine). Bien que consommés en très faibles quantités, ces métaux sont vite devenus indispensables, par leurs caractéristiques exceptionnelles, pour amplifier les performances de nos équipements. Cette consommation s’inscrit dans un contexte de forte hausse de la demande mondiale de métaux, aussi bien en volume qu’en diversité des métaux consommés.
S’il n’y a pas à moyen terme de risque d’un épuisement des ressources métalliques, cette forte croissance de la demande peut engendrer des tensions d’approvisionnement, liées notamment à l’interdépendance économique entre métaux, qui contraint structurellement la disponibilité de certains petits métaux, ou à la compétition entre les usages.
L’extraction et le raffinage de ces métaux nécessitent de l’énergie, le plus souvent carbonée, et de grandes quantités d’eau, et contribuent à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’à l’amplification du stress hydrique dans les pays producteurs.
À l’autre bout de la chaîne, la croissance de la consommation de matière se retrouve dans la croissance des déchets : depuis le début des années 2000, du fait de la croissance de la consommation et de l’accélération du rythme de remplacement des équipements, la quantité de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) générée annuellement à l’échelle mondiale ne cesse de progresser. Elle devrait ainsi atteindre 52 millions de tonnes en 2021 (contre 45 millions de tonnes en 2016), dont un quart de déchets du numérique. La plupart de ces déchets sont mis en décharge, brûlés ou ont fait l'objet d'un commerce illégal et d'un traitement non conforme aux normes. Cette absence de gestion de la fin de vie est d’autant plus inquiétante que les DEEE sont des déchets dangereux et polluants.
La réponse traditionnelle aux problèmes liés à la consommation croissante en métaux nécessaires pour alimenter notre modèle de consommation numérique et aux déchets qu’elle produit a été et reste encore très largement limitée aux politiques de recyclage. Néanmoins, si les grands métaux (cuivre, fer, etc.) et les métaux précieux (or, platine) sont relativement bien recyclés, la majorité l’est très peu. En particulier, la quasi-totalité des petits métaux utilisés pour les fonctions high-tech dans le secteur numérique n’est quasiment pas recyclée.
Plusieurs raisons techniques ou économiques limitent le développement du recyclage de ces métaux :
- ces petits métaux, présents dans des quantités très faibles, sont le plus souvent utilisés sous la forme d’alliages complexes. Or, si ces alliages permettent d’amplifier les performances notamment énergétiques et rendent possible la miniaturisation des équipements, ils complexifient énormément le recyclage ;
- l’industrialisation des processus de recyclage dans le numérique est par ailleurs complexifiée par la multiplicité des équipements ;
- les métaux subissent une « dégradation de l’usage » : le métal recyclé peut perdre une partie de ses performances technologiques.
Par ailleurs, du fait de la croissance de notre consommation et du décalage temporel et spatial entre production et recyclage, le recyclage de nos équipements ne permettra jamais de couvrir l’ensemble de nos besoins.
Face aux enjeux environnementaux, le recyclage des métaux contenus dans les équipements numériques ne peut donc pas constituer l’unique réponse et doit s’accompagner de politiques visant à réduire notre consommation de matière primaire.
Ce document de travail, premier d’une série de trois documents, s’appuie sur les travaux présentés lors d’un cycle de séminaires sur l’impact environnemental du numérique qui s’est tenu à France Stratégie en 2018-2019.